"Le Congo est un paradis, mais nous l’avons transformé en un enfer" (Vital Kamerhe)
Un article du mois de décembre 2010, mais toujours d'actualité!
DE MORGEN
Journal indépendant flamand, progressiste, quotidien national de qualité.
Samedi 18 décembre 2010
Le candidat présidentiel Vital Kamerhe commence sa lutte contre Joseph Kabila.
Cette semaine l’ancien populaire président du parlement Vital Kamerhe s’est posé officiellement candidat à la présidence congolaise. La possibilité que l’ancien confident et dirigeant de campagne de l’actuel président Joseph Kabila dans une année peut s’appeler chef d’état est réelle. A condition qu’il survivra la campagne dans un Kinshasa très tendu. << Si j’ai le choix, je préfère mourir pour une cause noble. Si je meurs pour mon pays, mon nom restera connu et nombreux seront ceux qui sauront que je voulais lutter pour mon people>>
Article écrit par Koen Vidal .
Bruxelles, fin du mois de novembre, Vital Kamerhe nous attend au coin de la rue des Carmélites et de la rue de Namur. Les piétons nous passent de façon indifférente. Car rien ne fait penser à ce que cet homme dans une année puisse bien être le nouveau président du Congo. Très bien habillé, c’est vrai. Mais pas de gardes de corps, pas un entourage arrogant et pas de voiture de service.
<<Mon hôtel n’est pas loin du cinquantenaire>>, me dit-il. << Je peux me mettre dans votre voiture? >>
Dans la voiture Kamerhe me raconte que dans 2 à 3 semaines il déposera officiellement sa candidature à la présidence. “Mais je reste encore discret pendant un peu de temps. Toutefois ma décision est définitive. Rien ne va plus. Je veux foncer”.
Une demi-heure plus tard Kamerhe utilise ses charmes auprès d’une serveuse d’un restaurant italien à la place Schumann. <<Il y a trop de choix sur la carte, mademoiselle. Je suis votre suggestion. Je vous fais confiance>>.
Le magnétophone s’allume. Kamerhe n’a pas besoin d’une question d’ouverture. C’est lui-même qui la pose. <<Sans aucun doute vous vous posez la question pourquoi Vital Kamerhe, l’homme qui a aidé Kabila à venir au pouvoir en 2006, maintenant crée son propre parti et participe aux élections présidentielles>>.
Koen Vidal : En effet, c’est la question que j’aurais voulu poser. Pendant quelques années vous n’étiez pas uniquement confident du président Kabila, mais aussi son dirigeant de campagne et son collectionneur de fonds. Pourquoi vous avez rompu avec lui?
Vital Kamerhe : Joseph Kabila et moi nous avons deux différences de vue fondamentales. D’abord notre vision sur ce qu’est le pouvoir est complètement différente. Quand pour les dernières élections nous avons mené campagne ensemble, j’étais convaincu que nous étions d’accord sur notre but ultime: conquérir le pouvoir pour servir le peuple. Mais vite il est devenu clair que Kabila et beaucoup d’autres dirigeants du parti présidentiel utilisaient leur pouvoir d’abord pour s’enrichir eux-mêmes. Ils commençaient à faire la même chose que feu Mobutu. Et peut-être pire.
En tant que président de la Chambre j’essayais de mettre fin à tout cela et le parlement réussissait à fonctionner de façon de plus en plus démocratique. Aussi bien la majorité que l’opposition pouvait s’exprimer librement. Des parlementaires interpellaient des ministres et faisaient des recommandations. Malheureusement le gouvernement et la justice ignoraient tous les conseils qu’on voulait donner. Les institutions congolaises commençaient à travailler à des vitesses différentes : le parlement avançait, mais le gouvernement et la justice restaient enfermés dans le passé. Et alors il y a eu le très grand conflit entre moi et le président sur l’accord secret entre le Congo, le Rwanda et l’Ouganda pour mener des actions militaires communes dans l’Est du Congo. Dans cette affaire le parlement avait été complètement ignoré. Une violation flagrante de la constitution. Et quand j’ai dénoncé cette affaire publiquement, Kabila a fait une pression énorme sur moi pour que je donne ma démission.
Koen Vidal : La rupture avec Kabila est-elle définitive?
