France repentance : A propos de la rafle du Vel’d’hiv. Par Gilles LEMAIRE, Colonel (CR)
Par Gilles LEMAIRE, Colonel (CR)
Source : asafrance.fr
Le Président de la République vient, au cours de la cérémonie commémorant cet événement tragique, de rendre la France responsable de l'affaire du Vel' d'hiv. Cette rafle de nos compatriotes de confession israélite est une affaire horrible. Elle mérite recueillement et c'est chose faite. Le nouveau chef des armées aurait pourtant, en la circonstance, dû d'abord rappeler que cette affaire n'aurait pu avoir eu lieu sans la défaite de 1940.
Ce ramassage odieux a en effet été organisé par la police parisienne placée sous l'autorité du pouvoir du maréchal Pétain parvenu à la tête de l'Etat suite au collapsus de l'armée française en quelques six semaines devant une armée allemande inexistante un lustre auparavant.
Ce même maréchal, figure effondrée du vainqueur de Verdun, promu par une chambre des députés aussi irresponsable que clairsemée, avait demandé à l'armée française de cesser le combat avant même que ne soit signé l'armistice, conduisant ainsi à la captivité sur ordre plusieurs centaines de milliers de nos soldats.
On peut s'indigner et exciper de la responsabilité de l'État fantoche surgi dans ces conditions pour assumer la conduite des affaires. Il est vrai que la police française a alors été peu glorieuse, comme beaucoup de représentants de l'administration du pays, par ailleurs. Mais cette administration était celle d'un pays occupé par un pouvoir aussi brutal que pervers.
Jacques Chirac a eu tort de se démarquer de la position du Général de Gaulle : Vichy, État généré sous la contrainte, n'était aucunement la France. Le comportement de cet État, de cette parenthèse funeste dans l'histoire de notre pays, ne reflète en rien ce qui fait l'âme de la France.
Les Français ne peuvent être tenus pour collectivement responsables de cette affaire, ce qui n'enlève rien de certaines responsabilités individuelles. La réflexion doit plutôt porter sur ce qui a rendu possible pareille affaire. Cette réflexion conduit à une conclusion qui est sans appel : c'est la défaite de 1940, dont le pays doit effectivement se sentir responsable, qui a conduit à cette humiliation et à ce drame qui en est un parmi tous ceux subis durant l'occupation du pays.
Nous n'aurions jamais dû être vaincus en 1940. Le général de Gaulle qui nia toute légalité au régime de Vichy voulait aussi consoler et réanimer son "cher vieux pays".
Dès son premier discours, celui du 18 juin précédant le funeste armistice, il laissa croire que nous avions été vaincus parce que l'armée Allemande avait des chars et une technologie que nous ne maîtrisions pas. Ceci était faux, c'était là les éléments d'un discours visant, au travers d'une excuse de circonstance, à redonner espoir, à excuser ce qui pouvait paraître inexcusable à toute une génération ayant assumé le miracle de la Marne, celui de Verdun, la crise des mutineries de 1917, pour parvenir par le sang et un sacrifice inouï à la victoire.
Toutes les études actuelles tendent à démontrer que le gouvernement de 1939 et ceux qui l'ont précédé, démocratiquement élus, ont voulu temporiser, différer l'affrontement qui était inévitable.
La surprise est la cause de la défaite. Nous nous sommes laissé surprendre en refusant par une «drôle de guerre » le déclenchement réel des hostilités. Nous avons laissé venir cette surprise, facteur bien plus efficace à la guerre que toute supériorité technologique ou même numérique.
Nous avons eu peur de rééditer les horreurs du conflit précédent dont nous étions, il est vrai, sortis exsangues.
Nous avons eu peur de ce que nous savions être le totalitarisme et le cortège funèbre qu'il annonçait. Nous avons attendu d'être vaincus. Il fallait vaincre en 1940, détruire le nazisme quand il était encore temps pour éviter le Vel'd'hiv et toutes les sinistres turpitudes de la deuxième guerre mondiale. De cela, la France est collectivement responsable devant toutes les nations.
C'est pourquoi le Président de la République, notamment lorsqu'il fixe ses priorités et se soucie de ses promesses de circonstance un peu hâtives, devrait se rappeler de ce moment sinistre où la France était au plus bas, où son État était asservi.
Le premier de ses soucis ne doit pas aller vers la satisfaction plus ou moins aléatoire de la justice sociale ou de quelques intérêts plus ou moins catégoriels. Il doit être que jamais pareille honte ne se reproduise, honte de la défaite, honte de voir ses enfants emmenés dans des trains de la mort, vers l'assassinat de masse. Le premier devoir (régalien) d'un chef de l'État n'est pas de s'engager sur des considérations discutables à propos de l'histoire, de répondre aux sollicitations des groupes de pression les plus actifs, c'est de répondre aux exigences de la défense du pays.
La France est une entité qui dépasse l'Etat qui le gouverne. L'Etat est une construction qui résulte des circonstances, pour le cas ces circonstances découlent d'une élection à caractère démocratique, mais ce ne sont pas ces circonstances, conjonction incertaine d'humeurs ne répondant pas toujours à la raison, qui doivent s'imposer face aux exigences liées à l'existence du pays.
Gilles LEMAIRE
Officier général (2S)