Kinshasa et Kigali montrent la sortie à l’ONU
Laurent d’ERSU
11/01/2010 18:06
La RD-Congo et son voisin rwandais poussent à un retrait progressif des 19 000 casques bleus, ce que certains jugent prématuré
Il semble que Congolais et Français travaillent sur un nouveau schéma : « moins de Monuc, plus d’ONU ». Concrètement, moins de casques bleus et plus d’acteurs du développement sur le territoire de RDC. Cela, alors que la Monuc se plaint… du manque de troupes pour sécuriser des territoires immenses. « C’est comme d’essayer de couvrir un lit avec un drap trop petit », résume le lieutenant-colonel Jean-Paul Dietrich, porte-parole militaire de la mission onusienne.
Paradoxalement, c’est le soutien jugé excessif de la Monuc à une armée congolaise accusée de crimes contre les civils qui avait, en décembre, fait débat au Conseil de sécurité (lire La Croix du 23 décembre). Des rapports de l’ONU et de l’organisation Human Rights Watch avaient révélé des massacres commis par d’anciens rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) dans le cadre de l’opération Kimia 2, visant à combattre les rebelles hutus rwandais installés en RDC. Interrompue le 31 décembre, celle-ci va céder la place à une opération plus ciblée, Amani Leo (« La paix maintenant », en swahili), qui bénéficiera d’un soutien plus limité de la part de la Monuc.
« Dans le cadre de Kimia 2, nous fournissions des rations alimentaires aux 16 000 soldats engagés dans l’opération, explique Kevin Kennedy, porte-parole de la Monuc. Désormais, nous n’allouerons que des rations de combat et uniquement aux unités impliquées dans des opérations planifiées conjointement avec la Monuc. »
Bien des observateurs s’interrogent sur la crédibilité des Forces armées de RDC (FARDC) sans le soutien onusien – logistique, transport des troupes, évacuations sanitaires, et même appui direct dans certains combats.
Certains trouvent suspectes ces demandes de retrait, alors que des scrutins importants se profilent : les mandats des députés et du président Joseph Kabila arriveront à échéance en 2011. Or, les dernières élections, en 2006, n’avaient pu se tenir que grâce à une mobilisation massive des soldats de l’ONU et de la communauté internationale, qui les avait financées.
« Kabila ne peut gagner les prochaines élections qu’en fraudant, et il ne veut pas de témoins », estime un journaliste congolais. Son rapprochement avec le Rwanda, entamé il y a un an, risque de lui aliéner sa base électorale de l’est du pays.
À la présidence rwandaise, on n’a pas de mots assez durs contre la Monuc, dont 95 % des troupes sont déployées dans la zone d’influence directe de Kigali. « Son budget annuel d’un milliard de dollars pourrait être mieux utilisé pour développer l’économie », juge un proche du pouvoir.
Quittant Kinshasa après avoir rencontré les principaux responsables de la Monuc, Bernard Kouchner n’envisageait pas de retrait brutal de la force onusienne : « La critique est facile, c’est la paix qui est difficile », concluait le chef de la diplomatie française.
Laurent d’ERSU, à Kigali et Kinshasa