Vital Kamerhe : En politique rien n’est définitif. Mais la rupture est un fait. Si le parti présidentiel est prêt à changer, peut-être, dans 15 à 20 ans nous pourrons travailler à nouveau ensemble. Et si un jour ils se rendent compte que moi j’avais choisi la bonne voie, alors ils pourront toujours me rejoindre.
Koen Vidal : Mais les prochaines années nous ne devons pas nous attendre à un rapprochement?
Vital Kamerhe : Impossible. Pour cela le bilan Kabila est trop catastrophique. Les différences sont trop fondamentales.
Koen Vidal : Quelle est la différence entre vous et le présidant actuel Kabila? Quel est votre atout par rapport à Kabila?
Vital Kamerhe : Tout abord, moi j’ai une vision pour le Congo. Je veux démontrer que mon pays a un rôle à jouer : pas seulement pour les Congolais, pas seulement pour l’Afrique, mais pour le monde entier. Un des exemples que m’inspire le plus est l’ancien président brésilien Lula da Silva. Entre le Congo et le Brésil il y a beaucoup de différences, mais il y a aussi quelques ressemblances qui sautent aux jeux. Ce sont deux grands pays avec beaucoup de matières premières et une forêt humide immense.
A l’instar du Brésil d’avant Lula, le Congo actuel est menacé par toute une série de forces politiques négatives. Mais mon pays a aussi la potentialité pour résoudre quelques problèmes mondiaux. Il ne faut pas uniquement voir le Congo comme un drame. Il faut oser renverser l’image actuelle et oser regarder les atouts du pays. Prenez l’exemple du problème du réchauffement de la planète. Après le Brésil le Congo a la deuxième forêt humide du monde; un des poumons les plus importants et nécessaires de la terre. Mais si nous voulons continuer à jouir de cette forêt tropicale, évidement nous devons prendre soin à ce qu’elle ne soit pas détruite. Pour cela il faut avoir de la volonté politique. Encore un autre défi : dans le monde entier à l’heure actuelle un milliard de personnes sont sous-alimentées.
Les statistiques du FAO, l’organisation de l’ONU pour l’agriculture, montrent que le Congo dispose d’autant de terres agricoles que la Chine : 120 milliard d’hectares. Le même FAO a calculé que le Congo - qui à peine a 70 millions d’habitants- est en mesure de nourrir deux milliards de personnes. En d’autres termes : si nous prenons les bonnes décisions, nous sommes capables de libérer la planète de le faim. Mais maintenant nous ne réussissons même pas à nourrir notre propre population. Quel paradoxe!
Koen Vidal : Un autre grand problème est celui du vol des matières premières. L’homme moyen congolais à ce moment-ci ne profite pas des bénéfices de l’exploitation des matières premières. Comment allez-vous résoudre cela ?
Vital Kamerhe : Cela aussi nous devons le considérer comme une chance. Avec l’industrialisation de pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil, il y a une très grande demande de plusieurs matières premières.
Dans le sol congolais il y a au moins 110 différentes sortes de minerais. Mais c’est vrai, à l’heure actuelle cela en effet ne profite en rien aux congolais. Notre proposition: chacun qui veut disposer de nos matières premières, devra construire des usines pour travailler avec ces richesses. Ces transferts de technologie ne créent pas uniquement de l’emploi, mais engendreront aussi une situation dans laquelle nous pourrons exporter ces matières premières, mais alors transformées, à un prix plus élevé.
A l’heure actuelle nous nous trouvons dans une situation très bizarre : nous vendons nos matières premières pour une bagatelle à la Chine qui les transforme en produits finis que, alors, nous devons acheter à un prix qui est quatre fois plus élevé.
Koen vidal : Vos idées sont magnifiques, mais comment entendez-vous les réaliser ? L’Etat congolais maintenant est très affaibli et paralysé par la corruption.
Vital Kamerhe : Vous avez raison. La vision ne suffit pas. Il faut avoir aussi un Etat de droit : une armée qui se met à la disposition du peuple et de la protection du territoire, une force de police professionnelle, une justice honnête, une diplomatie ferme ; bref une administration publique saine. Si nous n’arrivons pas à développer des mécanismes contre la corruption, au Congo rien ne changera. Dans ce contexte nous pouvons trouver de l’inspiration dans des pays comme la suède, le Botswana et la Namibie, où des organes forts ont été créés pour combattre la corruption.
Koen Vidal : Mais quelles sont les premières démarches que vous voulez entreprendre pour domestiquer ce monstre de la corruption ?
