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Publié par JMV Ndagijimana

Février 2008
Mémorandum adressé au Conseil de Sécurité des Nations Unies par le Partenariat Intwali 

Plaidoyer pour une enquête globale, objective et impartiale sur le génocide rwandais et ses conséquences.

7.  Les négociations de paix ou le temps des pompiers-pyromanes

 

Du 1er octobre 1990 au 06 avril 1994, toutes proportions gardées, une série d’imprévus ont fait muer la guerre éclair en une sorte de bourbier «irakien» ou «vietnamien». Le pire de tous ces imprévus fut le désistement de Julius Nyerere qui revint sur son accord préalable d’autoriser l’assassinat de son homologue rwandais sur le sol tanzanien. Nyerere était prêt à tout sauf à faire assassiner Habyarimana sur le sol de son pays. Il avança, pour justifier sa rebuffade, le prétexte de l’immunité diplomatique. Par la suite, plusieurs propositions d’assassiner Nyerere avant Habyarimana furent rejetées en bloc par les parrains américain et britannique, plaidant pour la concentration de tous les efforts sur la cible initiale, à savoir le Président Juvénal Habyarimana [Preuve n°060].

 

L’autre imprévu non moins important fut l’ouverture au multipartisme au Rwanda. Non seulement Museveni et Kagame n’avaient pas initialement prévu de négocier la paix, mais ils n’avaient pas non plus sur leur agenda l’option pour une solution politique négociée. Ils n’avaient donc pas prévu les techniques de négociations de paix. Pire encore, ils seront très surpris de se retrouver autour d’une table de «négociations de paix» avec des négociateurs issus d’un gouvernement dirigé par l'opposition, en lieu et place de Habyarimana. Petit à petit, les cartes de simulacres de négociations de paix finissaient par s’épuiser. A peine enclenchée, l'offensive provisoire d'octobre 1990 s'était soldée par un échec lamentable. Mais un ultime effort devait conduire à l'assassinat du chef de l'Etat rwandais alors vu par Museveni comme le seul obstacle à sa guerre définitive. Cet assassinat allait mettre un terme non seulement au simulacre des accords de paix mais aussi à provoquer l'effondrement de l’ordre public en paralysant complètement une opposition démocratique intérieure aveuglée par l’évidence apparente d’un accord de paix qui n'en était pas un. L’option apparente pour une solution politique négociée n'était en réalité que la partie émergée d’une réalité beaucoup plus complexe.

 

 

7.1    Les parrains anglo-saxons volent au secours de leurs pions

 

Afin de calmer les esprits qui commençaient à s'échauffer, une importante réunion s'est tenue à Westminster le 20 décembre 1993 avec une participation anglo-saxonne aussi conséquente que déterminante. Selon les résolutions prises à l'issue de cette réunion, les gouvernements britannique et américain ont concocté un plan pour le FPR afin de lui permettre de monter d’un cran dans ses simulacres de négociations de paix avec ses adversaires. Cette armada de « voies et moyens » lui permettait de gagner du temps tout en simulant à merveille la volonté de participer à un gouvernement de transition à base élargie. 

 

Selon des documents ultra secrets émanant des services ougandais, les accords d’Arusha furent conclus dans la seule et unique intention de sortir du simulacre de négociations de paix avec le gouvernement de transition pour concentrer les négociations entre Habyarimana et le FPR derrière lequel se dissimulaient les Etats-Unis et le royaume-Uni. Ce simulacre d'accords d’Arusha élaboré aux Etats-Unis avant le 04 août 1993 voulait garantir au FPR la possibilité d’installer un contingent de ses forces dans la capitale rwandaise. En décembre 1993 un contingent formé de 600 rebelles du FPR a reçu l'autorisation d’entrer à Kigali. Avec la complicité d’Anastase Gasana[1] qui a négocié l’accord pourtant rejeté par Boniface Ngulinzira[2], le FPR put donc franchir le rubicon. La réunion du 20 décembre 1993 de Westminster au Royaume-Uni a pris des résolutions dites «resolutions of Westminster, UK» qu'on pourrait résumer en quelques points ci-après : «Le gouvernement britannique a accepté de déployer son “manpower planning unit” d’Angola au Rwanda sur demande des Etats-Unis. Les Etats-Unis ont blâmé le FPR pour ses massacres en masse du 08 février 1993 dans le Nord du Rwanda, massacres ayant fait 40.000 victimes. Les plans élaborés par le gouvernement britannique en vue d'assassiner deux ministres rwandais (dont les noms ne sont pas précisés) furent rejetés par l’Ouganda, les Etats-Unis et la Tanzanie, plaidant pour la concentration de tous les efforts sur l’assassinat de Habyarimana» [Preuve n°061].

 

On a souvent reproché au Président Habyarimana d'avoir assimilé les accords de paix d'Arusha à de simples chiffons de papier. Mais pourquoi passe-t-on délibérément sous silence le geste mémorable de Paul Kagame qui, s’adressant à ses troupes après la signature de ces accords, avait affirmé que la kalachnikov serait le seul vrai référendum. Afin de parer à toute éventualité, le FPR/APR et ses alliés iront jusqu’à sacrifier des casques bleus présents au Rwanda. Tous ces sacrifices étaient planifiés avec l’entente et la complicité de la MINUAR, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Belgique. Il s’agissait d’un stratagème pour enclencher le retrait immédiat de la MINUAR et ainsi justifier la guerre totale et finale jusque-là toujours latente. Il faut se rappeler que la réunion du 20 décembre 1993 avait décidé que l'assassinat de Habyarimana surviendrait au plus tard fin janvier 1994 [Preuve N°062]. Mais les participants à la réunion de Westminster auront visiblement estimé que l’assassinat de Juvénal Habyarimana était insuffisant.

