LES CAMPS DE RÉÉDUCATION INGANDO SONT LOIN D’ÊTRE DES INSTRUMENTS DE JUSTICE ET DE RÉCONCILIATION
Observations d’une participante d’un camp ingando au Rwanda
Par Susan Thomson, Chargée de cours à l’Université d’Ottawa. 24/2/2010
La rééducation pour la réconciliation
Pendant que, dans le cadre de mon doctorat, je réalisais une étude sur le terrain, le gouvernement du Rwanda m’a ordonné de me soumettre à de la «rééducation». J’avais effectué un peu plus de la moitié de mon travail lorsque le directeur de cabinet du ministre des Autorités locales m’a dit qu’il devait révoquer ma lettre de permission parce que mes travaux de recherche allaient «à l’encontre de l’unité nationale et de la réconciliation» et parce que «ce n’était pas le genre de recherche dont avait besoin le gouvernement».
Les travaux de recherche que j’effectuais en 2006 avaient pour but de comprendre les effets, sur de simples paysans rwandais du Sud-Ouest du pays, de la politique d’unité nationale et de réconciliation postgénocide mise de l’avant par le gouvernement. Mes travaux étaient de type ethnographique, ce qui signifie que je devais passer beaucoup de temps dans les régions rurales, à consulter des Rwandais ordinaires1 sur leurs vies avant, pendant et après le génocide, pour comprendre comment ils résistaient subtilement et stratégiquement à cette politique du gouvernement2. De l’avis du gouvernement, je «perdais» mon temps à «parler de politique à des paysans» puisque c’étaient «tous des menteurs de toute façon». De plus, il était clair que j’avais subi «un lavage de cerveau».