Vital Kamerhe : D’abord il incombe au président de montrer le bon exemple. Le chef doit incarner ce changement. Il doit être clean et veiller à ce que sur le plan des finances les bons choix soient faits. Cela commence déjà très tôt : lors de la composition de son équipe. Il a besoin de personnalités fortes, d’institutions fortes, de lois fortes et d’une constitution forte. Quand ces affaires sont en ordre, les choses peuvent aller vite.
Regardez le Brésil: pendant plus de cinquante ans, il y a eu une corruption énorme. Maintenant il y a toujours de la corruption. Mais beaucoup moins. En effet : les autorités sont en mesure de remédier aux besoins de la population. Ce que nous voulons réaliser au Congo, n’est pas vraiment impossible. Nous voulons remplacer les potentats omnipuissants par un groupe de dirigeants démocratiquement élus qui partagent l’idée que la chose publique est quelque chose de sacré, quelque chose qu’il faut traiter avec responsabilité. Les dirigeants congolais doivent cesser de mélanger leurs propres problèmes avec ceux de l’Etat. Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans cette jungle de la corruption.
Koen Vidal : Beaucoup de gens diront que votre vision est extrêmement utopique?
Vital Kamerhe : Mais pas du tout. Il s’agit d’un projet réaliste et concret. J’aime bien utiliser l’image de la locomotive forte et des wagons qui suivent. Dans la locomotive se trouvent les machinistes qui sont assistés par des techniciens. Le rôle de chacun est clair, tout le monde doit collaborer. Cette locomotive tire les wagons. Le machiniste et les techniciens doivent veiller à ce que tout le monde reste à bord et que tous les passagers puissent arriver au terminus, aussi les femmes et les jeunes. Inévitablement vous aurez des passages de première et de deuxième classe. Je consente à ce que ceux de première classe mangent du caviar, aussi longtemps que ceux de 2ème classe eux aussi puissent voyager avec un certain confort. Pour m’exprimer de façon claire : nous devons veiller à ce que les congolais les plus pauvres aient aussi accès à la nourriture, l’eau, la santé, l’enseignement, l’électricité et le logement. Ça, c’est vraiment le minimum. Une société est habitée aussi bien par des riches, des gens à revenu moyen et des pauvres. Les plus pauvres aussi ont droit à une vie humaine et doivent recevoir des chances. S’ils ne le peuvent pas faire eux même, alors l’Etat doit leur venir en aide. C’est cela le modèle de société que je défends.
Koen Vidal : Comment le président Kabila et son inner circle vous regardent-ils ?
Vital Kamerhe : Le combat que je mène n’est pas un combat contre des individus, ce n’est pas un combat contre Joseph Kabila et même pas contre son entourage. Moi je mène un combat pour la restauration des valeurs républicaines et morales. Pour la démocratie et contre les institutions parallèles. C’est possible que cette lutte menace le président Kabila et ses confidents. Mais alors cela ne serait qu’une conséquence indirecte. Les individus ne m’intéressent pas tellement.
Koen Vidal : Ne craignez-vous pas que Joseph Kabila considère votre initiative comme une attaque personnelle ?
Vital Kamerhe : Voyez, quand Lula Da Silva a posé sa candidature pour la présidence, tout le monde voulait le bloquer. Mais cela n'a pas réussi. Pourquoi? Parce qu'il avait le peuple derrière lui. Absolument rien ne peut aller à l'encontre de la volonté du peuple. Je suis convaincu que l'immense majorité des Congolais partagent mon analyse. La politique actuelle est catastrophique: des contrats pour plusieurs milliards de dollars sont arrangés sous la table, à gauche et à droite on donne et on reçoit des pourboires énormes, des accords avec des entreprises internationales sont signés un jour et le lendemain ils sont déjà révoqués. C'est inacceptable. De cette manière vraiment on ne peut pas gérer un état. C'est de la légèreté.
Koen Vidal : Pensez-vous que le régime actuel veut organiser des élections honnêtes? Et si Kabila perd, acceptera-t-il la défaite ?
Vital Kamerhe : Il faut éviter qu'un candidat puisse s'arranger pour que le résultat lui plaise. D'abord nous devons œuvrer pour que le président Kabila le mois prochain ne magouille pas avec la Constitution. Ainsi il a déjà proposé de supprimer le deuxième tour des élections présidentielles.
