De la planification du génocide des Rwandais tutsis
Par Serge Dupuis, chercheur spécialisé dans l'Afrique des Grands Lacs
Afin de rendre compte du génocide qui coûta la vie à quelque 500 000 à 800 000 Rwandais tutsis entre les mois d’avril et juillet 1994, le régime du président Paul Kagame, en place à Kigali depuis ce moment-là, ainsi que ses soutiens et relais dans le monde et en France ont produit un récit qui prétend fournir la clé d’explication universelle de cette tragédie. Selon ce récit, qui s’est largement imposé auprès de la communauté internationale et constitue de ce fait la version officielle des événements concernés, le projet de génocide des Rwandais tutsis aurait été inscrit dans les faits dès la fin des années 1950 et le début des années 1960. L’événement fondateur en aurait été la « Révolution sociale » de 1959. Dirigée contre la monarchie tutsie, celle-ci fut de fait marquée par les premiers pogroms visant la population tutsie et le départ en exil de milliers de ses membres. Surtout, elle prépara l’accession au pouvoir un an plus tard de ses initiateurs, les élites hutues, et de l’idéologie qui les animait. Une idéologie ethnonationaliste, qui définissait la minorité tutsie comme descendante d’envahisseurs venus d’Afrique orientale pour asservir le peuple hutu et, d’autre part, la majorité hutue comme « une race pure », seule occupante légitime du Rwanda, destinée à en assurer le gouvernement.