RWANDA : LA LIBERTÉ DE LA PRESSE EN PÉRIL
Par Jean Paul Habimana*
« L’homme est né libre et partout il est dans les fers » dixit le philosophe français Jean Jacques Rousseau
Les journalistes rwandais vivent depuis longtemps dans un climat de terreur. La majorité des journalistes indépendants rwandais sont presque traumatisés car ils se souvenaient les corps de leurs amis et de leurs collègues qui ont été sauvagement tués pendant et après le génocide des Tutsi. C’est ainsi que certains d’entre eux refusent de faire un journalisme professionnel et sont devenus les sourds tandis que la majorité accepte de ne pas aborder les sujets sensibles et tabous. Dans ce petit exposé, nous ne pouvons pas mentionner tous les journalistes qui ont été victime aux atteintes de la liberté d’expression et d’opinion mais retenons l’essentiel. Ici il est à noter que les journalistes qui ont eu la chance de sauver leurs vies, ils ont dû émigrer dans les différents pays africains, les autres ont trouvé refuge dans les pays divers tandis que les malheureux se croupissent en prison avec des peines très lourdes : les plus ciblés sont les journalistes indépendants et les journalistes d’investigations.
Le Rwanda bat les records pour le pays du monde entier qui a pu massacrer le nombre le plus élevé des hommes possédant dans leurs mains le quatrième pouvoir. Il est à noter que le Rwanda a perdu 48 journalistes pendant le génocide d’avril 1994 en l’espace de trois mois tandis qu’après la victoire du FPR, 8 journalistes rwandais connus viennent d’être assassinés. Ce qui fait que les journalistes qui ont donné leurs sangs suite à leurs idées s’élèvent à 56 individus ; victimes des atteintes à la liberté de presse en l’espace de 19 ans au moins trois journalistes tués par an. Cependant, on oublie d’autres journalistes victimes et morts mystérieux sous une autre forme car ils ont choisi le métier de journalisme. Ces catégories des journalistes et hommes politiques sont plus nombreux et sont mort indirectement sans savoir la cause réelle mais en réalité ils ont été victime suite à leurs idées politiques. Il est dommage que les hommes de quatrième pouvoir disparaissent au fur à mesure au pays de Mille Collines. Nous ne pouvons pas oublier d’autres journalistes rwandais qui sont emprisonnés pour tout simplement qu’ils ne partagent pas l’idéologie avec le pouvoir en place tandis que les autres se cachent un peu partout dans les pays africains pour trouver refuge dans les pays sûrs où ils seront au moins tranquille. Les chanceux ont déjà trouvé le statut de réfugié dans les différents pays du monde entier.
« O liberté, que de crimes on commet en ton nom » (dernières paroles attribuées à Mme Roland).
Au lendemain du génocide, la première victime fut Manasse Mugabo, directeur des stations de radio des Nations Unies. Il a disparu en août 1995 et son corps n’a jamais été retrouvé.
Le deuxième malheureux était Apollo Hakizimana qui fut rédacteur en chef du journal Umuravumba . Ce pauvre journaliste a été assassiné en avril 1997 ; une semaine après que les autorités venaient de saisir son journal pour avoir pointé du doigt les massacres des civils hutu au nord du pays en préfecture de Ruhengeli. Le 7 mars 1998, les hommes de quatrième pouvoir ont connu le traumatisme où l’Abbé André Sibomana ; journaliste au journal hebdomadaire catholique Kinyamateka a été tué à la préfecture de Gitarama. A la même année, trois mois après l’assassinat de Père André Sibomana, le journaliste Emmanuel Munyemanzi qui était le chef de production à la Télévision Rwandaise fut massacré après deux mois que son chef l’eut accusé le sabotage car il couvrait des propos sensibles surtout les assassinats des civils des Hutus. En mai 2003, le rédacteur en chef du journal messager ; Edouard Mutsinzi a également été victime d'une tentative d'assassinat pour avoir révélé le plan du FPR pour truquer les élections présidentielles 2003. Mutsinzi a été battu, enlevé et laissé avec ses côtes cassées tandis que ses yeux ont été retirés et son cerveau endommagé. Une liste est longue des journalistes assassinés au cours de 19 années écoulés. Nous ne pouvons pas se contenter à énumérer tous les journalistes rwandais victimes parce qu’ils ont choisi être le porte parole du peuple rwandais mais sans tarder permettez-moi de revoir la situation actuelle des hommes possédant la plume dans leurs mains.
L’assassinat de mon ami Jean Léonard Rugambage
A la veuille des élections présidentielles de 2010, le monde entier a assisté dans les télévisions internationales l’assassinat d’un journaliste rwandais Jean Léonard Rugambage sans oublier les assassinats des opposants politiques à la même période. C’est ainsi que les pays les plus puissants de la planète demande le Rwanda de ne pas violer les droits des journalistes de s’exprimer librement. C’est à ce cadre que Paris a condamné le meurtre de ce journaliste et exige le gouvernement rwandais d’ouvrir une enquête sur cet assassinat et à traduire en justice les malfaiteurs « La France condamne ce meurtre avec la plus grande fermeté" et "appelle les autorités rwandaises à faire toute la lumière sur les circonstances de ce meurtre odieux et à traduire les responsables en justice", a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero. Nonobstant, l’information que je possède actuellement est que les meurtriers ont tous été libérés par le pouvoir en place.