Ceci signifierait que le candidat qui gagne au premier tour avec 15% des voix, automatiquement sera président. Apparemment Kabila se rend compte que le bilan de sa gestion est tellement catastrophique qu'il a besoin d'une intervention chirurgicale pour pouvoir gagner. Cela a un nom: tricherie. Une autre condition cruciale pour pouvoir organiser des élections honnêtes, c'est que les membres de la cour constitutionnelle ne soient pas des fidèles de Kabila. Car supposez que Kabila perd, alors il peut contester le résultat auprès de ses petits copains de la cour constitutionnelle.
Koen Vidal : La situation sécuritaire au Congo est très problématique. En posant votre candidature aux présidentielles vous prenez un grand risque physique?
Vital Kamerhe : C’est quelque chose sur laquelle je me fais des soucis. Mais cela ne peut pas me décourager. C’est pour cela que je m'adresse à la force de paix de l'ONU au Congo. Et je leur demande de veiller à ce que les candidats aux présidentielles puissent mener leurs campagnes en sécurité. Mais la protection de l'ONU ne sera pas suffisante. Regardez, celui qui a peur ne pourra rien faire pour le peuple. Nous devons avoir le courage de servir le peuple et si c'est nécessaire, nous devons accepter le martyre.
Koen Vidal : Mais quand même vous n'avez qu'une vie. La mort ne vous effraie-t-elle pas?
Vital Kamerhe : Oui, j'y pense souvent et j'en parle régulièrement avec mon épouse qui est croyante et qui prie beaucoup pour moi. Mais savez-vous, un jour chacun de nous mourra. Un jour la mort y sera pour moi, pour Kabila, pour tout le monde. La mort est inévitable. Peut-être elle frappera bientôt lorsque nous allons sortir de ce restaurant.
Mais si j'ai le choix, je préfère mourir pour une cause noble. Si je suis pris bêtement par une voiture qui passe, ma mort ne servira à rien. Mai si je meurs pour mon pays, mon nom restera connu et beaucoup de gens sauront que je suis mort parce que je voulais lutter pour le peuple.
Koen Vidal : La mort du militant du droit de l'homme Floribert Chebeya au début du mois de juin ne vous a-t-elle pas rendu plus prudent?
Vital Kamerhe : La mort de Floribert a renforcé ma conviction. Nous devons veiller tous à ce que sa mort ait servi à quelque chose. Comme la mort de tous ces autres 5 millions de congolais qui ces dernières années sont morts à cause de la violence et de la misère. La disparition de Floribert a été une grande perte. Nous devons l'honorer en prenant les mêmes risques que lui. Savez-vous, moi je n'ai pas peur. J'ai dépassé les cinquante, j'ai vécu, mon enfant cadet a 11 ans. Comme chaque être humain je veux vivre encore longtemps et je ne vais pas me dérober à mes obligations familiales. Mais je dois reconnaître que ma décision de participer aux élections présidentielles était aussi une décision de m'éloigner de ma famille.
Ma famille maintenant est devenue la nation congolaise. C'est de cette façon aussi que je l'ai raconté à ma femme et mes enfants : « Il ne faut jamais m'oublier mais de temps à autre vous serez bien obligé de m'oublier, car désormais je n'appartiens plus seulement à vous autres. Je dois lutter pour mon pays ». Je sens cela fortement comme un appel. J'ai le sentiment que les prochaines années je peux jouer un rôle pour le Congo et je vais prendre cette responsabilité.
Koen Vidal : Mener une campagne dans un pays géant et en désordre comme le Congo doit coûter une fortune. D’où viennent vos fonds ?
Vital Kamerhe : Je n’ai pas un groupe de riches millionnaires puissants derrière moi. Mais ce qui est vrai, c’est que de plus en plus de Congolais apprennent que je participe aux élections et ceci accélère très fortement la collecte de fonds. Uniquement les dernières semaines des milliers de gens se sont affiliées à mon parti : 150 000 membres à Kinshasa, 37 000 à Bukavu, 35 000 au Katanga, 40 000 au Bas-Congo, 17 000 au Kasaï. Toutes ces personnes ont acheté une carte de membre et paient une contribution. On peut comparer cela à la façon dont Barack Obama a demandé à des millions de petites gens d’appuyer sa compagne.
