NICOLAS SARKOZY SCELLE LA RECONCILIATION FRANCO RWANDAISE
Sarkozy au Rwanda pour sceller la réconciliation Paris-Kigali
REUTERS Yann Le Guernigou
Nicolas Sarkozy est arrivé jeudi à Kigali pour une courte visite qui marque l'aboutissement du processus de normalisation des relations entre la France et le Rwanda après des années de brouille.
Premier président français à se rendre dans ce petit pays d'Afrique des grands lacs depuis le génocide qui a fait plus de 800.000 morts, pour la plupart dans les rangs de la minorité tutsie, en 1994, il a été accueilli par son homologue Paul Kagamé.
Il arrivait du Gabon via Bamako, où il a effectué une escale nocturne pour rencontrer l'ex-otage français du Mali, Pierre Camatte, libéré mardi après avoir passé trois mois aux mains du groupe armé Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
Prévue à l'origine pour durer à peine plus de trois heures, cette visite a pour but, selon Paris, de tourner la page d'années de polémiques sur l'enchaînement des événements qui ont conduit aux massacres.
Venant après le rétablissement récent de relations diplomatiques qui avaient été rompues fin 2006 par Kigali, elle doit permettre "d'acter la volonté des deux parties de se tourner vers l'avenir sans pour autant oublier le passé", a-t-on déclaré dans l'entourage de Nicolas Sarkozy.
Son moment fort sera un dépôt de gerbe au mémorial des victimes du génocide.
Le Rwanda a toujours accusé la France d'avoir une responsabilité dans les événements tragiques de 1994 par son soutien au régime du président Juvénal Habyarimana dont la mort, dans l'explosion de son avion, avait déchaîné les milices hutues contre la communauté tutsie.
Kigali avait rompu avec Paris après l'émission par la justice française de mandats d'arrêts internationaux contre neuf proches de Paul Kagamé, en lutte armée en 1994 contre le pouvoir, dans l'enquête sur la mort du général Habyarimana.
L'Elysée a exclu par avance que Nicolas Sarkozy présente au nom de la France des excuses que son homologue rwandais, qu'il a rencontré à deux reprises depuis 2007 en marge de réunions internationales, ne demande pas, assure-t-on.
"RESPONSABILITÉS ÉCRASANTES"
La présidence fait valoir qu'il s'est déjà exprimé clairement sur le sujet lors d'un sommet Europe-Afrique à Lisbonne en 2007 en déclarant "qu'il y a eu une responsabilité collective de la communauté internationale" qui n'a pas su intervenir pour empêcher le génocide, et que "la France a eu sa part" dans cette responsabilité.
Dans un appel, plusieurs organisations de gauche et des personnalités comme le diplomate Stéphane Hessel ou le philosophe Edgar Morin ont estimé que la visite de Nicolas Sarkozy serait "une injure aux victimes du génocide si elle ne marque pas une étape dans la reconnaissance des responsabilités françaises dans ce génocide".
"Les responsabilités de la France dans ce drame apparaissent de plus en plus écrasantes aux yeux des historiens spécialisés, mais ceci reste un tabou profondément établi, à l'intérieur de nos frontières ", estiment-ils.
Les entretiens entre Nicolas Sarkozy et Paul Kagamé, qui briguera un nouveau mandat présidentiel en août, porteront en priorité sur le contenu des nouvelles relations entre Paris et Kigali, notamment sur le plan économique.
Les questions régionales seront également évoquées, dont le projet cher à Nicolas Sarkozy de conférence des bailleurs de fonds des pays d'Afrique des grands lacs, une région déstabilisée par plusieurs conflits ces dernières années.
"L'idée c'est que, si on veut aider à surmonter les clivages politiques, les conflits dans cette région, il faut favoriser la coopération et l'intégration régionale, donc développer des projets communs entre ces pays notamment en matière économique, dans le domaine de l'énergie, dans le domaine du développement agricole et d'autres, l'exploitation forestière", dit-on à l'Elysée.
Dans l'état actuel des choses, la France espère organiser cette conférence au niveau ministériel en juin après en avoir évoqué les contours avec les chefs d'Etat et de gouvernement en marge du sommet France-Afrique de fin mai à Nice.
