Toute autorité vient-elle de Dieu ?
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La problématique de la causalité est à chaque fois évoquée quand il s’agit de l’appréhension d’une réalité quelconque. L’homme, dans sa quête effrénée du savoir, cherche toujours à connaitre l’origine et la cause de tout objet de connaissance. Cette aptitude cognitive est inhérente à l’humanité et nul ne peut la lui dénier. L’objet de connaissance, qu’il soit matériel ou abstrait, n’échappe à cette soif de connaissance.
Tout comme l’être humain s’interroge sur l’origine de son être-même, il s’interroge de même sur l’origine de tout ce qui en découle. S’il ne retrouve pas cette origine dans les réalités physiques, il la recherche dans les réalités abstraites (métaphysiques). L’homme donne une origine à tout objet de sa connaissance. Les débats épistémologiques sur la valeur de la réponse que l’homme attribue à l’origine de l’objet continuent certainement sur le plan philosophique. Néanmoins, l’homme, le commun de mortel, attribue à tout bord une origine à l’objet.
C’est grâce à cette même capacitation que l’homme, réfléchissant sur la vie en société, s’interroge sur l’origine de l’autorité. D’où vient l’autorité dans toute société ? Vient-elle de Dieu, de quelqu’un d’autre ou de quelque part ? Ainsi s’interroge l’homme, le philosophe. C’est aussi ce questionnement qui constitue l’essentiel de notre cogitation.
De prime abord, qu’est-ce qu’une autorité ? Une autorité est un ensemble des pouvoirs que détient un individu. Ces pouvoirs que ce dernier exerce soit sur une chose, soit sur un espace, soit sur d’autres individus. Le terme autorité peut être aussi personnifié. C’est ainsi que l’on entend parler de l’autorité politique, l’autorité municipale, l’autorité académique…
On ne peut pas parler du concept autorité sans évoquer le concept pouvoir. Il n’y a pas d’autorité sans pouvoir tout comme il n’y a pas de pouvoir sans autorité. Les deux concepts sont indissociables et sont parfois utilisés l’un à la place de l’autre et vice versa.
Cependant, d’où vient alors l’autorité ? De ses définitions, il ressort que le concept autorité implique un rapport à un individu ou un objet ou encore un espace… C’est pour signifier que l’autorité est d’abord un accident parmi tant d’autres, juste un attribut. Personne ne nait avec une autorité. Même quand on nait fils ainé d’un roi et qu’on est de fait prince héritier du royaume, on attend toujours la cérémonie d’intronisation.
L’autorité ne peut s’exercer que sur quelque chose d’extérieur à soi. Il est vrai qu’il y a des penseurs qui disent que l’homme est son propre maitre, pour ne pas citer les philosophes du soupçon notamment Jean Paul Sartre, F. Nietzsche… Et même dans cette logique des philosophes du soupcon, il se révèle que l’homme est appréhendé dans sa dualité corps-esprit et donc il est deux en un. C’est l’une des dimensions qui a autorité sur l’autre et dans la mesure du possible vice versa.
Il est clair que l’autorité tire son origine de quelque part et qu’on doit la recevoir. Mais, d’où alors et de qui ? Deux appréhensions abordent la problématique de l’origine de l’autorité, l’une est théologique et l’autre sociologique.
De l’origine théologique de l’autorité
L’adage ̎ toute autorité vient de Dieu ̎ illustre suffisamment cette appréhension théologique de l’origine de l’autorité. Cette appréhension repose sur le postulat de l’omniscience et l’omnipotence de Dieu. Dieu qui connait tout et qui est le tout-puissant, est certainement à l’origine de toute autorité. Qui plus est, Dieu est le Créateur de tout, il est le moteur immuable de tout ce qui est et qui bouge. Etant à l’origine de tout ce qui est, il est alors aussi à l’origine de tout ce qui en découle. Nous avons démontré que l’autorité n’est qu’un attribut et qu’elle découle de la vie de l’homme en société.
Dieu qui connait tout et qui a tout pouvoir, est le seul qui puisse attribuer un pouvoir (une autorité) à un individu. Surtout que rien n’échappe à son contrôle. Tout se passe comme il le pense et comme il le veut. Il connait à qui attribuer une autorité et à qui ne pas l’attribuer. Il le sait depuis toujours. Pour lui, la pensée, la volonté et le pouvoir ne sont qu’une seule et même chose. On ne peut jamais concevoir un Dieu dont le contrôle de tout échappe.
Dans cette approche, le pouvoir est d’origine divine. C’est Dieu qui donne tout autorité parce qu’Il est le possesseur de tout pouvoir. Le pouvoir des hommes n’est qu’une manifestation analogique du pouvoir divin. C’est là qu’intervient même la causalité. Le pouvoir terrestre trouve son fondement, sa causalité, dans le pouvoir céleste, divin.
La lecture et l’exégèse des écrits des livres saints démontre en suffisance combien tout pouvoir vient de Dieu. D’abord, le pouvoir est religieux, spirituel. Ici, c’est Dieu qui choisit parmi son peuple un prophète qu’il oint de ses mains. Nous avons cette similarité dans presque toutes les histoires des écrits des livres saints.
L’autorité spirituelle est élue par l’autorité divine. Personne ne peut contester cette autorité parce qu’elle vient directement de Dieu, de l’autorité suprême. C’est Dieu qui choisit qui il veut, quand il veut et de la manière dont il veut. C’est Dieu qui définit ses propres critères d’élection. C’est ainsi que parfois, même les personnes élues, dès qu’elles apprennent leur élection, souvent elles se disent indignes, non compétentes. C’est là que la souveraineté de Dieu s’impose. Il est le seul qui puisse connaitre le pourquoi de ses choix et n’a de compte à rendre à personne.
