La secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo, accuse l’ambassadeur du Canada à Paris, Stéphane Dion, de l’avoir menacée concernant le non-renouvellement du contrat d’un administrateur canadien, qui a ensuite été remplacé par Caroline St-Hilaire.
Mme Mushikiwabo a affirmé lundi que ces propos ont été formulés à son endroit en début d’année quand elle a décidé qu’elle ne reconduirait pas dans ses fonctions Geoffroi Montpetit, en poste depuis 2021 seulement au siège parisien de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
« L’ambassadeur du Canada à Paris m’a dit que si je ne renouvelais pas le contrat de M. Montpetit, j’aurais des difficultés avec Ottawa, a-t-elle déclaré aux journalistes en marge d’un événement à Québec. À vous de juger si c’est une menace ou pas. »
Questionnée sur sa propre perception quant à la teneur des propos de M. Dion, Mme Mushikiwabo a ensuite précisé qu’elle les a reçus comme une menace.
« Mais bien sûr, mais bien sûr, a-t-elle dit. Parce qu’il y a contrat, on l’exécute et quand il se termine, on prend une décision de le renouveler ou pas. C’est une injonction que je n’ai pas appréciée, surtout de la part d’un ambassadeur. Mais on va essayer d’aplanir tout ça. »
L’ambassadeur du Canada à Paris m’a dit que si je ne renouvelais pas le contrat de M. Montpetit, j’aurais des difficultés avec Ottawa
— Louise Mushikiwabo
Mme Mushikiwabo s’est toutefois montrée sûre de pouvoir rétablir de bonnes relations avec le gouvernement canadien, qui a annulé un financement après le non-renouvellement du contrat de M. Montpetit et la diffusion de résultats d’un sondage sur le climat de travail difficile à l’OIF.
« J’ai décidé de commencer mon nouveau mandat avec plus de fraîcheur, avec une autre personne, a-t-elle dit. C’est la prérogative de la secrétaire générale. Mais j’ai vu que ça a créé un malaise du côté d’Ottawa. C’est un pays membre, le Canada, c’est un grand contributeur et nous allons essayer d’assainir la relation. »
Louise Mushikiwabo a remplacé Michaëlle Jean à la tête de l’OIF en 2018. Son mandat a été renouvelé l’automne dernier pour quatre ans.
À Ottawa, le ministère des Affaires mondiales du Canada n’a pas directement commenté les propos de Mme Mushikiwabo.
« L’ambassadeur du Canada à Paris a exprimé la surprise du Canada quant au non-renouvellement du contrat de l’administrateur, ainsi que les préoccupations du Canada par rapport à une telle décision de la secrétaire générale de la Francophonie », a répondu la porte-parole Geneviève Tremblay.
Harcèlement
En début d’année, l’OIF s’est retrouvée au centre d’une controverse après la diffusion d’un sondage interne montrant que 44 % des employés pensaient avoir été victimes de harcèlement moral au travail et 9 %, de harcèlement sexuel.
Dans une entrevue au Devoir, le chef du bureau de Caroline St-Hilaire, Alain Pham, avait émis des doutes sur l’ampleur du phénomène.
Lundi, Louise Mushikiwabo a plaidé que M. Pham a apporté les nuances nécessaires
« Ce que M. Pham a fait, c’est d’expliquer, a-t-elle dit. Un sondage, il faut pouvoir le décortiquer et c’est ce qu’il a fait. »
M. Pham a notamment affirmé qu’il fallait diviser par deux le pourcentage de cas de harcèlement puisque seulement la moitié des employés de l’OIF avaient répondu à cette question du sondage.
Mme Mushikiwabo a elle-même affirmé que le sondage ne reflétait pas nécessairement la situation actuelle, puisque certains employés ont pu répondre en se référant à des situations passées.
« La réponse peut s’appliquer à il y a 30 ans, elle peut s’appliquer à il y a deux semaines, a-t-elle nuancé. Ce qui est sûr, c’est que le harcèlement de toute sorte ne sera pas toléré. »
La secrétaire générale s’est toutefois défendue de minimiser le phénomène au sein de son organisation.
« Il y a un problème, a-t-elle dit. Nous, on n’a jamais nié qu’il y a un problème. Si un employé dit qu’il y a un problème, on n’a aucune raison de dire qu’il n’y a aucun problème. On n’a vraiment rien à cacher. »
Louise Mushikiwabo s’est montrée résolue à implanter sa politique de lutte contre le harcèlement, qui s’ajoute à un code qui existait déjà au sein de l’organisation.
« C’était déjà dans les textes, mais ce n’était pas très clair, pas très fort », a-t-elle dit.
À la demande de ses employés, l’OIF a accepté d’utiliser les services d’une firme externe pour atteindre cet objectif.
Jeux de la francophonie
Présente au même événement que la secrétaire générale, organisé par le Conseil du patronat du Québec (CPQ) pour les entrepreneurs francophones, la ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec, Martine Biron, a affirmé que la participation québécoise aux Jeux de la francophonie est incertaine.
L’avancement des travaux en prévision de l’événement, organisé cet été à Kinshasa, compromet cette participation.
« On veut s’assurer que les gens qui participent sont bien logés, on veut s’assurer surtout qu’ils soient en sécurité, a dit Mme Biron. La sécurité, c’est primordial. La question de l’alimentation, il faut s’assurer que les gens puissent avoir des repas. »
Louise Mushikiwabo a confirmé certaines préoccupations alors que l’événement doit avoir lieu le mois prochain.
« Si on vient d’Amérique du Nord et qu’on va au coeur de l’Afrique, et qu’il y a certains aspects qui ne sont pas encore prêts, dans un pays où tout est préparé à l’avance, je pense que les inquiétudes sont justifiées », a-t-elle déclaré.
La secrétaire générale mise sur une réunion prévue le 21 juin à Paris, où elle espère que la République démocratique du Congo saura rassurer les membres de l’OIF, dont font partie le Canada et le Québec.
« Il y a le plan sécuritaire qui n’est pas en place, a-t-elle dit. Il y a aussi une des infrastructures sportives où il y a des petits travaux à terminer. »