LeMonde.fr avec AFP
'Ce qu'il s'est passé ici est une défaite pour l'humanité. Ce qu'il s'est passé ici a laissé une trace indélébile. (...) Ce qu'il s'est passé ici oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l'ont empêchée de prévenir et d'arrêter ce crime épouvantable', a déclaré Nicolas Sarkozy, jeudi 25 février, lors d'une conférence de presse commune avec le président du Rwanda, Paul Kagamé, à Kigali.
"Nous devons voir plus loin, pour organiser la réconciliation. Des erreurs d'appréciation, des erreurs politiques ont été commises ici et ont eu des conséquences absolument dramatiques", a poursuivi le président. "Nous voulons que les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis. Il n'y a aucune ambiguïté. Je l'ai dit au président Kagamé, ceux qui ont fait ça, où qu'ils se trouvent, doivent être retrouvés et punis", a encore déclaré M. Sarkozy. "Est-ce qu'il y en a en France ? C'est à la justice de le dire. Nous venons de refuser l'asile politique à une des personnes concernées, et il y a une procédure judiciaire engagée", a-t-il également indiqué en faisant référence, sans la nommer, à Agathe Habyarimana, la veuve du prédécesseur de Paul Kagamé.
"Nous allons essayer de construire une relation bilatérale où nous allons explorer une nouvelle façon de s'entraider. La France veut aider le Rwanda et nous allons construire une coopération politique, économique et culturelle", a conclu le chef de l'Etat, dans une optique de réchauffement des relations franco-rwandaises.
PLUS DE 800 000 MORTS
La visite du président français au Rwanda est destinée à sceller la réconciliation entre la France et le Rwanda après des années de brouille. Au début de sa visite, le chef de l'Etat français, accompagné des ministres rwandais des affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, et de la culture, Joseph Habineza, a d'abord observé une minute de silence devant l'une des quatorze fosses communes du mémorial, où sont inhumés les corps de plus de deux cent cinquante mille victimes, et y a déposé une gerbe. Avec sa délégation, qui comprend le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, Nicolas Sarkozy a ensuite visité le musée pendant vingt minutes.
Celui-ci retrace l'histoire du Rwanda depuis la colonisation belge jusqu'au génocide, qui a fait plus de huit cent mille morts (selon l'ONU) en grande majorité des Tutsis, et l'arrivée au pouvoir de l'actuel président Paul Kagamé. A deux reprises, M. Sarkozy a été interpellé par le guide du musée sur le rôle de la France dans les événements de 1994. Depuis cette date, le régime de Paul Kagamé accuse la France de complicité dans le génocide pour avoir soutenu le régime de son prédécesseur Juvenal Habyarimana. Paris a toujours rejeté ces accusations.
UN PRÉSIDENT MUTIQUE
Devant une photographie montrant un véhicule militaire français passant devant un groupe de civils armés de fusils, accompagnée d'une légende indiquant que "la France a joué un rôle en armant et en entraînant les forces armées rwandaises", le guide lui a lancé: "Ici, c'est la responsabilité des Français". Nicolas Sarkozy est resté muet.
Le même guide lui a ensuite montré un portrait de l'ex-secrétaire général de l'ONU Kofi Annan en rappelant à son visiteur que "lui a demandé pardon" pour les errements de la communauté internationale en 1994. Là encore, le président français n'a rien répondu. Avant de conclure sa visite, Nicolas Sarkozy a signé le livre d'or du mémorial. Il s'est ensuite rendu au palais présidentiel pour un entretien, un déjeuner et une conférence de presse avec son homologue Paul Kagamé.
La visite de M. Sarkozy, la première d'un président français depuis le génocide de 1994, intervient trois mois après la reprise officielle des relations diplomatiques entre les deux pays.
REUTERS Yann Le Guernigou
Un dépôt de gerbe à l'arrivée, une dédicace des plus neutres au départ, Nicolas Sarkozy a visité jeudi le mémorial des victimes du génocide rwandais sans esquisser la moindre reconnaissance d'une responsabilité française dans les événements.
Arrivé en provenance du Gabon via le Mali, où il avait effectué une escale nocturne, le président français a entamé une courte visite au Rwanda par ce mémorial où sont inhumés les restes de 280.000 victimes des événements de 1994.
Après s'être incliné devant une fosse collective, il a passé une vingtaine de minutes dans les salles du bâtiment où sont retracés la genèse et le déroulement du massacre de quelque 800.000 Rwandais, pour la plupart d'ethnie tutsie, par des milices de la majorité hutue.
