France-Afrique: Paris prépare la « défense collective africaine »
(Le Phare 17/06/2009)
(Tshieke Bukasa (envoyé spécial à Paris))
Six journalistes de l’Afrique Centrale (RDC, Burundi et Ouganda) ont séjourné du 6 au 14 juin 2009 en France, où ils ont été édifiés sur de nombreux sujets d’actualité, dont la redéfinition des Relations France-Afrique, les processus de paix et de sécurité en Afrique (en particulier dans la région des Grands Lacs), le rôle des médias dans la consolidation de la paix, le fonctionnement de l’Union Européenne, etc. Ces professionnels des médias ont échangé autour des relations entre la France et l’Afrique, et particulièrement de la nouvelle impulsion leur imprimée par le président français, Nicolas Sarkozy. Au cours de leur discussion avec Louise Avon, ambassadrice chargée d’une mission de réflexion sur la rénovation des sommets France-Afrique, cette personnalité a indiqué qu’elle vient de déposer son rapport sur la table du président il y a à peine un mois.
Rappelant que l’annonce de ces réformes a été faite par le président Sarkozy lors d’une visite au Cap ( Afrique du Sud), elle a précisé que cette option concerne essentiellement la renégociation des accords bilatéraux de défense avec certains pays et les sommets Afrique-France qui se tiennent régulièrement depuis 1973. « Le président Nicolas Sarkozy et le ministre des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner, veulent donner une impulsion plus moderne et plus concrète aux futurs sommets France-Afrique. Le monde, l’Afrique, la France… ont beaucoup changé », a-t-elle expliqué. La phase de consultation des officiels et autres acteurs africains terminée, la mission de Louise Avon a conclu que les sommets sont appréciés mais critiqués pour le manque d’engagement concret dans les déclarations finales. Un besoin de transparence et de communication a été soulevé afin que ces rencontres ne soient pas deconnectées de l’ensemble des relations avec l’Afrique. « Même les critiques souhaitent que ça continue mais il faut les rendre plus cohérents avec l’ensemble de la politique de la France ». En clair, entre autres innovations, l’on propose l’intégration des acteurs économiques, l’activation d’une attitude d’accompagnement, l’engagement à accompagner les entreprises locales, etc. « Bref, le monde, l’Afrique, la France… ayant beaucoup changé, le président français et ses homologues africains ont tous exprimé le souhait effectif de voir cette formule devenir plus concrète et ouverte sur les défis du monde d’aujourd’hui que nous sommes amenés à affronter ensemble».
Besoin de renégocier les accords de défense
Au chapitre sécuritaire, le « Livre blanc » du ministère français des Affaires Etrangères et Européennes prévoit une capacité de prévention et d’action sur les façades occidentale et orientale du continent ainsi que dans la bande sahélienne, notamment pour lutter contre les trafics ou les actes de terrorisme. Dans ce cadre, Paris est en train de renégocier les accords de défense qu’elle a avec huit pays africains – Cameroun, République Centrafricaine, Comores, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Sénégal et Togo. Au Tchad, il n’y a pas d’accord de défense en tant que tel, mais le dispositif Epervier, datant de 1986, prévoit que les forces françaises assurent des missions conformes à l’accord de coopération bilatérale signé entre la France et le Tchad. On précise que les nouveaux accords à négocier avec les partenaires africains seront présentés en « toute transparence » au parlement français, car visant à appuyer la défense collective africaine. Concernant les bases militaires françaises en Afrique, si le Livre blanc en préconise deux, on estime à Paris qu’on n’est pas loin du compte puisqu’il y en a trois : Dakar, Djibouti et Libreville, la Réunion servant à l’Afrique australe et la France à l’Afrique du Nord. Ainsi, pour le moment, ce dispositif sert de point d’appui aux brigades prévues par l’Union Africaine à l’horizon 2010. La France a aussi européanisé son dispositif Recamp de formation au maintien de la paix, et réussi à coopter des partenaires plus lointains comme le Canada ou le Japon. Le président français avait annoncé cette transformation du dispositif français dès sa campagne présidentielle mais l’a fait de façon formelle lors d’une visite officielle en Afrique du Sud, précisant que Paris avait l’intention de « renégocier tous les accords militaires en Afrique ». « Il ne s’agit pas d’un désengagement de la France en Afrique. Je souhaite au contraire que la France s’engage davantage aux côtés de l’Union Africaine pour construire le système de sécurité collective dont l’Afrique a besoin car la sécurité de l’Afrique, c’est d’abord naturellement l’affaire des Africains », avait-il déclaré.