Au moment où s’ouvre à Kigali « Third Annual National Dialogue Média », trois journalistes se retrouvent en prison dont les noms sont Joseph BIDERI; ancien directeur de l’Office de l’Information Rwandais et directeur de publication du quotidien privé The new Times, Proche du parti au pouvoir. Il a été arrêté le 14 novembre 2011 par la police nationale. Un deuxième journaliste Jean Gualbert Burasa ; directeur de publication du bimensuel indépendant Rushyashya, a été arrêté le 11 novembre par la police de Kigali et enfin le journaliste Anthère Rwagatare a également été arrêté à la même période. Ces trois journalistes ont été arrêtés en l’espace d’une semaine. Ainsi Reporter Sans Frontière a condamné l’arrestation de ces trois journalistes « "Cette série d’arrestations témoigne à nouveau de l’extrême vulnérabilité des journalistes au Rwanda. Nous demandons aux autorités d’expliquer publiquement les raisons de ces détentions et de libérer le dernier prisonnier sur le champ. Nous appelons également à ce que le projet de réforme de la loi sur la presse engagé par les autorités prenne fin et protège les journalistes contre les arrestations et les détentions arbitraires", déclare Reporters sans frontières. Selon le classement de R S F de 2010, le Rwanda occupe la place de 169ème parmi les 178 pays du monde entier. Pouvez-vous imaginer comment le Rwanda est classé loin derrière de la République Démocratique du Congo alors que cette dernière la RDC a assassiné un bon nombre de journalistes au cours de deux dernières années ? Ceci démontre le calvaire, la peur que traversent actuellement les hommes des médias au Rwanda. Selon Reporter Sans Frontière ; une institution de belle réputation classe le Rwanda en 2012 parmi les 10 derniers pays qui portent atteintes à la liberté de presse.
Les USA condamnent les atteintes de la liberté de la presse par le gouvernement rwandais
A l’occasion de la visite officielle de l’ambassadrice des USA à l’ONU en date du 23 novembre 2011, Madame Suzan Rice a pris une allocution qui pointe le gouvernement rwandais contre les violations des droits des journalistes. Elle partage les mêmes souffrances avec les journalistes rwandais qui souffrent actuellement du traumatisme pour la simple raison qu’il ne partage pas les mêmes convictions avec le pouvoir en place. Il est à noter que c’est le seul diplomate qui a osé à critiquer le Gouvernement sur le territoire du Rwanda. Après avoir démontré la problématique quotidienne de l’environnement auquel travaillent les journalistes rwandais, elle a demandé ouvertement les autorités de Kigali d’ouvrir l’espace politique et la liberté d’expression et d’opinion reconnue par la Déclaration des Droits de l’Homme. Au cours de son allocution, Suzan Rice affirme que les journalistes rwandais et les organisations des sociétés civiles et voire les hommes politiques sont intimidés par le pouvoir car ce dernier leur interdit de se réunir et de s’exprimer librement. Elle a prononcé son allocution en ces termes « Rwanda’seconomic vitality has moved the country forward. Social progress has been substantial. Yet, the political culture in Rwanda remains comparatively closed. Press restrictions persist. Civil society activists, journalists, and political opponents of the government often fear organizing peacefully and speaking out. Some have been harassed. Some have been intimidated by late-night callers. Some have simply disappeared. » said Suzan Rice. Madame Suzan Rice dénonce les mouvais traitements exercés à l’encontre des journalistes rwandais. La phrase, en anglais, se traduit ainsi « La vitalité économique du Rwanda a fait avancer le pays. Les progrès sociaux sont sensibles. Mais la culture politique du pays reste relativement fermée. Les restrictions sur la presse perdurent. Les activistes de la société civile, les journalistes et les opposants politiques du gouvernement craignent souvent de s'organiser paisiblement et de s'exprimer. Certains ont été harcelés. D'autres ont été intimidés par des visiteurs nocturnes. Et quelques-uns ont tout simplement disparu. »
L’assassinat du journaliste Charles Ingabire en date du 30 nov. 2011
Après la visite officielle de madame Suzan Rice qui a demandé le Gouvernement Rwandais à cesser les intimidations, le harcèlement moral et les massacres des journalistes. Une semaine après, le monde entier assiste encore la disparition d’un journaliste rwandais tué par des personnes non encore identifiées alors qu’il était reconnu comme réfugié politique en Ouganda. Charles Ingabire critiquaient les injustices sociales faites par le pouvoir actuel au Rwanda.
Suite à la disparition de ce journaliste, les partis opposants et les organisations non gouvernementales s’inquiètent à la sécurité des autres journalistes indépendants et les hommes politiques d’opposition se trouvant à l’extérieur du pays. Ainsi ils demandent aux journalistes et les pays qui les hébergent de veiller et d’être vigilants car la vie des journalistes sont en premier lieu en danger. De ce fait, la protection des journalistes rwandais devient une condition sine qua non pour les pays démocratiques. Le pouvoir de Kigali doit savoir que Mme Garaudy nous a laissé une belle phrase «Ma liberté s’arrête où commence la liberté de l’autre »
*Jean Paul HABIMANA
Politologue et journaliste