S'y succèdent des séries de photos sur les atrocités commises dans ce petit pays d'Afrique des Grands Lacs accompagnées de panneaux explicatifs, de portraits de victimes et d'orphelins du conflit.
Nicolas Sarkozy a suivi avec attention et sans rien dire les explications d'un guide, même quand celui-ci s'est arrêté devant un panneau mettant en cause la France et son dispositif sur place, baptisé Turquoise, accusés par les autorités de Kigali d'avoir aidé le pouvoir hutu alors en place.
"On peut voir là que l'armée française a formé des milices hutues", a dit le guide en montrant une photo de militaires de l'opération Turquoise accompagnant en jeep une troupe de civils armés de fusils en bois.
"RÔLE ACTIF"
Le commentaire qui accompagne le cliché est éloquent : "La France a joué un rôle actif en armant et en entraînant les forces armées rwandaises pendant la guerre civile."
Dès lors que les rebelles du Front patriotique rwandais, qui forment l'ossature du pouvoir aujourd'hui à Kigali, ont gagné du terrain, "l'opération Turquoise aboutit à la création d'une zone hors danger pour les génocidaires (...) et une route d'évasion vers le Zaïre" voisin, lit-on encore.
La France a toujours contesté ces accusations, sources de graves tensions depuis plusieurs années avec le Rwanda.
Nicolas Sarkozy n'a rien dit non plus quand son guide a souligné que Kofi Annan, le secrétaire général de l'Onu à l'époque, avait depuis présenté ses excuses en reconnaissant avoir sous-estimé la gravité des événements.
Premier président français à se rendre dans le pays depuis 1994, il s'est toujours refusé à présenter des excuses, ne reconnaissant en 2007 pour la France qu'une part de la responsabilité collective d'une communauté internationale qui n'a pas su se mobiliser pour mettre fin aux massacres.
Il est resté bien en-deçà dans les quelques lignes écrites sur le livre d'or du mémorial : "Au nom du peuple français, je m'incline devant les victimes du génocide des Tutsis. L'Humanité conservera à jamais la mémoire de ces innocents et de leur martyre".
Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse
Génocide rwandais : Sarkozy évoque les erreurs de la France
Nouvelobs.com | 25.02.2010 | 13:46
Le chef de l'Etat a par ailleurs demandé à ce que tous les responsables soient punis.
Nicolas Sarkozy a évoqué jeudi 25 février à Kigali les "erreurs" de "la communauté internationale, dont la France" au moment du génocide de 1994 au Rwanda, lors d'une conférence de presse commune avec son homologue rwandais Paul Kagame. Le chef de l'Etat a par ailleurs demandé à ce que tous les responsables soient punis.
"Nous voulons que les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis. Il n'y a aucune ambiguïté. Je l'ai dit au président Kagame, ceux qui ont fait ça, où qu'ils se trouvent, doivent être retrouvés et punis", a déclaré Nicolas Sarkozy à l'issue d'un entretien avec le président rwandais.
"Est-ce qu'il y en a en France ? C'est à la justice de le dire. Nous venons de refuser l'asile politique à une des personnes concernées, et il y a une procédure judiciaire engagée", a-t-il également indiqué en faisant référence, sans la nommer, à Agathe Habyarimana, la veuve du prédécesseur de Paul Kagame.
En visitant le mémorial consacré aux victimes un peu plus tôt, il était resté muet lorsqu'il avait été interpellé sur la responsabilité de la France. Devant une photographie montrant un véhicule militaire français passant devant un groupe de civils armés de fusils, accompagné d'une légende indiquant que "la France a joué un rôle en armant et en entraînant les forces armées rwandaises", le guide lui a lancé: "ici, c'est la responsabilité des Français". Le même guide lui a ensuite montré un portrait de l'ex-secrétaire général de l'ONU Kofi Annan en rappelant à son visiteur que "lui a demandé pardon" pour les errements de la communauté internationale en 1994. Là encore, le président français n'a rien répondu. Avant de conclure sa visite, Nicolas Sarkozy a signé le Livre d'or du mémorial: "Au nom du peuple français, je m'incline devant les victimes du génocide des Tutsis".
"L'humanité conservera à jamais la mémoire de ces innocents et de leur martyr", a ajouté Nicolas Sarkozy. Accompagné des ministres rwandais des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo et de la Culture Joseph Habineza, le chef de l'Etat français a d'abord observé une minute de silence devant l'une des quatorze fosses communes du mémorial, où sont inhumés les corps de plus de 250.000 victimes, et y a déposé une gerbe.
