Nouveau plan Sarkozy pour la RDC
Document Le Potentiel
Propositions françaises sur le retour de la paix et de la stabilité dans la région des Grands Lacs
1) Les violences perpétrées ces derniers mois à l’Est de la RDC apparaissent comme le quatrième épisode, en 10 ans, d’un « même conflit » dont les causes sont profondes : économiques (les richesses congolaises attirent toutes les convoitises tout en nourrissant la guerre), politiques, foncières, etc.
A l’exception du soutien à la transition démocratique, la communauté internationale n’a jamais réussi à apporter les réponses adéquates à ces enjeux de fond. Son approche fut largement segmentée (absence de vision globale), inconstante (relatif désengagement en dehors des périodes de crise médiatisées), voire superficielle. Il convient de revoir la stratégie comme les méthodes.
2) L’approche française repose sur quatre principes :
- Les frontières de la RDC sont intangibles et sa souveraineté inviolable. La France n’a jamais cessé de défendre, à titre national comme dans les enceintes multilatérales, l’intégrité territoriale de la RDC.
- Une paix durable ne peut reposer que sur des choix politiques concertés, dans le respect des souverainetés nationales. Les options militaires ne régleront jamais les causes profondes du conflit.
- Un règlement de la crise suppose une démarche globale et cohérente. Les propositions doivent être réalistes et concrètes.
- La méthode est un enjeu majeur. La concertation, le dialogue, le pragmatisme, l’expérimentation et l’appropriation par les Congolais eux-mêmes et les pays de la région sont des éléments fondamentaux.
3) Dans ce cadre, le schéma proposé comporterait deux grands axes :
a) Premier axe : Appuyer un mécanisme efficace de règlement des conflits fonciers et inter-communautaires au Nord-Kivu.
Les actes de Goma ont permis aux différents acteurs congolais d’évoquer leurs différends. Il convient aujourd’hui de les régler concrètement. Les chefs traditionnels, les Eglises et la société civile ont un rôle déterminant à jouer, avec le soutien de la communauté internationale.
b) Deuxième axe : engager les pays de la région dans une logique de coopération économique pacifique.
Dans la région des Grands Lacs, il est nécessaire de : i) casser l’économie de guerre à l’œuvre depuis plus de 10 ans ; ii) créer les conditions nécessaires pour que les acteurs aient davantage intérêt à la paix qu’à la poursuite du conflit.
Le principe de l’intangibilité des frontières n’est en rien incompatible avec une logique de développement commun. Cette démarche de long terme a déjà fait ses preuves en Europe au lendemain de la seconde guerre mondiale (Communauté Economique du Charbon et de l’Acier).
L’objectif est, non pas d’engager une logique – inacceptable – d’un quelconque partage des richesses, mais de favoriser la mise en valeur du potentiel de la RDC et de la région et de développer des projets fédérateurs.
Un cadre régional existe déjà : la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL). Il s’agit non pas de le remettre en cause mais de le revivifier par la mise en place de nouveaux projets de développement concrets : - Une agence inter-étatique d’aménagement régional. Elle serait un lieu de coopération et d’échanges pour favoriser, avec l’appui des bailleurs de fonds, le développement des réseaux d’infrastructures (routes, ponts) essentiels à la croissance des échanges régionaux.
- Une Chambre Régionale de Commerce, d’Industrie, des Mines et d’Agriculture. Elle permettrait d’apporter plus de transparence dans la gestion globale des ressources de la région, d’organiser les filières (par exemple pour les céréales, les oléagineux et le bétail), de mobiliser les capitaux nécessaires à leur mise en valeur et de fédérer les énergies des acteurs publics et privés.
- Une concertation régionale en matière règlementaire : contrôle et lutte contre la fraude, coopération douanière, mécanismes de certification, harmonisation de la fiscalité aux frontières.
- Des projets structurants à vocation régionale : il s’agirait d’investir, dans un cadre concerté, dans les domaines de l’énergie, de l’eau, de la santé, des télécommunications et de la sécurité alimentaire. Le développement du barrage de la Ruzizi ou l’exploitation du gaz du Lac Kivu est déjà au programme de la CEPGL. Mais d’autres projets, plus modestes mais réalisables à plus court terme, pourraient être envisagés, par exemple des micro-barrages (50 à 200 000 dollars) dans la plaine de la Ruzizi.
- Une coopération trans-nationale pour la protection du patrimoine naturel et de la faune (parc des Virunga par exemple).
Cette approche coopérative dans la gestion du développement régional irait de pair avec la réaffirmation du principe de libre-circulation des personnes, inscrite dans les statuts de la CEPGL et déjà à l’œuvre sur le terrain.
4) Cette approche globale ne peut être qu’une œuvre de longue haleine. Elle suppose certains préalables à court terme :
- La réaffirmation de la souveraineté et de la pleine autorité de la RDC sur son territoire et ses richesses. - Une garantie de sécurité pour le Rwanda : c’est la question des FDLR.
- Le retour de la paix : les milices rebelles doivent déposer les armes ; chaque acteur concerné doit contribuer en ce sens.
5) Plus important encore, le rétablissement de la confiance dans la région, à tous les niveaux, est un enjeu essentiel : condition d’une coopération réussie, elle est aussi un objectif-clef de la démarche proposée. Conclusions :
- La RDC est et restera le pays-pivot de la région. La paix et la stabilité dans les Grands Lacs supposent : a) la consolidation des structures étatiques congolaises et son développement économique, b) une dynamique de coopération régionale.
- L’approche française n’a pas vocation à être imposée de l’extérieur. Il appartient aux pays et aux populations de la région de se l’approprier, d’en débattre, de l’enrichir.
- La démarche se veut progressive – les progrès se feront nécessairement par étapes – et pragmatique : les projets de développement ou les logiques de concertation doivent concerner les pays qui le souhaitent et qui y trouvent un intérêt pratique : la RDC, le Rwanda, mais aussi le Burundi, l’Ouganda, la Tanzanie, etc.
- Il convient de faire émerger un consensus général : les pays de la région (gouvernements, parlements, élus locaux, société civile, populations locales), la communauté africaine et internationale, les donateurs, l’Onu, le PNUD, les institutions financières internationales doivent travailler ensemble et dans une même direction.
Kinshasa, 20/02/2009 (Le Potentiel, via mediacongo.net)