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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

Le MASSACRE de Mr KARAHAMUHETO Janvier et sa famille

en 1994 à MUSAMBIRA par le FPR

I. RAPPEL

Mr KARAHAMUHETO Janvier était connu comme commerçant dans la commune de Musambira, la préfecture de Gitarama et plus spécialement dans le centre de négoce de GASHYUSHYA. Il fut également longtemps le président de la CCIR (Chambre de Commerce et de l'Industrie du Rwanda) où il représentait la commune de Musambira. En parallèle, il était connu comme un fervent chrétien catholique de la paroisse de Kamonyi, plus particulièrement dans la centrale de Nyamiyaga et à la chapelle de Buye où il était impliqué dans les différents services auprès des fidèles de cette localité.

II. AVANT L'ASSASSINAT DE Mr KARAHAMUHETO JANVIER ET SA FAMILLE

Mr KARAHAMUHETO habitait dans le secteur de Kambyeyi dans la cellule de Kabungo non loin du centre commercial de Mukunguli à la frontière avec la commune de Mugina. Avec l'avancée de l’armée du FPR en provenance de la commune de Mugina, les militaires ont campé au centre commercial de Rwabinagu (Mukunguli - Musambira). Beaucoup d'habitants fuyaient le secteur. Mr KARAHAMUHETO hébergeait beaucoup de personnes chez lui et ne voulait pas les laisser à l'abandon ; en plus il disait qu'il n'avait rien à se reprocher.

Aux alentours du 7 et 8 juin 1994, un groupe de 6 militaires du FPR ont quitté leur campement de Rwabinagu et se sont présentés vers 10h à la maison de Mr KARAHAMUHETO pour demander les nouvelles de la famille et pour vérifier s'il n'y avait pas d'autres personnes hébergées par la famille. Mr KARAMAMUHETO leur a présenté toutes les personnes présentes (Hutu et Tutsi). Les militaires ont été bien accueillis et on leur a présenté des chaises pour s'assoir. Mr KARAHAMUHETO leur a demandé ce qu'ils voulaient boire entre la bière Primus et la bière locale (Urwagwa). Ils ont tous choisi la bière locale, dont Mr KARAHAMUHETO était reconnu dans la région pour en fabriquer de qualité. Après une heure d’échange, les militaires ont demandé s'ils pouvaient jeter un coup d'œil dans toutes les pièces composant le complexe (igipangu) du bâtiment familial - ce que Mr KARAHAMUHETO a bien sûr accepté. Ils le faisaient dans le sens de vérifier s'il n'y avait pas les "interahamwe" qui s’y seraient cachés.  Avant de partir, ils ont gentiment demandé si Mr KARAHAMUHETO pouvait leur offrir un bidon de 20 litres d'Urwagwa pour donner aux camarades restés au campement, ce qu'il a fait. Ils ont aussi laissé un message à Mr KARAHAMUHETO de dire à ses enfants non présents à la maison de rentrer car il n'y avait rien à craindre car ils allaient être protégés.

 

III. Le carnage chez Mr KARAHAMUHETO

Le dimanche 12 juin vers 15h alors que les massacres n'avaient pas encore commencé dans ce secteur, à la surprise générale, les mêmes militaires sont arrivés à la maison, ont rassemblé toutes les personnes présentes à l'intérieur du complexe (igipangu) et ont refermé le portail derrière eux. Avant les massacres, ils ont saccagé toutes les pièces du complexe y compris les plafonds de chaque bâtiment et ils n'ont trouvé personne d’autre. En premier, ils ont ligoté Mr KARAHAMUHETO et ils l'ont torturé jusqu’à ce qu’il leur montre où il avait caché de l'argent. Quand ils ont trouvé l’argent qu’il gardait à la maison, ils ont ligoté toutes les personnes présentes sauf les 5 femmes présentes qui ont été laissées libres. Ces femmes ont été violées par les militaires ; 2 ou 3 militaires se relayaient sur une même femme y compris une mère qui était enceinte de 8 mois.

Pour un petit rappel, Mr KARAHAMUHETO, avait gardé à son domicile une somme d'argent à la suite de l'instabilité politique et sécuritaire qui s'accentuait dans le pays surtout à partir de 1992.

Après le viol, ils ont ligoté aussi les femmes et ils ont commencé à tuer tout le monde en utilisant l'agafuni (la houe usée). Après le carnage, les assassins ont laissé les corps gisant dans le sang ; ils sont partis vers 17h30. Le lendemain, les mêmes militaires sont revenus pour débarrasser les corps. Faustin, un jeune gardien de bétail a été lourdement blessé mais il pouvait encore parler. C’est grâce à lui qu'un voisin courageux a pu recueillir ce témoignage après le départ des militaires. La mauvaise nouvelle s’est vite répandue dans tout le secteur et depuis lors aucun habitant ne dormait plus dans sa maison - ils tous passaient leur temps dans la brousse, jour et nuit. 

Le lendemain vers 6h30, au lever du soleil, les militaires sont revenus et ont pris tous les corps pour les jeter dans une latrine qui se trouvait à l'extérieur de la clôture. Cette toilette était réservée aux employés de la maison (abapagasi) qui avaient leur domicile à l'extérieur de la clôture. Malheureusement, le jeune Faustin qui était blessé pendant le carnage mais qui n’était pas mort de ses blessures a lui aussi été jeté dans la latrine avec les autres corps.

