Clearstream : Dominique de Villepin ouvre les hostilités
22/09/09
Au premier jour du procès, les avocats de l'ex-Premier ministre et du président de la République se sont affrontés sur la légalité de la constitution de partie civile de Nicolas Sarkozy.
La file de badauds s'étend jusqu'à la Seine, les camions de retransmission télévisée cernent le Palais de justice et, à l'intérieur, le ballet des avocats a commencé devant les caméras : c'est la foule des grands jours pour une affaire hors normes. Le procès Clearstream a débuté hier. Durant un mois, le tribunal correctionnel va devoir démêler cet incroyable imbroglio judiciaire, où Dominique de Villepin est soupçonné d'avoir participé à une machination visant, selon l'accusation, à déstabiliser Nicolas Sarkozy, en lui attribuant ainsi qu'à d'autres personnalités des comptes occultes au sein de la chambre de compensation luxembourgeoise.
Au premier jour d'audience, chacun se jauge, s'analyse. Ils savent que les débats vont être durs, violents. Et cela ne traîne pas. Dominique de Villepin, principal prévenu dans l'affaire, n'a pas encore pénétré à l'intérieur de la salle d'audience, qu'assailli par les journalistes dans l'immense hall des pas perdus du palais de justice de Paris, applaudi par les badauds, il s'arrête et solennel, presque théâtral, le visage grave, il déclare : , lance-t-il, mâchoires serrées. Puis il pénètre dans la salle d'audience suivi de sa femme, de ses deux filles et de son fils. Le combat peut commencer« enfin », dit Henri Leclerc, l'avocat de l'ancien Premier ministre. Cet avocat hors norme n'a pas été choisi par hasard. C'est une figure du barreau, ancien président de la Ligue des droits de l'homme.
« Après tout ce tintamarre, toutes ces rumeurs, Dominique de Villepin demande à être jugé, et je défends un homme comme je l'ai fait souvent », dit-il au président du tribunal, Dominique Pauthe. Mais il veut « une procédure équitable », estimant que la présence de Nicolas Sarkozy dans ce procès est contraire à« l'égalité des armes ».
Citant un jugement du tribunal de Nanterre, fin juillet, qui avait refusé de se prononcer sur des dommages et intérêts demandés par Nicolas Sarkozy jusqu'à la fin de son mandat, il demande qu'« un tribunal dise effectivement que la partie civile, qui ne peut en aucun cas être poursuivie, ne peut de la même façon descendre dans l'arène au nom des principes » et engager « un combat particulier tout en se parant de sa qualité » de président de la République.
« C'est un peu fort quand même ! », lui répond, furieux, l'avocat de Nicolas Sarkozy.« Jamais rien ni personne, et sûrement pas Nicolas Sarkozy, n'a empêché Dominique de Villepin de contester la constitution de partie civile », de son client. Le chef de l'Etat est« une partie civile comme les autres et M. de Villepin un prévenu comme les autres ». Certes, concède-t-il, en matière de poursuites judiciaires,« il a peut-être été un peu au-delà de ses prédécesseurs », mais il l'a fait au grand jour« sans cagoule et sans intermédiaire ». Pour Thierry Herzog,« la justice fonctionne et il ne suffit pas de s'appeler Nicolas Sarkozy pour gagner ».
Des arguments qui ont convaincu le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, qui avait suscité une polémique en se disant convaincu de la culpabilité de Dominique de Villepin. Selon lui,« si Nicolas Sarkozy ne peut être l'objet d'une action en justice, rien n'interdit qu'il soit acteur d'une procédure de justice ». Le tribunal a renvoyé la question au fond… c'est-à-dire à la fin des débats. Les hostilités sont ouvertes.