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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO 1993-2003

Rapport Mapping des Nations Unies

Climat d’impunité en RDC

La Section III du rapport Mapping (paragraphes 783-979) présente une évaluation du système de justice en RDC. Entre 1996 et 2003, la RDC a connu une succession de conflits armés qui a bien évidemment perturbé le fonctionnement de toutes les institutions, notamment des institutions judiciaires. Plusieurs de ses institutions demeurent dysfonctionnelles et plusieurs des personnes suspectées de graves violations des droits de l’homme occupent présentement des positions au sein du gouvernement ou de l’armée. Bien que les besoins de justice et de mettre fin à un climat d’impunité presque total soit grandissants, des millions de victimes sont laissées à elles-mêmes et ne peuvent faire entendre leur voix. Les sérieuses violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre 1993 et 2003 répertoriées dans le rapport, demeurent impunies.

Selon l’état actuel du droit interne congolais, seules les juridictions militaires ont la compétence de juger les crimes internationaux, soit les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime de génocide. (829)

Le rapport note qu’au moment de sa rédaction, « l’exercice de la compétence exclusive des juridictions militaires sur les crimes internationaux s’est traduit par une impunité grandissante dont témoigne le nombre insignifiant d’enquêtes et de poursuites menées pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité et ce, malgré le nombre effarant de crimes commis ». (974)

« Une des grandes faiblesses du système judiciaire en RDC réside depuis toujours dans le manque d’indépendance des cours et tribunaux par rapport aux structures du pouvoir exécutif, législatif et de l’administration étatique. Les interférences et immixtions des autorités politiques et militaires dans les affaires judiciaires sont courantes et reconnues… » (929)

À plusieurs reprises, les Nations Unies ont dénoncé les multiples interférences qui minent la justice militaire, s’interrogeant sur « la capacité des autorités militaires et judiciaires congolaises à mettre un terme à l’impunité et à juger les atteintes graves aux droits de l’homme – compte tenu en particulier de l’ingérence des acteurs politiques et de la hiérarchie militaire». (961)

De nombreuses personnes soupçonnées de violations graves du droit international humanitaire se trouvent aujourd’hui dans en fonctions dans un nombre d’institutions, notamment dans les hauts rangs de l’armée, indique le rapport. « Pendant la transition et au cours des années qui l’ont suivie, plusieurs nominations d’individus dénoncés comme étant responsables de crimes graves commis en RDC, dont certains pour des faits remontant à la période couverte par le présent rapport, sont devenus gradés lors de leur intégration dans l’armée nationale créée lors des accords de paix de 2002. Des cas très récents ont confirmé l’absence de volonté du Gouvernement de les exclure, Grâce à leur présence dans les institutions, et surtout dans celles qui ont le monopole de la force, les présumés auteurs des violations graves peuvent utiliser leur pouvoir pour empêcher toute initiative, et le cas échéant menacer ou simplement décourager de potentiels témoins et victimes ». (1138)

« Les interférences systématiques des autorités politiques et militaires (…) sont incessantes », souligne le rapport. Suite à l’intégration de certains des auteurs principaux des violences passées au sein de l’armée nationale (FARDC), « ces pressions risquent de s’amplifier au risque de devenir des obstacles insurmontables à la poursuite de certains hauts gradés responsables des crimes internationaux commis dans le passé. Et l’absence de procédures et mécanismes pour protéger victimes et témoins dans ces cas pourrait être tragique, avec des victimes souvent sans défense devant des accusés bien armés et portant l’uniforme. La sécurité des magistrats et des enquêteurs constitue également un problème qui peut décourager les meilleures intentions et entraver le cours normal des enquêtes et des poursuites ». (977)

« Les forces de sécurité congolaises ne sont pas en mesure de garantir la sécurité de la population civile, y compris des acteurs du système judiciaire. Au contraire, elles sont elles-mêmes source d’insécurité et figurent parmi les principaux auteurs de violations des droits de l’homme dans le pays ». (1003)