Chez moi évidemment il ne s’agit pas des mêmes sommes, mais toutefois c’est un début important. Je ne veux pas me venter, mais tout observateur ne peut pas ne pas constater que quelque chose de spécial est en train de se passer. Je viens de déposer ma candidature, mais ma compagne se trouve déjà lancée. Mes supporters spontanément commencent à faire confectionner des T-shirts avec ma photo, en autre de leur contribution de petites gens donnent un peu d’argent. Le problème évidemment est que le président Kabila dispose de millions et de millions de dollars : des moyens personnels et l’argent de l’Etat. Il peut distribuer des T-shirts, de la bière et beaucoup d’autres cadeaux à la population. Nous n’avons pas l’argent pour faire cela et d’ailleurs nous ne voulons pas faire de telles choses. Au contraire : nous voulons mettre radicalement fin à cette façon de mener campagne. Dans notre campagne nous allons demander d’émettre un vote utile. Et nous allons faire un grand effort pour que les gens sachent très bien que le vote est secret et qu’aucune corruption, de la part de n’importe quelle personne, ne peut être efficace. ‘’Acceptez tous les cadeaux de nos concurrents, sera notre message, mais une fois que vous serez dans la cabine de vote, personne ne pourra vous contrôler. Alors votez utile, votez pour nous’’.
Koen Vidal : Les derniers mois vous avez forgé une alliance avec d’autres dirigeants de l’opposition comme Etienne Tshisekedi et Jean Pierre Bemba. Quel est le but de cette alliance ?
Vital Kamerhe : Avec ce triangle nucléaire Tshisekedi-Bemba-Kamerhe nous pourrons obtenir des scores élevés dans beaucoup de régions du pays. Tshisekedi est l’homme du centre du pays, Bemba contrôle la province de l’Equateur et moi je suis fort dans l’Est. Kinshasa aussi est pour nous. Nous devons nous rendre compte que cette lutte en est une pour le changement et si nous n’allions pas nos forces, ce changement n’aura jamais lui. Mais je dois vous dire : à l’heure actuelle l’alliance va très bien. Très, Très bien !
Koen Vidal : La Cour Pénale Internationale poursuit maintenant Jean-Pierre Bemba pour des crimes contre l’humanité. N’est-ce pas très délicat de conclure à ce moment une alliance avec lui ?
Vital Kamerhe : L’influence de Bemba en Equateur reste très grande. C’est logique que moi en tant que dirigeant d’opposition tienne compte de cela. Mais surtout ce n’est pas normal que Bemba soit le seul poids lourd politique en prison. En outre, je ne comprends pas très bien pourquoi la Cour dans certains dossiers n’arrête que des Congolais. Comme s’il n’y avait des criminels qu’au Congo. Il faut reconnaitre que cette attitude constitue un problème. La justice doit appliquer les mêmes normes à chacun. Pour cette raison moi et mon parti considérons qu’il vaudrait mieux de mettre Bemba en liberté. La démocratie au Congo souffre de son absence. J’espère qu’il peut rentrer à Kinshasa pour qu’il puisse jouer son rôle démocratique.
Koen Vidal : Contrairement à d’autres personnalités congolaises vous n’avez jamais été un chef de guerre. Vous êtes surtout connu comme négociateur de paix. Cette image de colombe de paix vous donne-t-il beaucoup d’avantages par rapport à vos adversaires ?
Vital Kamerhe : C’est un aspect très important. Des chefs de guerre et des hommes politiques ont une autre version. C’est ainsi que moi je considère les armes en premier lieu comme un instrument de dissuasion, mais en aucun cas comme un moyen pour conquérir le pouvoir. A ma grande inquiétude je dois constater que ces derniers moi beaucoup d’armes entrent au Congo. Avez-vous vu combien de nouveau matériel a été montré au défilé du 50ème anniversaire de l’indépendance ? Et cela, ce n’était qu’une partie de ce qui avait été importé. A ce sujet nous nous pausons beaucoup de questions. Toutes ces armes : à quoi seront-elles utilisées ?
Koen Vidal : Votre pays à l’heure actuelle a des relations privilégiées avec la chine. En échange de grands travaux d’infrastructure la chine peut accéder aux richesses du sous-sol congolais. Que trouvez-vous de cette relation ?
Vital Kamerhe : Dans chaque relation bilatérale les partenaires eux-mêmes doivent décider où se trouvent leurs priorités et de quelle manière ils peuvent tirer profit d’un contrat. Les Chinois savaient très bien ce qu’ils étaient en train de faire et ce qu’ils avaient à gagner. Mais du côté congolais nous devons nous demander ce que, en réalité, nous avons perdu et gagné dans ce deal. Si ce deal a connu une mauvaise issue pour nous, c’est parce que le Parlement congolais n’a pas été impliqué dans tout le processus.
