France-Rwanda : la réconciliation à quel prix ?
PARIS/KIGALI - La France et le Rwanda sont convenus de rétablir leurs relations diplomatiques, qui avaient été rompues en novembre 2006, annonce l'Elysée dans un communiqué.
"Le secrétaire général de la présidence de la République, M. Claude Guéant s'est rendu aujourd'hui (dimanche) à Kigali (Rwanda) où il a eu des entretiens avec le président de la République du Rwanda, M. Paul Kagame", précise la présidence française dans un communiqué.
"A l'issue de ces entretiens, le président de la République française et son homologue rwandais sont convenus de rétablir les relations diplomatiques entre les deux pays", ajoute le communiqué.
Le Rwanda avait décidé le 24 novembre 2006 de rompre ses relations diplomatiques avec la France à la suite d'une procédure judiciaire menée par le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière sur plainte des familles de l'équipage français de l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, abattu en avril 1994.
A Kigali, la ministre rwandaise des Affaires étrangères a confirmé devant la presse la réconciliation franco-rwandaise.
"Il s'agit de l'aboutissement des discussions que nous avons eues (...) et nous sommes persuadés que c'est le début de la mise en oeuvre de relations nouvelles, plus fortes et meilleures qu'elle ne l'ont jamais été", a déclaré Rosemary Museminali.
De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a parlé d'un "lent et patient effort" fourni en commun par Paris et Kigali.
"Ces deux pays qu'unissent à la fois tant d'incompréhensions, de culture commune et d'espoirs partagés, vont reprendre leur marche solidaire", ajoute le ministre français dans un communiqué.
A Kigali, Claude Guéant a précisé que le nouvel ambassadeur de France au Rwanda serait nommé en Conseil des ministres dans les deux semaines qui viennent.
"Le Rwanda a un grand rôle à jouer dans cette région en termes de développement et de sécurité. C'est aussi un exemple de bonne gouvernance pour l'ensemble de l'Afrique. Pour cette raison, la France a décidé de soutenir le Rwanda", a-t-il ajouté.
ASILE POLITIQUE REFUSÉ
En octobre dernier, Paris avait refusé l'asile politique à la veuve de l'ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, dont l'assassinat en 1994 avait marqué le point de départ d'un génocide qui a fait 800.000 victimes.
La France était accusée par les dirigeants arrivés au pouvoir à Kigali après le génocide d'avoir contribué aux crimes et protégé certains de ses auteurs en leur permettant de s'abriter sur son territoire.
"La France n'oubliera aucune des victimes" du génocide, a dit à ce sujet Bernard Kouchner.
Agathe Habyarimana a quitté le Rwanda trois jours après l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion du son mari, abattu par des missiles sol-air à son atterrissage à Kigali.
Les magistrats antiterroristes français ont lancé en 2006 des mandats contre neuf officiels rwandais proches de Paul Kagame, leur imputant l'attentat du 6 avril 1994 et donc une responsabilité indirecte dans le génocide.
En mars dernier, la justice française avait par ailleurs levé le mandat d'arrêt visant Rose Kabuye, chef du protocole de la présidence rwandaise mise en examen pour son rôle présumé dans l'attentat contre Habyarimana.
Le gouvernement rwandais avait à cette occasion exprimé sa "satisfaction".
Arrêtée le 9 novembre 2008 en Allemagne, Rose Kabuye, considérée comme une proche du président Paul Kagame, avait été extradée vers la France. Elle a depuis regagné son pays.
Kouchner : « Le normal est rétabli »
Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a déclaré dimanche sur iTélé qu'entre le Rwanda et la France, "le normal est rétabli". "Ca fait deux ans et demi que nous y travaillons", a précisé le ministre. "Demain, il y aura un nouvel ambassadeur, la résidence va ouvrir. Lorsque nous le pourrons, le centre culturel, pourra également être remis en fonctionnement", a-t-il indiqué. "Les deux pays, par leurs ambassadeurs, pourront rétablir des rapports normaux", a poursuivi Bernard Kouchner. "Des rapports qui signifient pas du tout la fin des entreprises de justice."