Avec sa délégation, qui comprend le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner, Nicolas Sarkozy a ensuite visité le musée pendant une vingtaine de minutes. Celui-ci retrace l'histoire du Rwanda depuis la colonisation belge jusqu'au génocide, qui a fait plus de 800.000 morts (selon l'ONU) en grande majorité d'ethnie tutsie, et l'arrivée au pouvoir de l'actuel président Paul Kagamé.
Cette visite, la première d'un président français depuis le génocide de 1994, intervient trois mois après la reprise officielle des relations diplomatiques entre les deux pays.
Kigali avait rompu ses relations diplomatiques avec Paris fin 2006, après l'émission par le juge français Jean-Louis Bruguière de mandats d'arrêt contre neuf proches de Paul Kagame, soupçonnés par le magistrat d'avoir fomenté l'attentat qui a coûté la vie en 1994 à son prédécesseur, Juvenal Habyarimana, et déclenché un génocide qui a fait 800.000 morts, en grande majorité d'ethnie tutsi.
Le Rwanda a riposté en publiant en août 2008 un rapport mettant en cause une trentaine de chefs politiques et militaires français de l'époque pour avoir "participé à l'exécution" du génocide.
Bien avant ce réquisitoire, l'actuel régime de Kigali, issu de la rébellion à majorité tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), a accusé depuis 1994 la France d'avoir été complice du génocide en soutenant le régime précédent hutu de Habyarimana face au FPR de Paul Kagame. Paris a toujours farouchement rejeté ces accusations.
Dès son élection en 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé son intention de renouer avec plusieurs pays africains en délicatesse avec la France, dont le Rwanda. Mais, malgré deux rencontres avec Paul Kagame et la volonté affichée des deux parties de "tourner la page", la réconciliation a buté sur le refus de Paris d'enterrer la procédure Bruguière.
Jusqu'à ce que plusieurs décisions de la justice française rassurent Kigali, ouvrant la voie à une reprise des relations diplomatiques en novembre dernier. "Le Rwanda a fini par admettre que le pouvoir politique français n'était pas derrière les initiatives de la justice", analyse-t-on à l'Elysée.
"Nous sommes tenus, il faut que nos amis du Rwanda le comprennent, par l'indépendance de la justice, par son calendrier, par nos procédures", a relevé Nicolas Sarkozy, "en France la justice est indépendante, je l'ai dit au président Kagame qui d'ailleurs le comprend parfaitement".
Le Conseil d'Etat a confirmé en octobre le rejet de la demande d'asile d'Agathe Habyarimana, veuve du président rwandais Juvénal Habyarimana mort dans un attentat en avril 1994, en raison notamment des soupçons pesant sur son éventuelle implication dans le génocide.
Une information judiciaire a été ouverte en novembre 2007 en France contre Agathe Habyarimana pour "complicité de génocide et de crime contre l'humanité", mais elle n'a toujours pas été convoquée par la justice.
Même si la réconciliation annoncée entre les deux pays a été largement saluée, son prix continue de nourrir les inquiétudes. Si officiellement, les autorités rwandaises se disent prêtes à tourner la page, nombreux sont ceux à Kigali qui attendent de Nicolas Sarkozy qu'il reconnaisse les torts de la France. "S'il présentait des excuses, ce serait beaucoup mieux", a commenté le ministre rwandais de la Culture Joseph Habineza.
A Paris en revanche, les personnalités politiques et les militaires en fonction en 1994 redoutent que le chef de l'Etat n'aille trop loin. Début 2008, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, réputé proche de Paul Kagame, avait suscité leur réprobation en évoquant les "fautes politiques" de la France à l'époque du génocide. Dans ce contexte, les gestes et surtout les paroles de Nicolas Sarkozy jeudi à Kigali seront observés à la loupe.
Il y a deux ans, le président français, que l'on sait très réservé sur la repentance, avait évoqué "les faiblesses ou les erreurs" de la France. Selon son entourage, il ne devrait pas aller plus loin et ne pas suivre les Etats-Unis ou la Belgique sur la voie des excuses officielles.
"Il n'est pas question d'oublier le passé mais de se tourner vers l'avenir", dit-on à Paris, qui préfère insister sur le souhait des Rwandais, qui viennent de rejoindre le Commonwealth britannique, d'attirer les investisseurs français.
(Nouvelobs.com avec AFP)