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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

Par Philibert Muzima

17 mars 2014, fête de Saint Patrick: En science-fiction, téléporter se définit par « transporter à très grande distance et très grande vitesse une personne ». De Johannesburg à Ottawa en passant-on s’en doute fort- par Kigali, l’« Affaire Karegeya » se téléporte donc ce côté-ci de l’Atlantique.

Cette fois-ci, ce n’est pas dans une chambre hôtel, mais dans une paroisse que ça se passe! Comme l’a si bien dit Mark Twain, ici comme en Afrique du Sud, « la réalité dépasse la fiction! » Le 1 janvier 2014, on apprenait l’assassinat par strangulation de Patrick Karegeya dans un hôtel de Johannesburg en Afrique du Sud. Comme beaucoup de familles rwandaises, la victime a des amis et des membres de famille au Canada qui pleurent son décès inopiné.

En février 2014 à Ottawa, une messe de requiem est organisée. Elle aura lieu dans l’église de la Paroisse St. Joseph d’Orléans le samedi 15 mars 2014 à partir de 11h00. Le prêtre officiant sera l’Abbé Apollinaire Ntamabyariro, assistant-curé. Il est d’origine rwandaise. La chorale Regina cæli de Gatineau accepte bien de chanter l’oraison funèbre.Tout semble aller comme sur les roulettes. Puis, coup de théâtre! La messe n’aura pas lieu. La machine à rumeurs se met en branle.

Tout et son contraire sera entendu :

- Monseigneur Terrence Prendergast, Archevêque d’Ottawa a reçu une visite de Rwandais qui lui ont demandé d’interdire la messe.

- L’Abbé Apollinaire Ntamabyariro a été intimidé par Kigali via son Ambassade d’Ottawa pour renoncer à lire la messe.

- Une réunion du FPR à Ottawa a dépêché un émissaire auprès du Père Ntamabyariro pour le dissuader, avec de menaces à peine voilées, de lire la messe.

- J’en passe d’autres!

Jeudi le 13 mars, je téléphone au bureau de Mgr Prendergast. Je parle avec son assistante administrative, Madame Joanne Mineault et demande à parler au prélat qui m’aiderait à démêler le vrai du faux. Je laisse un message détaillé. Plus tart le soir, je reçois un appel de Monseigneur Daniel Berniquez, Vicaire épiscopal. Il me dit qu’en aucune raison, l’Évêché ne pourrait interdire une messe. Il précise que l’Abbé Apollinaire a demandé conseil de ce qu’il peut faire puisqu’il ne se sentait pas à l’aise de diriger l’oraison et qu’en ce cas, il a le soutien du diocèse.

Monseigneur Berniquez précise par ailleurs que l’évêque d’Ottawa n’a reçu aucune visite dans ce sens, que la décision de célébrer la messe et d’y renoncer par la suite est de l’initiative propre du père Ntamabyariro.Ainsi tombe la rumeur voulant que des émissaires du FPR aient effectué une visite à l’évêché d’Ottawa!Est-ce que l’abbé Ntamabyariro a subi une pression pour qu’il renonce à son devoir de prêtre dans ce cas précis? Et par qui? Seul le concerné pouvant résoudre l’énigme, je fais un coup de fils à Orléans. Impossible de parler au Père Ntamabyariro. Il n’est pas joignable, et ce deux jours consécutifs. Impossible donc d’avoir sa version des faits.

De guerre lasse, je me tourne vers l’un des organisateurs de l’activité. Il me confirme que l’Abbé Ntamabyariro a d’abord accepté de célébrer la messe, la dîme payée, puis remboursée parce que la paroisse ne voulait pas livrer la marchandise. Mon interlocuteur se désole de ce qu’on perde un membre de famille mais qu’on n’ait pas le droit de lui rendre le dernier hommage par un rituel religieux.

Le boycottage d’un requiem pousse le cynisme au-delà du sadisme pour atteindre les proportions de l’iniquité. Ceci donne à penser, d’après un analyste ayant requis l’anonymat, si le Canada après l’Afrique du Sud, ne risque pas de devenir un nouveau battlefield rwando-rwandais. Il s’interroge : « Faudra-t-il que la police fédérale s’en mêle avant que l’on ne compte nos morts? » Et de conclure, « Mieux vaut prévenir que guérir, il faut agir avant que la situation ne dégénère pour prendre des proportions incontrôlables. Il ne doit pas arriver le temps où, au Canada, on doit demander au Rwanda l’autorisation de pleurer son mort et le privilège d’organiser une oraison funèbre en sa mémoire. »

Un autre interlocuteur m’a fait une toute autre lecture de l’événement : « L’intimidation d’un prêtre pour l’empêcher d’officier la messe constitue une violation flagrante sur laquelle le Service Canadien de Renseignement de Sécurité (SCRS)- l’équivalent canadien de la CIA américain- doit garder un œil ouvert, d’autant plus que tout porte à croire que les instigateurs agissent pour le compte d’un gouvernement étranger pour terroriser les citoyens canadiens sur le sol canadien. »

À malin, malin et demi

Dans ce jeu du chat et de la souris, les organisateurs du requiem pour Patrick Karegeya n’ont pas baissé les bras pour laisser le dernier mot à leurs adversaires. Au moment où les irlandais fêtaient la Saint Patrick, amis et familles de Patrick Karegeya n’ont pas eu à monter sur des chars allégoriques pour célébrer la vie de l’homme.

Ils se sont plutôt repliés sur l’île de Montréal pour enfin jouir de leurs droits de réunion et d’association qui leur avaient été reniés à Orléans. « Vous me chassez du Rwanda? Eh bien j’irai à Kiramuruzi, Inch’Allah », ainsi dirait un swahili ou, mieux encore, un vrai SOPE se signerait : «N’i Nyagasambu rirarema. »


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F
<br /> RIP Karegeya !<br /> <br /> <br /> Et paix sur nous tous, vienne sur nous la lumière du jour où nous saurons finir ces guerres et guéguerres de morts.<br /> <br /> <br /> Puissions-nous nous convertir à la foi de la vérité et nous investir dans l'oeuvre des réconciliations véritables, de chacun l'esprit avec sa conscience et dans l'ensemble l'humain en nous avec<br /> son voisin. Seigneur écoutes nous, Sgr exauces nous ! <br />