La liste des personnes tuées chez Mr KARAHAMUHETO :

1. KARAHAMUHETO Janvier, chef de famille.

2. NDAYISABYE Emmanuel (fils de Mr KARAHAMUHETO) et ses 5 enfants.

3. YANKULIJE Immaculée (tutsi), épouse de Mr Ndayisabye et belle-fille de Mr Karahamuheto.

4. KAYISHAZA Liberatha, nièce de Mr Karahamuheto et ses 5 enfants.

5. Thérèse, soeur de Mr Karahamuheto, hutu, mais mariée à un tutsi tué pendant le génocide des Tutsi.

6. Faustin, le gardien du bétail.

7. Révérien, un jeune homme de 19 ans qui était de passage et fils de Mr Rugema Télésphore, policier communal, tué dans les massacres de Rwabinagu avec ses 5 autres enfants.

8. Ingabire, jeune fille tutsi de 16 ans qui était venue se cacher dans la famille.

9.Un Monsieur, tutsi, dont l'identité n'est pas connue, qui y était venu se cacher.

10. Une jeune femme, tutsi et son fils de 5 ans dont l'identité n'est pas connue, venus aussi pour se cacher.

IV. LES MASSACRES DE RWABINAGU, LE 15 JUIN

Vers mi-juin, toute la région de la commune de Musambira et de Mugina était sous le contrôle de l'armée du FPR et aucun habitant n'avait plus la possibilité de fuir. A Rwabinagu (Commune Musambira) et les collines environnantes tous les habitants ont été rappelés pour regagner leurs domiciles. Les autorités militaires avaient donné des consignes à toute la population de ne plus fermer les portes des maisons car ils risquaient d’être suspectés de cacher quelque chose. La nuit, les militaires se pointaient dans certaines familles et ramassaient les gens qu'ils voulaient. La journée la population était invitée à venir participer à la réunion. Le lendemain, les cadavres étaient retrouvés sur les collines.

C'est dans ce cadre qu'en date du 15 juin, les militaires devenus trop nombreux dans le secteur de Rwabinagu, ont appelé tout le monde en réunion ; ils sont allés fouiller dans toutes les maisons pour être sûrs que tout le monde avait répondu à l’appel, exceptés les malades et les personnes âgées. Ce 15 juin 1994, le FPR a tenu une réunion d’à peu près 400 personnes et l'ordre du jour était la sécurité dans la région. Avant la réunion, les militaires ont communiqué à tous les participants qu'avant de partir, il y avait beaucoup d'argent à récupérer chez le commerçant KARAHAMUHETO. Ce dernier, disaient-ils, avait tout pour lui et sa famille et avait laissé les autres comme ses otages (esclaves) ! Pour cela, désormais la bière de l'Urwagwa allait être gratuite pour tout le monde grâce à ce magot.  La réunion a duré trois heures. A la tombé de la nuit, les militaires ont demandé à toute la population de rentrer chez elle pour revenir le lendemain matin vers 9h et cette fois-ci ramener tous les autres qui n’étaient pas venus, surtout les jeunes car l'ordre du jour était : le recrutement de la jeunesse pour l'armée et la consommation de l'argent laissé par le commerçant KARAHAMUHETO.

Le lendemain vers 9h, la population de Rwabinagu et des collines environnantes étaient présentes. Les militaires du FPR, en compagnie de quelques rescapés du génocide contre les tutsis, allaient fouiller dans les maisons pour vérifier si personne n’était resté caché. Dans peu de temps, entre 800 et 900 personnes ont été rassemblés au petit centre commercial. Pour ceux qui étaient présents, les militaires ont commencé à distribuer la boisson et en même temps un renfort de militaires venait de partout surtout du côté de la commune de Mugina. Vers 11h, les militaires ont commencé à devenir un peu agressifs et interdire à toute personne de sortir du centre, surtout les mamans qui voulaient retourner à la maison pour s’occuper de leurs enfants.

Vers 11h30, les militaires ont encerclé le centre commercial du côté de Bibungo (commune de Mugina) et plusieurs coups de sifflets ont retenti. Ils ont commencé à tirer sur la foule et à jeter les grenades. Ceux qui ne mourraient pas sur le champ étaient achevés avec des coups de baïonnettes. Les corps jonchaient partout ! En début d'après-midi, il a commencé à pleuvoir, et le silence s'est installé. Le lendemain matin, les autres militaires sont venus en renfort pour jeter les corps dans les différentes latrines du centre, et les autres ont été jetés dans les fausses communes qui venaient juste d'être creusées. Les militaires sont restés sur place tout l'après-midi.

Vers 18h, ils ont décampé et ils ont pris la direction de Nyarubaka pour rejoindre la ville de Gitarama. Une vingtaine de militaires est restée sur les lieux dans l'objectif de continuer à surveiller le secteur. En même temps, ils continuaient à sillonner les collines aux alentours du centre pour rattraper les rescapés, qui, à leur tour étaient amener au centre pour être exécutés. Cette pratique de chasse à l'homme (les hutus) a duré jusqu'à la fin de juillet 1994.

Octobre 2024

(Témoin qui a préféré garder l’anonymat)

 

 

 

 

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