Koen Vidal : Si vous devenez président, vous renégocieriez le contrat chinois de milliards de dollars ?
Vital Kamerhe : Je ne veux pas renégociez mais le Congo ne peut pas payer un prix démesuré pour ces travaux d’infrastructure. Le prix de tous ces travaux publiés doit être conforme au prix du marché international. Et nous devons vérifier si les écoles, hôpitaux et universités que les chinois devaient construire selon le contrat, ont vraiment été construites. Et nous devons demander aux Chinois pourquoi certaines parties du contrat n’ont pas été réalisées.
Ce qui est important c’est de savoir que le Congo a besoin de collaborer avec le monde entier, pas uniquement avec les Chinois. Le Congo est un chantier énorme où chacun peut prendre sa place. Mais le pays appartient en premier lieu aux Congolais eux-mêmes. Si des étrangers viennent dans notre pays, ils ne doivent pas penser que chez nous c’est un Eldorado où l’on peut se servir librement. Ils devront collaborer avec nous d’une façon qui crée aussi des avantages pour les Congolais : une situation Win-Win.
Koen Vidal : Le président rwandais Paul Kagame reste une figure clé dans la région des Grands Lacs. Est-il prêt à s’impliquer dans votre projet ?
Vital Kamerhe : Je ne crois pas qu’il est déjà prêt. Mais la communauté internationale dispose des leviers pour que Kagame soit obligé de participer à la pacification de la région. Le Rwanda n’est pas vivable sans l’aide au développement de l’occident. Fermez le robinet et Kagame négociera. Si Kagame pense que je constitue un danger pour lui, il se trompe. Je suis un très grand partisan de coopération régionale.
Par exemple nous pourrions exploiter ensemble le gaz méthane du lac Kivu. Nous pourrions nous inspirer de la façon dont l’Allemagne et la France après la 2ème guerre mondiale ont commencé à collaborer dans les domaines du charbon et de l’acier. D’ailleurs je veux de bonnes relations avec tous nos pays voisins : le Burundi, la Tanzanie, l’Angola, l’Ouganda. Nous avons neuf voisins ; la meilleure façon de sécuriser le Congo, c’est d’établir de bonnes relations avec tous ces pays.
Koen Vidal : Mais cette révolution paisible est-elle possible ? Pensez-vous qu’il y a assez de dirigeants congolais capables et honnêtes pour réaliser votre rêve ?
Vital Kamerhe : Mais bien sûr. Je ne suis plus le seul Congolais qui ait de cerveau et de bonnes intentions. Nombreux sont les Congolais qui veulent un meilleur avenir pour leurs pays. Beaucoup parmi eux habitent à l’étranger : l’Europe, le Canada, les Etats-Unis, etc.… dès que nous aurons réussi à établir l’Etat de droit au Congo, tous ce gens rentreront au pays. Car ne vous trompez pas : si nous mettons de l’ordre au Congo, ce sera le meilleur pays du monde. Je dis même plus : tout le monde voudra passer ses vacances chez nous.
Ne riez pas, je suis sérieux. Existe-t-il un pays plus beau que le Congo ? Chez nous on a tout. Si vous aimez les températures chaudes, il faut aller à Kinshasa ; si vous trouvez qu’il fait trop chaud, allez à Kisangani ; ceux qui veulent un climat plus frais peuvent allez aux Kivus. Ceux qui veulent nager : le fleuve Congo et les lacs. Ceux qui veulent voir des animaux sauvages : le parc nationaux. Nous avons vraiment tout : des montagnes, des volcans. Tout, tout, tout. C’est un pays merveilleux. C’est un paradis que nous avons transformé en enfer. C’est le paradoxe congolais. Le Congo est un pays fantastique, avec un peuple fantastique mais avec des dirigeants qui depuis 1960 ont surtout pensé à eux-mêmes. Cela doit changer. De préférence le plus vite possible. Les élections de l’an prochain constituent une possibilité pour réaliser ce changement. 2011 : que le meilleur candidat à la présidence gagne. C’est tout.
Texte distribué par:
Mwalimu Kadari M. Mwene-Kabyana, Ph.D.
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