La France réorganise sa présence à l’étranger
Le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, a annoncé hier une vaste réforme de son ministère, avec la création, notamment, d’une « direction générale de la mondialisation ».
Pourquoi cette réorganisation survient-elle?
Nicolas Sarkozy avait demandé à Bernard Kouchner, dès sa nomination en mai 2007, de réaliser une réforme du ministère des affaires étrangères. Celle-ci s’inscrit dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui vise à rationaliser le fonctionnement de l’État. Au sein du ministère, 700 postes équivalent temps plein devront ainsi être supprimés sur trois ans, sur un total de 16 720, par le non-renouvellement de départs en retraite.
En outre, Nicolas Sarkozy a voulu réorganiser l’action extérieure de l’État alors qu’un certain malaise régnait depuis plusieurs années au Quai d’Orsay. Les diplomates s’interrogeaient sur l’évolution de leur métier. Le ministère constatait le développement des activités internationales d’autres acteurs étatiques, ainsi que de celles des collectivités locales et territoriales, tandis que l’approfondissement de la construction européenne créait un puissant pôle d’activités complémentaire et concurrent à Bruxelles. Quant à l’État, il ressentait la nécessité de s’adapter à l’évolution de l’Union européenne et à la mondialisation.
Quels sont les principaux changements en cours ?
La France a fait le choix de maintenir un réseau diplomatique universel et de garder approximativement le même nombre d’ambassades et de consulats à travers le monde. « On ne peut vouloir être fort dans la mondialisation et rétracter notre dispositif », explique un diplomate. Mais un travail approfondi a été mené pour moduler cette présence en fonction des enjeux locaux : politiques, culturels, militaires, économiques, consulaires… Tous les ambassadeurs ont eu à répondre à un questionnaire reposant, en substance, sur une question : à quoi servez-vous ? Dorénavant, la plupart des postes se concentreront sur des missions mieux cernées et limitées.
À Paris, de nouvelles Directions ont été créées au ministère. La fonction de prospective va être renforcée, avec un pôle qui s’intéressera notamment aux religions. Une Direction générale de la mondialisation, du développement et du partenariat sera chargée du pilotage à long terme et de la coordination interministérielle dans des domaines comme la santé, la démographie, l’environnement ou l’accès aux ressources naturelles. Le Quai d’Orsay entend ainsi devenir le lieu où s’élaborent et se coordonnent tous les moyens de l’action extérieure de l’État.
Géographiquement, les services parisiens du ministère ont été rassemblés sur trois sites – Quai d’Orsay, rue de la Convention et à La Courneuve – alors qu’ils étaient éclatés sur une dizaine. Bernard Kouchner entend par ailleurs renouveler le profil des diplomates dans le sens d’une féminisation, d’un rajeunissement et d’un meilleur reflet de la diversité de la population française.
L’influence de la France en sortira-t-elle renforcée?
Depuis plusieurs années, la France perd du terrain en termes d’influence dans le monde. Des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et la Chine développent leurs réseaux, notamment par le biais des centres culturels. La France, qui avait dès les années 1950 joué la carte de la coopération culturelle, de la promotion de la langue française, de l’accueil des élites étrangères, s’était depuis empêtrée dans des structures mal coordonnées. La situation était aggravée par une baisse des crédits.
Pour mieux peser dans le débat d’idées, l’échange des cultures et la formation des esprits, Bernard Kouchner a annoncé hier la création d’une agence dédiée à l’action culturelle extérieure et dont les contours seront présentés d’ici à juillet, à l’occasion d’états généraux. Il a aussi décidé de créer un établissement public, l’Institut français, qui suivra au sein de chaque ambassade tous les domaines de coopération culturelle, linguistique, audiovisuelle et de recherche…
JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN