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Publié par JMVN

 

Alors que l’élection présidentielle approche, les actions du gouvernement minent la démocratie

(New York, le 26 juin 2010) – Le Rwanda connaît actuellement une hausse de l’insécurité et de la répression politique à l’approche de l’élection présidentielle prévue en août 2010 : tel est l’avertissement lancé aujourd’hui par Human Rights Watch. Ces deux derniers jours, un journaliste indépendant a été tué, le dirigeant d’un parti d’opposition a été mis en garde en vue, et d’autres membres de partis d’opposition ont été arrêtés.

« La situation sécuritaire se détériore rapidement », a déclaré Rona Peligal, directrice de la division Afrique de Human Rights Watch. « Alors que l’on n’en est plus qu’à 45 jours de l’élection, le gouvernement se démène pour faire taire ses opposants et ses détracteurs. »

Le gouvernement rwandais devrait ouvrir des enquêtes sur tous les incidents de violence et s’assurer que les militants de l’opposition et les journalistes sont en mesure de vaquer sans crainte à leurs occupations légitimes, a déclaré Human Rights Watch.

Meurtre de Jean-Léonard Rugambage

Jean-Léonard Rugambage, journaliste à l’hebdomadaire Umuvugizi, a été tué par balles le 24 juin, peu après 22 heures, devant son domicile dans le quartier de Nyamirambo, à Kigali, la capitale rwandaise. Ses collègues et d’autres sources au Rwanda ont confié à Human Rights Watch que l’assaillant semblait attendre que le journaliste rentre chez lui.

Au moment où le véhicule de Rugambage s’approchait de son portail, un homme s’est avancé et a tiré plusieurs coups à bout portant, qui ont atteint Rugambage à la tête et à la poitrine. Il est mort sur le coup. L’agresseur s’est ensuite enfui en voiture. La police est arrivée et a emmené le corps de Rugambage à l’hôpital de la police à Kacyiru pour pratiquer une autopsie. Le 25 juin, elle a déclaré avoir ouvert une enquête sur la mort de Rugambage.

Le matin du meurtre de Rugambage, Umuvugizi, un journal indépendant souvent critique à l’égard du gouvernement, avait publié un article en ligne soutenant que le gouvernement rwandais se trouverait derrière la tentative d’assassinat d’un ancien général rwandais, Faustin Kayumba Nyamwasa, en Afrique du Sud le 19 juin, et impliquant des hautes autorités. Depuis qu’il a fui en Afrique du Sud en février 2010, le général Kayumba, autrefois proche allié du Président Paul Kagame et ancien chef d’état-major de l’armée rwandaise, est devenu un détracteur de plus en plus véhément du gouvernement. Le rédacteur en chef d’Umuvugizi a expliqué que Rugambage enquêtait sur la tentative d’assassinat de Kayumba et qu’il avait affirmé faire l’objet d’une surveillance accrue dans les jours précédant son décès.

« Nous sommes choqués et peinés par la mort de ce journaliste courageux », a déclaré Rona Peligal. « La liberté d’expression est déjà sévèrement limitée au Rwanda, mais le meurtre de Rugambage assène un nouveau coup au journalisme d’investigation et, d’une manière plus générale, à la liberté d’expression dans ce pays. »

Human Rights Watch a exhorté les autorités rwandaises à s’assurer que les responsables de l’assassinat de Rugambage soient traduits en justice sans plus tarder et à veiller à la sécurité et à la protection des autres journalistes.

Arrestations de membres de partis de l’opposition

Tôt le 24 juin, la police s’est introduite chez Bernard Ntaganda, dirigeant du parti d’opposition PS-Imberakuri, et l’a embarqué afin de l’interroger. En garde à vue depuis deux jours, il serait détenu au poste de police de Kicukiro. Les accusations exactes qui sont portées contre lui n’ont pas été confirmées, mais il semblerait que la police l’ait notamment interrogé sur son implication présumée dans une tentative d’incendie criminel perpétrée contre le domicile de l’ancienne vice-présidente du parti, Christine Mukabunani, et pour incitation à la division ethnique.

Des membres du PS-Imberakuri ont signalé que la police avait fait une descente au domicile de Ntaganda et dans le bureau du parti, emportant des documents et d’autres effets. Le 25 juin, le bureau n’arborait plus ni le drapeau ni l’effigie du parti.

Quelques heures plus tard dans la matinée du 24 juin, plusieurs membres du PS-Imberakuri ont été rassemblés par la police et mis en garde à vue après s’être réunis devant l’ambassade des États-Unis où ils s’étaient rendus pour demander de l’aide suite à l’arrestation de Ntaganda. Certains ont été relâchés, mais plusieurs, dont le secrétaire général du parti, Théobald Mutarambirwa, sont restés en garde en vue dans différents lieux de Kigali le 25 juin.