Cette souveraineté s’impose déjà dans la création même. Nous avons dit que l’autorité est multiforme. Dans la famille, à titre illustratif, nous avons l’autorité parentale. Le père est celui qui incarne et qui a reçu l’autorité de Dieu. Personne ne se choisit son père ni sa mère, ni ses enfants encore moins ses frères et sœurs. L’autorité que le père a sur sa famille, celle que la mère a sur ses enfants, celle que le fils ainé a sur ses petits frères et sœurs ne vient que de Dieu. C’est Lui qui définit qui est qui dans une famille.
Pour ce qui est de l’autorité civile et politique, référons-nous à l’autorité spirituelle sus-évoquée. Toujours dans les écrits des livres saints, quand Dieu veut accorder une autorité civile et politique, il le révèle d’abord au prophète à qui il a lui-même confié l’autorité spirituelle. Il lui révèle celui qu’il a choisit comme autorité civile et politique. La souveraineté divine intervient encore à ce niveau parce que c’est Dieu qui se choisit quelqu’un comme autorité civile et politique suivant ses propres motivations. Et même s’il arrivait qu’il ne s’adressa pas d’abord au prophète et qu’il le fût directement à la personne concernée, Dieu demande toujours au prophète de l’introniser. Le peuple appartient à Dieu et c’est pourquoi Dieu se choisit le chef de son peuple, celui qui conduira à la destinée de son peuple. Comme Dieu est omniscient et qu’il sait où il mène son peuple, il se choisit quelqu’un qu’il trouve capable de guider son peuple selon le projet de Dieu.
Cette même conception est souvent appliquée à l’Etat moderne, quel que soit le type de régime que l’on applique. Dans les Etats non laïcs, il existe encore cette complicité entre l’autorité spirituelle et l’autorité civile et politique. Pour ce qui est des Etats démocratiques laïcs, le peuple est le souverain primaire. L’on entend souvent utiliser l’adage ̎ La voix du peuple, c’est la voix de Dieu ̎. La souveraineté qui revenait à Dieu, est alors assumée par le peuple ou disons Dieu fait assumer sa souveraineté au peuple. C’est maintenant le peuple qui se choisit son autorité. C’est le peuple qui se fixe ses propres critères d’élection. C’est le peuple qui donne le pouvoir. Etant donné que Dieu ne parle plus directement (physiquement) avec les hommes comme il le faisait auparavant, le peuple est celui à travers qui Dieu s’exprime. Il parle et agit à travers le peuple.
Donc, dans les Etats démocratiques modernes, le peuple représente Dieu. D’où, le principe de l’inviolabilité de la volonté du peuple. Le pouvoir vient alors de Dieu (peuple) si et seulement si sa volonté n’est pas violée.
De l’origine sociologique de l’autorité
Cette approche tire son fondement dans les théories des philosophes contractualistes notamment J.J. Rousseau, J. Locke, T. Hobbes, J. Rawls… Ces penseurs postulent un état de nature qui, sur base d’un contrat, laisse la place à la société civile.
Dans l’état de nature, tous les hommes jouissent d’une liberté totale. Chacun obéit à ses propres instincts. Aucune organisation n’est observée car les lois n’existent pas. Chacun est son propre maitre. Dans cet état, le désordre est le mode de vie et l’instinct de survie est la motivation de tout comportement. Ainsi, dans certains cas, l’homme devient loup pour l’homme, seule la survie compte même s’il faut exterminer d’autres vies.
Progressivement, le besoin d’organisation s’impose et ces hommes décident de se constituer en une société bien organisée. Ils sont alors obligés d’abandonner certains de leurs avantages et de les confier à la société civile qui doit, par l’effet du contrat, garantir les libertés remises à sa charge. C’est ainsi que l’autorité (le pouvoir) est confiée à la société civile. Dans ce cas, l’autorité est la volonté de tous et pas d’une réalité extérieure à la société.
Parlant de l’autorité politique dans les Etats modernes, il se constate concrètement que chaque Etat s’organise selon qu’il s’agit de tel ou tel autre régime de gouvernance. L’autorité politique est reçue suivant les normes du régime.
La réalité du monde politique est très complexe. Il y a plusieurs considérations qui entrent en jeu. Même les élections dites démocratiques, sont souvent contestées, surtout dans le microcosme politique africain. L’on s’interroge alors sur l’origine divine du pouvoir surtout que Dieu est justice et qu’on ne peut jamais chercher, même l’ombre de Dieu, dans la fraude électorale, dans les magouilles politiciennes… Nous ne sommes pas sans ignorer que la plupart des politiciens sont partisans du machiavélisme. Ils disent que tous les moyens sont permis pourvu que l’on obtienne le pouvoir et qu’on le conserve. Une théorie que l’auteur développe dans son livre Le prince.
De ce qui précède, la question de savoir si tout pouvoir vient de Dieu demeure. L’adage semble vrai dans certains cas et non vrai dans d’autres. La casuistique doit alors être de mise à chaque fois que l’on s’interroge sur l’origine de telle ou telle autre autorité. Certains politiques utilisent cet adage pour endormir leur peuple. Ils en font un fond de commerce pour profiter de la naïveté populaire. La position de l’origine divine de l’autorité n’est donc pas tranchée. Chaque cas est exceptionnel.
Est-ce que toute autorité vient-elle de Dieu ?
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