Mgr Christophe Munzihirwa a donné sa vie pour les réfugiés Hutu Rwandais.
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apic/Archevêque de Bukavu/Lettre/ONU Zaïre: Lettre de l'archevêque de Bukavu à Boutros Ghali Les réfugiés rwandais risquent de déstabiliser la région (190595) Bruxelles, 19mai(APIC/CIP) Mgr...
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Bruxelles, 19mai 1995 (APIC/CIP) Mgr Christophe Munzihirwa, archevêque de Bukavu, ville zaïroise sise à la frontière du Rwanda, craint une explosion en raison de la présence de centaines de milliers de réfugiés rwandais. Une crainte qu’il transmet par lettre au secrétaire général des Nations Unies,
Boutros Boutros Ghali.
La présence dans la région de Goma et de Bukavu d’un million et demi de réfugiés rwandais risque de faire imploser la région des Grands Lacs.
Boutros Boutros Ghali.
La présence dans la région de Goma et de Bukavu d’un million et demi de réfugiés rwandais risque de faire imploser la région des Grands Lacs.
«Alors que les grandes puissances semblent entériner le statu quo (ce que disent les Etats-Unis et la Grande-Bretagne), nous constatons déjà sur place les signes annonciateurs d’affrontements possibles et de déstabilisation de toute la sous-région», écrit Mgr Munzihirwa dans sa lettre adressée au secrétaire général des Nations-Unies. L’archevêque demande qu’une réflexion politique sur la situation des Grands Lacs, et particulièrement du Rwanda, ait lieu «sans tarder».
Dans son message, qu’il a également fait parvenir au président de la Commission Européenne à Bruxelles, au cardinal Sodano, Secrétaire d’Etat du Vatican, et au Haut Commissaire aux réfugiés à Genève, Mgr Munzihirwa évoque les relations entre les populations locales et les réfugiés rwandais.
Les conditions de vie dans les camps sont devenues précaires et un sentiment d’insécurité a gagné les réfugiés, écrit-il. Ceux qui souhaitent rentrer au Rwanda considèrent que leur retour est impossible. Après le carnage de Kibeho, beaucoup souhaitent une réconciliation.
«La population zaïroisE, qui les a accueillis avec beaucoup de générosité, manifeste maintenant son inquiétude, poursuit l’archevêque. Si les réfugiés sont affamés, ne risquent-ils pas d’attaquer les habitants, qui vivent eux aussi dans une situation de vraie misère? De plus, la population locale comme la population réfugiée rejette l’éventualité d’une intégration qui poserait plus de problèmes qu’elle n’apporterait de solutions au Kivu, déjà surpeuplé.
Dans son message, qu’il a également fait parvenir au président de la Commission Européenne à Bruxelles, au cardinal Sodano, Secrétaire d’Etat du Vatican, et au Haut Commissaire aux réfugiés à Genève, Mgr Munzihirwa évoque les relations entre les populations locales et les réfugiés rwandais.
Les conditions de vie dans les camps sont devenues précaires et un sentiment d’insécurité a gagné les réfugiés, écrit-il. Ceux qui souhaitent rentrer au Rwanda considèrent que leur retour est impossible. Après le carnage de Kibeho, beaucoup souhaitent une réconciliation.
«La population zaïroisE, qui les a accueillis avec beaucoup de générosité, manifeste maintenant son inquiétude, poursuit l’archevêque. Si les réfugiés sont affamés, ne risquent-ils pas d’attaquer les habitants, qui vivent eux aussi dans une situation de vraie misère? De plus, la population locale comme la population réfugiée rejette l’éventualité d’une intégration qui poserait plus de problèmes qu’elle n’apporterait de solutions au Kivu, déjà surpeuplé.
Le vrai visage du pouvoir de Kigali
Concernant l’évolution de la situation dans la région, Mgr Munzihirwa note «les liens qui unissent maintenant les pouvoirs politiques en place au Rwanda, au Burundi et en Ouganda, ainsi que la «collaboration» réelle entre les armées de ces trois pays dans les sévices infligés aux réfugiés».
Quant au pouvoir de Kigali, «en fait un double pouvoir gouvernemental et militaire marqué par des lutes intestines entre factions au pouvoir», observe l’archevêque, «son aile dure pratique une politique de dépeuplement.
