RÉACTION DU COMITÉ DE SOUTIEN AUX FDU-INKINGI AU DISCOURS PRONONCÉ PAR LE PRÉSIDENT PAUL KAGAME À L’OCCASION DE LA 16ÈME COMMÉMORATION DU GÉNOCIDE
Le peuple rwandais est prêt pour la démocratie. C’est le FPR qui ne l’est pas.
Ce mercredi 07 avril 2010, à l’occasion de la 16ème commémoration du génocide de 1994, dans une longue tirade contre les dirigeants de l’opposition en général et contre la Présidente et Candidate des FDU-Inkingi à l’élection présidentielle d’août 2010, Mme Victoire INGABIRE UMUHOZA en particulier, le Président Paul Kagame a traité les opposants de « hooligans politiques », « de gens venus de nulle part …des gens inutiles », les présentant au passage comme « des gens que l’Ouest préférerait voir à la tête du Rwanda » auquel il voudrait « imposer des valeurs », en référence à la démocratie multipartite, un système que les Occidentaux auraient mis « des centaines…des milliers d’années » à mettre en œuvre dans leurs pays.
1. Ce langage irrévérencieux et vindicatif, digne de Patrick Hooligan, a ainsi tenu lieu de mot de réconfort que les centaines de milliers de rescapés du génocide attendaient de la part d’une personne qui est aussi le Chef de l’Etat, en ce jour tristesse. Il a tenu lieu de réflexion, une réflexion profonde que le pays, la région et le monde attendaient du Chef d’un Etat qui a connu la pire des tragédies. Il révèle à quel point le Président Paul Kagame appartient à cette époque que le Rwanda a besoin de dépasser, sans oublier, pour construire un avenir sûr pour tous ses enfants.
2. Si, en sport, un hooligan est un adepte d’une discipline, généralement le football, qui utilise la violence pour peser sur le sort d’une rencontre, alors un hooligan politique est un adepte d’un parti qui utilise la violence pour peser sur l’issue d’une confrontation politique. Dans la confrontation politique qui pointe à l’horizon, en l’occurrence l’élection présidentielle prévue en août 2010, les dirigeants de l’opposition en général et ceux des FDU-Inkingi en particulier, n’emploient que des moyens politiques, pacifiques et légaux. A aucun moment, ils n’ont recouru à des moyens violents.
3. En cette matière, les dirigeants du Front patriotique rwandais, en général et son Président Paul Kagame en particulier, sont des multirécidivistes. Ils emploient systématiquement des moyens violents pour régler des questions politiques, et cela depuis 1990, que ce soit en politique intérieure ou en en politique extérieure.
4. En 1990, pour régler la question des réfugiés Tutsi qui était en discussion entre l’Etat rwandais et l’Etat ougandais, ils ont pris les armes contre l’Etat rwandais. Ce faisant, ils ont commis des atteintes graves à la sûreté intérieure de l’Etat, en violation des dispositions du code pénal (art.164 et suiv.), dispositions qu’ils utilisent aujourd’hui pour tenter de condamner la Présidente des FDU-Inkingi à la prison à perpétuité, en fabricant des preuves tendant à l’associer à des groupes armés réels (FDLR) ou imaginaires (CDF, Coalition of Democratic Forces).
5. En avril 1994, pour peser sur l’application des dispositions de l’Accord de paix d’Arusha, ils ont abattu l’avion du Chef de l’Etat en fonction, Juvénal Habyarimana, tuant du même coup le Chef de l’Etat burundais, Cyprien Ntaryamira, qui était également à bord, tous leurs collaborateurs ainsi que son équipage. Cet attentat, commis en période de paix, puisque l’accord signé par les deux parties impliquées, dont le FPR, avait mis fin au conflit armé, est considéré par tous les observateurs objectifs comme l’élément déclencheur du génocide. En abattant l’avion présidentiel, ils ont également porté atteinte à la personne du Chef d’un Etat étranger, provoquant une crise institutionnelle au Burundi.
6. En avril 1995, pour régler la question des déplacés de guerre de Kibeho (sud-ouest du Rwanda), ils ont envoyé l’armée encercler et pilonner à l’arme lourde les camps de déplacés, tuant en une journée au moins 8.000 Rwandais issus essentiellement de la communauté hutu dont l’évocation des souffrances et de la mémoire vaut à la Présidente des FDU-Inkingi l’accusation de négation du génocide.
7. En 1996-1997, pour régler la question des réfugiés rwandais massés dans l’Est de la RDC (ex-Zaïre), ils ont encerclé et bombardé à l’arme lourde les camps de réfugiés, forçant les rescapés les uns au retour et les autres à une fuite effrénée vers les forêts congolaises où au moins 300.000 d’entre eux ont péri. En 1996 et en 1998, pour régler des différents politiques avec feu Col. Lizinde Théoneste, ancien député FPR et feu Seth Sendashonga, ancien ministre FPR de l’Intérieur, ils ont envoyé des escadrons les assassiner à Nairobi (Kenya), n’hésitant pas à couvrir certains des assassins, en invoquant leurs statuts de diplomates. S’il y a des hooligans politiques, ce n’est pas aux FDU-Inkingi qu’il faut les chercher. C’est à la tête du FPR-Inkotanyi, qu’il faut aller les chercher.