L’Équipe Mapping a pu constater « la peur constante de la part des populations affectées que l’histoire ne se répète, notamment lorsque les assaillants d’hier reviennent dans des positions qui leur permettent de perpétrer de nouvelles exactions sans que la justice ne puisse mettre fin à ces crimes ». (1143)

Les autorités judiciaires congolaises rencontrées par l’Équipe Mapping ont confirmé « qu’aucun jugement portant sur des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité n’a jamais été prononcé sous l’empire du Code de justice militaire de 1972, resté en vigueur jusqu'en mars 2003. Même avec l’adoption de la réforme du droit pénal militaire de 2003, un nombre insignifiant d’affaires relatives aux crimes internationaux (par rapport au nombre de crimes commis) a été traité par les juridictions militaires mises en place jusqu’à aujourd’hui. Ce manqué de dynamisme de la justice congolaise par rapport aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité, notamment à l’égard des principaux responsables, n’a fait qu’encourager la commission de nouvelles violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire. En RDC, le problème est moins un problème d'inadéquation des dispositions pénales qu'un problème de non application ». (893-94)

Pour l’ensemble des crimes internationaux commis entre mars 1993 et juin 2003 (tels que répertoriés dans la section I du rapport), « les tribunaux militaires ne se sont saisis que de deux affaires avec qualification de crimes de guerre, dont l’une s’est soldée par un acquittement de l’ensemble des accusés sur l’inculpation de crimes de guerre. Les poursuites engagées jusqu’à présent au regard des violations du droit international humanitaire ne satisfont ni les obligations internationales de la RDC en matière de répression des infractions graves aux Conventions de Genève et des violations graves des droits de l’homme imposées par les instruments de droit international dont la RDC est partie, ni les standards internationaux en matière de lutte contre l’impunité ». (890)

« En résumé, devant l’engagement limité des autorités congolaises envers le renforcement de la justice, les moyens dérisoires accordés au système judiciaire pour combattre l’impunité, l’admission et la tolérance de multiples interférences des autorités politiques et militaires dans les affaires judiciaires qui consacrent son manque d’indépendance, l’inadéquation de la justice militaire seule compétente pour répondre aux nombreux crimes internationaux souvent commis par les forces de sécurité et la pratique judiciaire insignifiante, défaillante et dépendante des cours et tribunaux militaires au cours des dernières années, force est de conclure que les moyens dont dispose la justice congolaise pour mettre fin à l’impunité concernant les crimes internationaux commis entre 1993 et 2003 sont sans aucun doute insuffisants. De plus, dans l’état actuel des choses, les juridictions militaires congolaises n’ont aux yeux des nombreuses victimes ni la capacité ni la crédibilité requises pour entamer de façon convaincante la lutte contre l’impunité face aux nombreuses violations des droits commises à leur égard dans le passé ».

(979)

Implication étrangère et impunité

« La participation importante des acteurs étrangers dans les violations graves du droit international humanitaire commises en RDC pose également une difficulté aux juridictions congolaises », souligne le rapport. « Bien qu’elles soient compétentes sur toute personne, congolaise ou non, elles ont peu de moyens d’obtenir la comparution de suspects résidant à l’extérieur du pays. La coopération de certains États face à une demande d’extradition reste incertaine, voire improbable compte tenu du peu de garantie qu’offrent les juridictions militaires congolaises en matière de procès juste et équitable et de respect des droits fondamentaux des accusés alors que la peine de mort est toujours en vigueur en droit congolais ». (978)

« D’après les informations reçues », indique le rapport, « à ce jour, aucun des pays tiers impliqués dans les conflits en RDC n’a engagé de poursuites contre les nationaux impliqués dans la commission des crimes graves, malgré l’existence d’indices sérieux quant à la responsabilité de leurs armées dans les crimes commis en RDC » (1016)

« L’impunité dont jouissent les nombreux auteurs des violations qui sont étrangers ou à l’extérieur du pays (…) appelle une pleine coopération des États tiers, soit de juger eux-mêmes, soit d’extrader les personnes ayant commis des crimes internationaux sur le territoire de la RDC. Le rôle de la CPI et du Conseil de sécurité en la matière pourrait être déterminant ». (1006)

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