D’innombrables victimes d’arrestations arbitraires et de vengeance s’entassent dans les prisons ou autres lieux de détention. Elles y meurent ou sont enlevées de nuit. Et font ainsi place aux quelque 1’500 à 2’000 nouveaux arrêtés chaque mois. Les actes de génocide perpétrés au Rwanda par l’aile
dure au pouvoir, et tout particulièrement le carnage de Kibeho, ont montré le vrai visage du pouvoir de Kigali, et l’on pourrait craindre un durcissement des extrémistes au pouvoir: leur volonté d’éliminer au maximum la population hutue, dans la perspective des échéances électorales.»
Selon Mgr Munzihirwa, un certain nombre d’agents d’information du FPR sont présents à Bukavu et à Goma, tout comme il y a des incursions de bandits rwandais et zaïrois au Rwanda. Dernièrement, précise-t-il, il y a eu plusieurs attaques par des soldats du FPR qui ont tué, en territoire zaïrois, des pêcheurs zaïrois. «Des armes lourdes pointées vers le Zaïre, ajoute-t-il, sont installées à Bugarama, au Rwanda, et à Nkombo (île en face de Birava). Et des camions chargés de marchandises destinées aux commerçants zaïrois sont systématiquement bloqués au Rwanda».
Quant au pouvoir de Kigali, «en fait un double pouvoir gouvernemental et militaire marqué par des lutes intestines entre factions au pouvoir», observe l’archevêque, «son aile dure pratique une politique de dépeuplement.
D’innombrables victimes d’arrestations arbitraires et de vengeance s’entassent dans les prisons ou autres lieux de détention. Elles y meurent ou sont enlevées de nuit. Et font ainsi place aux quelque 1’500 à 2’000 nouveaux arrêtés chaque mois. Les actes de génocide perpétrés au Rwanda par l’aile
dure au pouvoir, et tout particulièrement le carnage de Kibeho, ont montré le vrai visage du pouvoir de Kigali, et l’on pourrait craindre un durcissement des extrémistes au pouvoir: leur volonté d’éliminer au maximum la population hutue, dans la perspective des échéances électorales.»
Selon Mgr Munzihirwa, un certain nombre d’agents d’information du FPR sont présents à Bukavu et à Goma, tout comme il y a des incursions de bandits rwandais et zaïrois au Rwanda. Dernièrement, précise-t-il, il y a eu plusieurs attaques par des soldats du FPR qui ont tué, en territoire zaïrois, des pêcheurs zaïrois. «Des armes lourdes pointées vers le Zaïre, ajoute-t-il, sont installées à Bugarama, au Rwanda, et à Nkombo (île en face de Birava). Et des camions chargés de marchandises destinées aux commerçants zaïrois sont systématiquement bloqués au Rwanda».
Un autre génocide?
Pour l’archevêque de Bukavu, cette situation peut dégénérer en affrontements entre l’armée rwandaise (APR) et l’armée zaïroise qui, de fait, se sont déjà confrontées pendant une heure le 26 mars à Panzi. Depuis, «elles creusent des tranchées le long de la frontière» et «on pourrait toujours
craindre un retour par la force des Rwandais chez eux, avec la complicité de l’armée zaïroise. Ce qui provoquerait un autre génocide».
Il n’est pas trop tard pour agir, mais la solution sera politique. C’est pourquoi Mgr Munzihirwa a écrit au secrétaire général de l’ONU, auquel il soumet quelques recommandations: engager un dialogue entre représentants des réfugiés rwandais et le pouvoir de Kigali, assurer un ravitaillement régulier et suffisant des camps, trouver une solution acceptable pour l’armée rwandaise en exil, freiner le commerce des armes, lancer un mandat d’arrêt contre les vrais coupables des génocides et de la purification ethnique et les juger, mettre fin à la «politique» des arrestations arbitraires, des disparitions, des assassinats et du dépeuplement, encourager les négociations politiques et le respect de l’esprit d’Arusha. «C’est ainsi, conclut l’archevêque, que l’on tiendra compte du désir des populations – de l’intérieur comme de l’extérieur -, qui refusent la solution militaire et qui souhaitent se réconcilier et vivre en paix.» (apic/cip/pr)
© Agence de presse internationale catholique (apic), 19.05.1995
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