8. Quant au lien que le Président Paul Kagame tente d’établir entre la Présidente des FDU-Inkingi, Victoire Ingabire Umuhoza et des condamnés pour génocide, notamment Joseph Ntawangundi, comme le dit le romancier béninois Florent Couao-Zotti, « Si la cour du mouton est sale, ce n’est pas au porc de le dire ». D’abord, l’Etat FPR n’a pas pu produire le dossier de condamnation par contumace prétendument prononcée en 2007 contre Joseph Ntawangundi. Or, on sait de quelle façon les aveux sur lesquels s’appuient la condamnation du 24 mars 2010 ont été obtenus, si on s’en tient au témoignage du Gén. Kayumba Nyamwasa, ancien chef des services de renseignements, qui a échappé à ces manipulations. Enfin, le FPR et son Président Paul Kagame, dont on ne compte plus les députés en prison pour génocide et dont au moins quarante parmi les plus hauts dignitaires sont poursuivis par la justice internationale pour crimes contre l’humanité, ne sont pas du tout indiqués pour donner des leçons à quiconque en cette matière.
9. Quant à l’accusation selon laquelle l’Occident tenterait d’imposer la Présidente des FDU-Inkingi à la tête du Rwanda, il est très surprenant de l’entendre de la bouche du Président Paul Kagame. Rentré précipitamment d’une formation militaire qu’il avait à peine entamée à l’ Ecole de guerre de Fort Leavenworth (Kansas, USA) en tant qu’officier ougandais, pour prendre la tête de la milice du FPR, dans un Rwanda qu’il ne connaissait pas et qui ne le connaissait pas non plus, pour l’avoir quitté trente ans plus tôt, et alors même qu’il n’a pu réussir que quelques années d’études secondaires, le Président Paul Kagame n’est certainement pas la personne la mieux indiquée pour parler de dirigeants « venus de nulle part » et servant des intérêts étrangers.
10. Que devrait-on déduire de son soutien à l’administration Bush lors de l’invasion de l’Irak en 2003, en dépit de sa condamnation, et par l’Union Africaine, et par les Nations-Unies ? Que dire de la guerre par procuration dans laquelle il a entraîné le pays pour renverser le gouvernement légitime de la RDC en août 1998 et qui a permis la création des FDLR, qui sont ensuite devenues le prétexte idéal pour d’autres agressions armées, tendant à balkaniser cet Etat voisin à défaut de lui imposer un autre gouvernement?
11. Pour les FDU-Inkingi, prétendre que les Rwandais ne sont pas mûrs pour la démocratie et qu’il faudrait attendre des « centaines, …des milliers d’années » est l’expression même du mépris le plus abject que l’on puisse avoir à l’égard d’un peuple. En Europe, les régimes antidémocratiques prétendaient que les peuples occidentaux n’étaient pas mûrs pour exercer leurs droits et n’accordaient le droit de vote qu’aux gens fortunés ou éduqués. Lorsqu’il a n’a plus été possible de refuser ce droit, ils ont prétendu que les femmes n’étaient pas encore prêtes.
12. En Afrique, pendant la guerre froide, tous les régimes antidémocratiques ont utilisé cet argumentaire. En Afrique du Sud, le régime d’apartheid a utilisé ce même argument, jugeant les Noirs inaptes à exercer leurs droits politiques. Aujourd’hui, il est désuet. C’est le Front patriotique rwandais qui n’est pas prêt pour la démocratie et non le peuple rwandais. Il peut prendre le temps qu’il veut pour s’y préparer, mais il ne peut pas demander au peuple rwandais de l’attendre alors même qu’il claironne qu’il est le champion de la parité homme-femme, de la participation citoyenne, de la bonne gouvernance et du développement. Prétendre que la démocratie est une valeur « étrangère » au Rwanda afin d’avoir les coudées franches pour perpétuer une dictature et ainsi continuer à s’approprier les richesses nationales montre clairement qu’il ne s’agit là que de rhétorique. Le temps est venu pour la politique de changer de logique : la politique doit passer de la logique du pouvoir, qui vise à acquérir le plus de pouvoir possible pour le garder le plus longtemps possible au moyen de la violence et du mensonge, à celle de la responsabilité dont les principes de base consistent à exercer des responsabilités à plusieurs, dans un temps limité et un domaine limité, car on ne peut être compétent en tout.
Les Rwandais, comme tout autre peuple au monde, sont parfaitement capables de choisir leurs dirigeants. Ils sont parfaitement capables de choisir les politiques économiques qui leur conviennent en votant pour un programme. Seize ans après, utiliser le génocide pour continuer à différer le moment où les Rwandais pourront exercer leurs droits politiques n’est plus une option. Il est temps que le FPR et le Président Paul Kagame le comprennent et s’y résolvent.
Fait à Lyon, le 08 avril 2010
Pour le Comité de Soutien aux FDU-Inkingi
Eugène NDAHAYO
Président.