CAN-Attentat : La France impliquée
Photo : La sécurité a été renforcée à Cabinda, où se déroulent notamment les matches du groupe B. (Reuters)
JDD.fr 11 Janvier 2010
Depuis la France où il vit en exil, le chef du groupe qui a revendiqué l'attaque contre le bus de l'équipe du Togo, a proféré de nouvelles menaces sur la Coupe d'Afrique des Nations. "Des propos inacceptables", selon le Quai d'Orsay.
Le Quai d'Orsay se serait bien passé de cette nouvelle affaire africaine. Critiquée par la Guinée et la Côte d'Ivoire pour ses ingérences dans leurs affaires intérieures - Bernard Kouchner a souhaité que le président putschiste Dadis Camara, hospitalisé au Maroc après une tentative d'assassinat, "reste dans son lit" ; puis il a provoqué la colère d'Abidjan en conditionnant sa visite à la publication des listes électorales -, la France s'était jusqu'à présent 'contentée' de condamner l'attaque contre le bus de l'équipe de foot du Togo, vendredi, estimant toutefois, toujours par la voix de Bernard Kouchner, que le Congo et l'Angola devaient "un peu mieux protéger les gens".
Mais c'était sans compter sur un élément fortuit: le chef du groupe qui a revendiqué l'attentat - Rodrigo Mingas, chef des Forces de libération de l'Etat du Cabinda-Position militaire (Flec-PM) - vit en exil… en France. Et c'est depuis l'Hexagone que l'homme a proféré de nouvelles menaces. "Dans un pays en guerre, tout peut arriver. Ça peut recommencer
. Nous sommes prêts à aller jusqu'au bout", a-t-il assuré lundi matin sur France Info, disant avoir prévenu par courrier le président de la Confédération africaine de football (CAF), le Camerounais Issa Hayatou, du danger que représentait l'organisation de la compétition dans l'enclave de Cabinda."On n'a pas voulu nous prendre au sérieux, advienne que pourra", a-t-il constaté. Et d'ajouter: "Tous les coups sont permis pendant la guerre." Le chef rebelle a toutefois dit "déplorer" la mort des étrangers - deux membres de la délégation togolaise, l'entraîneur adjoint et l'attaché de presse, ont été tués dans l'attaque - précisant que l'attentat visait les troupes angolaises. Disant vouloir "la libération totale" de l'enclave, il a assuré que la "guerre [allait] continuer". "Les armes vont continuer à parler", avait-il déjà promis dimanche.
Extradition vers l'Angola?
Des propos jugés "inacceptables" par le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valéro. "Nous les condamnons fermement. L'invitation à la violence ne peut être justifiée par aucune raison", a-t-il estimé sur France Info lundi, avant d'assurer que ces propos "ne resteront pas sans suite". Interrogé sur une possible demande d'extradition de Rodrigo Mingas par l'Angola, le porte-parole de la diplomatie française a dit ne pas être informé d'une telle démarche, précisant qu'il faudrait "voir cela dans les heures qui viennent".
Né en 2003 d'une dissidence du principal mouvement séparatiste dans la région, le Flec, le Flec-PM poursuit le même objectif que l'organisation trentenaire, à savoir, l'indépendance de l'enclave de Cabinda, séparée du reste de l'Angola par une bande de terre appartenant à la République démocratique du Congo. Pour Luanda, il n'en est pas question: la région contribue à quelque 60% de la production d'or noir dans le pays, devenu en 2009 le premier exportateur de brut du continent aux côtés du Nigeria. Sur France Info, Rodrigo Mingas a assuré que les actions continueront tant que "l'Angola n'acceptera pas de venir à la table des négociations".
Désaveu pour les autorités angolaises
Pour les autorités angolaises, qui comptaient profiter de l'organisation du tournoi pour montrer au monde qu'elles contrôlaient ce territoire et qu'elles en avaient fini avec la guerre civile, qui a miné le pays pendant près de trente ans (1975-2002), l'attaque contre la délégation togolaise est un coup dur. De l'avis de certains experts, ce genre d'attaque était pourtant prévisible, le Flec-PM n'ayant pas reconnu l'accord de paix signé dans l'enclave en 2006. Mais Luanda pensait que le déploiement massif de militaires dans la région - 30 000 soldats pour 300 000 habitants - suffirait à dissuader les rebelles.
Cela n'a pas été le cas, et l'affaire a vite tourné à la polémique sur l'organisation de matches dans une province soumise à ce type de tensions. L'Angola a bien essayé de détourner l'attention en reprochant au Togo le choix d'un déplacement en bus quand toutes les autres équipes préféraient l'avion. Mais la délégation togolaise, en stage de préparation à Pointe Noire, au Congo Brazzaville, n'avait pas d'autre choix: 200 kilomètres par la route, contre un long vol Pointe Noire-Luanda-Cabinda. Les autorités angolaises veulent désormais démontrer que la situation est sous contrôle. Elles ont annoncé lundi l'arrestation de deux personnes "membres du Flec" et capturées sur les lieux du drame. Et espèrent que la suite de la compétition se déroulera sans incident majeur.
Source : JDD.fr