Toujours dans la matinée du 24 juin, la police a arrêté plusieurs membres du FDU-Inkingi, autre parti d’opposition, qui s’étaient rassemblés devant le ministère de la Justice pour protester contre un procès intenté contre la présidente de leur parti, Victoire Ingabire. La plupart d’entre eux ont été relâchés le 25 juin, mais le secrétaire général du parti, Sylvain Sibomana, sa trésorière, Alice Muhirwa, et son représentant à Kigali, Théoneste Sibomana, étaient toujours détenus au poste de police de Kicukiro le 26 juin. Des membres du FDU-Inkingi ont déclaré qu’en dispersant leur rassemblement, la police leur a dit de cesser d’être membres du parti. La police a également encerclé la maison d’Ingabire vers 6 heures du matin le 24 juin, y restant pendant une bonne partie de la journée.

Des membres des deux partis ont signalé avoir été battus par la police.

Le 25 juin, le commissaire général de la police a émis une déclaration selon laquelle environ 40 individus avaient tenté d’organiser une manifestation sans autorisation, dont 22  avaient été arrêtés et interrogés, 14 avaient été relâchés et huit autres étaient toujours détenus pour d'autres interrogatoires.

« Ces incidents se produisent précisément au moment où les partis présentent leurs candidats à l’élection présidentielle », a conclu Rona Peligal. « Le gouvernement cherche visiblement à s’assurer que les partis d’opposition ne sont pas opérationnels et sont exclus du processus politique. »

Informations de fond

Intimidation des médias indépendants

L’assassinat de Rugambage n’est pas le premier acte de violence perpétré contre les journalistes. En effet, en février 2007, le rédacteur en chef d’Umuvugizi, Jean-Bosco Gasasira a été attaqué devant son domicile par un groupe d’agresseurs, lors d’un incident qui a failli lui coûter la vie, après qu’il était intervenu sur la question du harcèlement des journalistes lors d’une conférence de presse présidentielle.

En juillet 2009, le ministre de l’Information a déclaré publiquement que « les jours de la presse destructrice sont comptés », faisant allusion à Umuvugizi et à un second journal indépendant, Umuseso. Moins de 24 heures plus tard, le parquet convoquait Gasasira pour qu’il réponde à des allégations de diffamation, délit pénal passible d’emprisonnement. Gasasira a été déclaré coupable et condamné à verser une amende conséquente. Umuseso a fait l’objet de chefs d’inculpation similaires pour diffamation pour avoir exposé des scandales impliquant de hautes personnalités. En février, un tribunal a condamné son ancien rédacteur en chef, Charles Kabonero, à un an de prison, ainsi que le rédacteur en chef actuel, Didas Gasana, et un reporter, Richard Kayigamba, à six mois chacun. Les rédacteurs en chef des deux journaux ont fui le pays après avoir reçu des menaces à plusieurs reprises.

Le 13 avril, le Haut-Conseil des médias, organe gouvernemental de réglementation des médias, a suspendu Umuseso et Umuvuzigi pour une durée de six mois, pour ensuite demander leur fermeture définitive. Le Haut-Conseil a allégué, entre autres, que certains des articles des deux journaux constituaient une menace pour la sécurité nationale. L’appel lancé par les journaux contre cette suspension est toujours en instance. La suspension a de fait entraîné l’interruption de tout journalisme indépendant à l’approche des élections, étant donné qu’Umuseso et Umuvugizi faisaient partie des très rares journaux indépendants encore actifs au Rwanda. Depuis, Umuvugizi publie une version électronique de son journal, mais l’accès à son site Internet a été bloqué à l’intérieur du Rwanda.

Entrave aux partis de l’opposition

Les membres des partis de l’opposition sont la proie d’un nombre croissant d’actes de harcèlement et d’intimidation à l’approche de l’élection prévue pour le mois d’août. Ont plus spécifiquement été ciblés Ntaganda et Ingabire, ainsi que les membres de leurs partis. Si la situation ne change pas dans un très proche avenir, aucun des trois principaux partis d’opposition (PS-Imberakuri, FDU-Inkingi et le Parti démocrate vert du Rwanda) ne pourra participer aux élections. Les partis et les candidats indépendants doivent en effet déposer leur candidature devant la Commission électorale nationale avant le 2 juillet.

Pour tout renseignement complémentaire, veuillez consulter :

http://www.hrw.org/fr/news/2010/04/24/rwanda-les-autorit-s-devraient-permettre-human-rights-watch-de-poursuivre-son-travai

 

 

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