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Publié par JMV Ndagijimana

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(Marianne 26/01/2010)


Jean Rwabahizi, franco-rwandais, est en prison depuis le mardi 12 janvier à Kigali, accusé de participation au génocide de 1994 par un tribunal populaire en 2007 par contumace. Sa fille cherche à savoir si la peine de 30 ans de prison est le prix à payer par son père pour la réconciliation franco-rwandaise.


Une réconciliation à tout prix ? Du moins, la prudence reste de mise…Zahara Mukagikwiye Rwabahizi va même plus loin en accusant le gouvernement français de considérer certains de ses ressortissants comme «des citoyens de seconde zone» lorsqu’il s’agit des relations avec le Rwanda. Une fonctionnaire du Ministère des affaires étrangères lui aurait ainsi lancé, avant de raccrocher promptement : « on ne va tout de même pas gâcher les relations diplomatiques avec l’Afrique juste pour votre père ! ».


Le père de Zahara, Jean Rwabahizi, est actuellement détenu dans la prison de Kimironko, à une quinzaine de kilomètres à l’est de Kigali. Le tribunal « Gacaca » (lire gatchatcha) du secteur Nyarugenge (Kigali) l’a condamné par contumace à 30 ans de prison fin 2007. Mais le flou le plus total entoure les charges qui sont retenues contre lui. Lors de l’arrestation, elles concernaient apparemment le meurtre de deux personnes, puis de trois jeunes filles, lorsqu’il a intégré la prison. Désormais, la secrétaire exécutive de l’instance nationale des juridictions « gacaca », Domitille Mukantganzwa parle même, dans la presse rwandaise, de liens avec la milice génocidaire du parti au pouvoir en 1994. Jean Rwabahizi aurait donc joué un rôle dans le massacre de Tutsis, plus précisément de ceux qui avaient cherché refuge à l’Eglise Sainte Famille et à l’ambassade de France, à Kigali. Le quai d’Orsay n’a pas non plus « à ce stade », d’informations précisant les charges pesant sur le Franco-rwandais.


Mais qui est donc Jean Rwabahizi pour être, selon sa fille, « otage des relations diplomatiques franco-rwandaises ». « Le pouvoir rwandais lui en veut de ses relations avec la France », affirme Zahara. Elle explique que son père est revenu travailler à l’ambassade française en 1996, après la guerre. Le pouvoir rwandais aurait alors voulu en faire un espion, ce qu’il aurait « toujours refusé ». Alors en 2006, lorsque les relations entre les deux pays ont été rompues, l’ambassade a fermé et l’homme a perdu son emploi. Il est alors parti en France, obtenant la nationalité française.


Nouveau tournant en novembre dernier. Les relations diplomatiques entre la France et le Rwanda reprennent. Une chance, pour Jean Rwabahizi, de voir son ancien statut de fonctionnaire à l’ambassade de France reconnu et d’obtenir une pension de retraite de la part de l’Etat rwandais. L’homme arrive donc le samedi 9 janvier sur le tarmac de Kigali avec sa compagne française, Michelle Gimenez. « J’avais peur en arrivant, confie-t-elle, mais lui était confiant. La police des douanes lui a même dit qu’il n’aurait pas dû payer de visa ».


Les dimanche et lundi, les administrations sont fermées. Le couple commence donc les démarches pour l’obtention de la pension de retraite le mardi. Mais en sortant d’un bâtiment, un policier interpelle Jean Rwabahizi et l’emmène au commissariat. C’est là que lui et sa compagne découvrent la condamnation à 30 ans de prison, décidée en 2007 par contumace : « ici, ils disent par défaut ».


Depuis, Michelle Gimenez est seule à Kigali : « tout le monde m’a tourné le dos. Ils ont peur de témoigner en faveur de Jean. les relations entre les gens sont très tendues ici et les tribunaux gacaca sont l’occasion de vengeances personnelles ». Ces tribunaux populaires ne permettent d’ailleurs aucun recours à un avocat. Le problème, c’est que personne n’a jamais rien su de la sentence prononcée, « même pas la sœur de Jean qui habitait pourtant chez lui ».


La compagne de Jean Rwabahizi est perdue. Elle a demandé une prolongation de visa sans savoir si elle doit véritablement rester. Rien ne dit d’ailleurs qu’elle l’obtiendra. Zahara la pousse à médiatiser l’affaire, mais l’ambassadeur la freine dans le sens inverse. Pour le moment, elle essaie donc simplement de le soutenir en lui rendant visite en prison. Mais, même là, elle se sent inutile puisqu’il ne peut pas parler librement devant les gardes. « J’attends une heure et demie quand j’arrive avant de le voir. Je sais qu’ils le préparent mais je ne peux pas réellement savoir à quel point les conditions sont rudes à l’intérieur ». Ce rôle incombe de toute façon à l’ambassadeur de France. Jean Rwabahizi est ressortissant français et, à ce titre, le quai d’Orsay s’attache à ce qu’il ait « une protection consulaire, c’est-à-dire des conditions de détention acceptables et une procédure judiciaire respectueuse de ses droits ».

Mais l’ambassadeur arrive à peine. Il tâte un terrain clôturé depuis trois ans. On peut douter que la prise de risque soit maximale.

Lucie Soullier - Marianne | Lundi 25 Janvier 2010

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