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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

Dr Munyemana Sosthène

Dr Munyemana Sosthène

Par Dr Munyemana Sosthène

Après une avalanche d’articles sur le Rwanda à la suite du génocide qui a ensanglanté ce pays en 1994, le silence est rapidement retombé. Les médias s’intéressent de moins à moins aux tragédies dont les rwandais continuent à être victimes.

Le Rwanda revient cependant à l’avant de la scène médiatique depuis la mascarade d’élections présidentielles d’août 2017, gagnée à 99% par Paul KAGAME, ses deux malheureux « concurrents » se répartissant le 1% restant.

Tout commence en 2015, lorsque le président Paul KAGAME, en fin de droit de se représenter aux élections après deux mandats présidentiels, décide la révision constitutionnelle afin de briguer un troisième mandat. Le parlement se met au travail, la constitution révisée ouvre le droit à Paul KAGAME d’être réélu jusqu’en 2034.

Un boulevard pour l’homme fort dans ce pays dirigé de main de fer.

Mais voilà. A la veille des élections, survient une candidate imprévue, Diane RWIGARA. Si la candidate est inconnue du grand public, son nom l’est moins. Diane RWIGARA est la fille d’un homme d’affaire Tutsi rescapé du génocide, Assinapol RWIGARA. Son assassinat dans un simulacre d’accident de voiture, en février 2015, a fait beaucoup de bruits au Rwanda. Sa femme et ses enfants, accourus sur les lieux de l’accident, ont été empêchés  de l’approcher, par les « forces de sécurité » arrivées presque en même temps. La famille, fut témoin de l’enfermement du « corps » de leur mari et père dans des bâches plastiques, amené directement à la morgue de l’hôpital alors qu’il bougeait encore. La famille pointe tout de suite le régime de Paul KAGAME comme commanditaire de cet attentat.

Raison de cet assassinat ? Assinapol était un des principaux financiers du FPR (Front Patriotique Rwandais), du temps où ce mouvement rebelle combattait l’ancien régime du Président HABYARIMANA. Après la victoire du FPR, Paul KAGAME aurait voulu une association d’affaire avec Assinapol RWAGARA, demande que celui-ci a régulièrement repoussée. De là les griefs qui conduiront à sa mort et à la destruction, au bulldozer, de quelques-uns de ses immeubles.

La candidature de Diane RWIGARA est perçue par KIGALI comme motivée par un désir de venger son père. Dès son annonce, des photos de Diane RWIGARA, nue, seront diffusées sur internet pour la déstabiliser. Elle tient bon et poursuit sa précampagne électorale.

Elle ne sera pourtant jamais admise à concourir. La Commission Électorale  Nationale (CEN) au service de l’homme fort lui barrera la route, alors même qu’elle avait réuni plus de 1000 signatures soutenant sa candidature, bien au-delà des 600 exigées. La CEN prétendra à l’existence de fausses signatures. La course de Diane RWIGARA à la présidence s’arrête là.

Contre toute attente elle ne se décourage pas. Elle change de tactique et forme un Mouvement pour le Salut du Peuple. Ses premiers appels exhortent le peuple rwandais à ne pas subir la dictature. Une première dans la République de KAGAME.

Dès son élection, la priorité de Paul KAGAME sera de se débarrasser de cette famille devenue encombrante en pourfendant le carcan dans lequel il a enfermé le peuple rwandais. Diane RWIGARA, sa maman Adeline et sa sœur Anne sont menottées et enfermées dans leur propre maison, avant d’être arrêtées, en présence de journalistes, pour une détention en bonne forme. Même en cette occasion les trois femmes ne se laissent pas démonter, et l’on entendra Adeline RWIGARA déclarer  aux policiers qui les arrêtent : « Attention tu vas tuer mon enfant, il est en train de tuer mon enfant, ils veulent aller tuer mon enfant, c’est ce à quoi ils sont habitués (…) depuis 1995, un état de tueurs, vous êtes des Interehamwe d’un autre genre ! »

Le cas de rescapés Tutsi dans cette situation ne se limite pas à la famille RWIGARA. Déo MUSHAYIDI, un autre Tutsi rescapé du génocide, est condamné à la prison à perpétuité depuis huit ans pour avoir exprimé son opposition au régime. Le chanteur Kizito MIHIGO, autre rescapé encore, avait reçu des mains du président de la République un prix pour sa chanson composée à l’occasion de la commémoration du génocide. La chanson suivante, sur la mort qui ne distingue pas les gens selon leurs ethnies et autres différences, ne glorifiait pas assez Paul KAGAME. Il fut jeté en prison, condamné à 15 ans de détention.

Après avoir instrumentalisé le génocide pour s’emparer du pouvoir, Paul KAGAME  élimine de plus en plus les rescapés de ce génocide. Il en est de même des militaires qui l’ont soutenu au front du temps de la rébellion. Plus de la moitié seraient en exil ou en détention. Seul reste le petit cercle de fidèles et d’hommes à tout faire du dictateur.

A côté de ces rescapés Tutsi, le nombre de Hutu tués ou emprisonnés pour des raisons politiques reste impressionnant. Nous ne retiendrons que quelques noms : Victoire INGABIRE et  le docteur Théoneste NIYITEGEKA pour avoir osé, comme Diane RWIGARA, briguer la présidence à la République. Léopold MUNYAKAZI pour avoir critiqué le pouvoir et exprimé une opinion contraire à la doxa du régime, dans un débat public aux USA. Les Hutu sont collectivement accusés d’être des  génocidaires ou de nier le génocide. Les Tutsi sont, quant à eux, accusés « d’atteinte à la sécurité de l’État ». Ces noms de personnalités connues ne sont que la partie visible de l’iceberg. Nombreux sont les anonymes qui périssent dans le plus grand silence.

Sosthène MUNYEMANA

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