Extraits du livre "La France a-t-elle participé au génocide rwandais?"
Extrait de « La France a-t-elle participé au génocide rwandais ? », p 143 à 146
« La stratégie du contre-feu
Le paroxysme des accusations contre la France fut atteint en 2006. Les événements de cette année là ont fini de convaincre Paul Kagame que tant que l’affaire de l’attentat du 6 avril 1994, dans lequel trois ressortissants français ont été tués, resterait pendante devant la justice française, son régime traînerait longtemps encore une épée de Damoclès au dessus de sa tête.
Le rapport du juge anti-terroriste français de l’époque, Jean-Louis Bruguière déjà cité plus haut, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la discorde franco-rwandaise.
Kagame comprit alors que pour asseoir durablement sa légitimité politique, il fallait allumer un contre-feu permanent en entretenant les pires accusations contre la France. La technique du miroir a fait le reste. Il suffisait d’y ajouter un zeste de militantisme anticolonial, un brin de rhétorique africaniste et une fierté à fleur de peau pour crédibiliser la thèse de Kagame. Sans oublier bien sûr d’arroser les réseaux amis à travers le monde et en France en particulier. Sans oublier surtout de neutraliser tous ceux qui soutiennent la thèse de la responsabilité de Kagame dans l’attentat terroriste qui a déclenché le génocide.
Dans la stratégie de Paul Kagame, le FPR qui a pris le pouvoir par la force, doit le conserver par la force. Le plus longtemps possible. D’où la nécessité de faire passer certaines fausses évidences favorables pour expliquer que leur combat était légitime, qu’ils étaient les victimes, que leurs adversaires et tous ceux qui ont soutenu ces derniers appartiennent au camp du Mal. Avant l’aboutissement de ce processus de légitimation, le FPR craindra de voir dévoilés tous ses secrets et déterrés les cadavres que ce mouvement a laissés sur son passage et qui ont permis sa victoire militaire. Pour y arriver, le régime rwandais s’attache à construire des stratégies de communication d’une incroyable efficacité.
Technique des raccourcis faciles qui font mal à l’adversaire supposé ; neutralisation de l’adversaire direct : par la terreur dans le pays ; en utilisant la terreur des tribunaux Gacaca, entretenir l’idée que tout Hutu est un génocidaire présumé, à court, moyen ou long terme ; pourchasser les opposants de la diaspora pour les empêcher de dire la vérité sur les crimes du régime ; terrorisme intellectuel pour empêcher les écrivains, les journalistes et les humanitaires de s’exprimer, de peur de voir démolis les mythes qui continuent de faire la gloire du FPR ; culpabiliser les acteurs de la communauté internationale, telle la France qui connaît le mieux la vérité sur les événements du Rwanda ; intoxication de l’opinion en choisissant les personnes qu’il faut dans les différents pays : en général les personnalités du monde médiatique, les leaders d’opinion, les associations humanitaires, les chercheurs, les historiens, les intellectuels, les personnalités politiques ; ne rien céder, même à ses alliés, comme on l’a vu dans le cas de Bernard Kouchner et d’Alison Des Forges ; jouer la carte de la réconciliation tout en portant des coups bas : arrestation ou assassinat d’opposants politiques qui osent se lancer dans la compétition démocratique ; l’intransigeance : ne jamais rien céder qui puisse remettre en question les certitudes ancrées dans l’opinion, sur les Bons et les Méchants. Dans le cas de l’opération Turquoise par exemple, le régime rwandais utilise une logique simple : la présence des militaires français a permis aux Hutu, pris globalement, de fuir l’avancée du FPR. Parmi ces réfugiés, il y avait des criminels ; la France a donc aidé des criminels à se soustraire à la justice. Turquoise est donc génocidaire. François Mitterrand, Edouard Balladur, Alain Juppé, Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy, Hubert Védrine, et bien d’autres, sont des génocidaires. Clair comme le jour !
Les accusations portées contre la France partent du présupposé que le FPR représente le BIEN, et que ses adversaires passés et actuels sont le MAL absolu. La France ayant eu de bonnes relations avec l’ancien régime hutu accusé de génocide et symbolisant ainsi le MAL absolu, ne peut qu’être condamnable a posteriori. C’est un raccourci facile mais terriblement efficace qui a réussi à embobiner des personnes parmi les plus averties : intellectuels, professeurs d’université, experts, écrivains, et philosophes, ministres, parlementaires. L’ancienne procureure du TPIR, Madame Carla Del Ponte s’est brûlé les ailes, après qu’elle se soit intéressée de trop près aux dossiers criminels du FPR. Tout ce qui remet en cause les thèses du FPR relèverait ainsi du négationnisme et du révisionnisme.
Dans sa communication, le FPR procède par la technique de l’entonnoir. La première étape commence par la sensibilisation générale aux mérites du régime actuel dans l’arrêt du génocide, aux conséquences et à la désignation des responsables du génocide. Une fois que le tableau est exposé, que les Bons et les Mauvais sont désignés, la personne (ou le groupe) ciblée par cette propagande est enfermée dans une sorte de bulle de la pensée unique d’où elle ne peut plus s’extraire sans risquer de se voir traiter de révisionniste ou de négationniste. La personne cible entre ainsi dans le moule du FPR, adopte puis intègre la relecture de l’histoire écrite par le régime, et devient une proie facile prête à accepter sans broncher les mythes et les mensonges forgés par Paul Kagame pour s’assurer une impunité universelle et se maintenir indéfiniment au pouvoir. Pour arriver à ses fins, le général-président n’hésite pas à recourir au chantage diplomatique et politique. »
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