 

 

7.2 Les merveilles du mensonge politique

 

Dans le contexte de blocage consécutif au refus de Julius Nyerere d'autoriser l'assassinat du président rwandais sur le sol tanzanien, le changement de cadre introduit par la réunion de Westminster a considérablement modifié la donne tactique (locale) par une nouvelle redistribution des cartes. Il y avait d’une part un plan d’illusion trompeuse dont la fonction consistait à faire baisser la garde à l'ennemi, et de l’autre, un plan précis bien que discret basé sur une détermination sans faille en faveur de l'option militaire. Car en face d’un adversaire sensible au dialogue et apparemment prêt à négocier tel que se présentait le FPR, pourquoi encore batailler? Ce stratagème d’accords de paix devait allait en tout cas fonctionner. Il aura permis au FPR d’imposer le départ du Rwanda des troupes françaises interposées entre ses forces et celles de l’armée gouvernementale. Faisant valoir l’urgence d’une solution politique négociée par ailleurs favorablement saluée et soutenue par la quasi-totalité des citoyens de l’intérieur en liesse, le FPR et ses alliés ont réussi à persuader Paris de se retirer. Parallèlement, le FPR a eu l’autorisation d’installer ses troupes au cœur de la capitale Kigali, ce qui lui permettait ensuite non seulement de mieux donner la chasse à sa cible prioritaire à savoir le président Juvénal Habyarimana, mais encore de troubler l’eau et d'attraper un plus grand nombre de poissons tout en tirant le plus grand profit du brouillard. En effet, selon Sun Tsu dans son fameux ouvrage « L’art de la guerre »,  lorsque les eaux d’un fleuve se troublent, les repères disparaissent et le souci central devient l’espoir d’un éclaircissement ou d’une occasion soudaine. Plus la vigilance du président rwandais compliquait la tâche des commandos du FPR, plus les éléments de ce dernier multipliaient les actions de sabotage à l’intérieur du pays afin de justifier son obstruction à la formation du GTBE.

 

Cependant, le temps imparti au FPR pour assassiner ce dernier va expirer fin janvier 1994 sans enregistrer le moindre succès sauf l’émergence des craintes de plus en plus généralisées quant à ses réelles intentions et à sa bonne foi dans la signature des accords de paix d’Arusha du 04 août 1993. Le rapport relatif à l'échec d'abattre le président rwandais concluait ainsi : «The boys did not know Kigali itself » (Preuve n° 60). Il faudra recourir à un plan ultime pour sauver le FPR dont les cartes venaient de s’épuiser. Car en effet, ayant compris le jeu du FPR et soutenu par Paris, le Président Habyarimana se préparait à une guerre contre l’Ouganda. Car en effet, protecteur du FPR, l’Ouganda apparaissait de plus en plus comme la source réelle du conflit armé. Sur demande expresse de son parrain François Mitterrand, Habyarimana avait accepté toutes les conditions imposées par le FPR sans aucune réserve. Tout manquement manifeste de celui-ci dans la mise en place du GTBE allait enclencher la reprise de la guerre dans laquelle la France était prête à s’impliquer directement. Il est incontestable que le noyau dur du FPR et le camp des radicaux de la mouvance présidentielle privilégiaient l’option maximaliste au détriment d’une solution politique négociée pourtant saluée par la grande majorité de la population.

 

Le recrutement des «Interahamwe» faisait suite à un recrutement massif du FPR aussitôt après la signature des accords d’Arusha. Dans cette seule période, le mouvement rebelle a recruté 6.700 hommes contre un nombre disproportionné de 5.000[3] hommes composant les FAR. Afin de sauver le FPR des foudres de l’opposition démocratique qui s’est sentie trahie et qui menaçait de se rallier au régime Habyarimana pour l’aider à conclure la guerre en échange d’une plus grande ouverture démocratique, il aura fallu organiser in extremis le simulacre du Sommet régional de Dar es Salaam tenu le 06/04/1994.

 

 

7. 3 Qui veut la paix prépare la guerre!

 

Un document intitulé «Recrutement de renforcement» (REF/560/JL/206) témoigne de cette mauvaise passe traversée par le FPR. Voici la révélation qu'on peut lire dans cette note : «Suite à la résistance continue et inattendue des forces gouvernementales et des miliciens, UPDF doit être sollicité pour un renforcement, surtout pour les militaires en service qui veulent se porter volontaires d'autant que le package de rémunération est stipulé dans une réunion dont (REF/567/RPA/RW). La 4ème division est pressentie pour jouer un rôle important avec beaucoup de réserves qui cherchent à se joindre au combat, ce qui est un signe de fraternité. La 14ème recevra une liste des personnes pressenties, la logistique nécessaire et un rapport sera fait à ce sujet par le Col. James Kazini, Elly Tumwine, et David Tinyefuza. Copie pour information sera adressée à la délégation RPA Arusha, Maison Blanche de Nakasero » [Preuve n°063].

 

 

7.4    Juvénal Habyarimana convié au Sommet de la mort !

 

Face à l'échec de plusieurs tentatives d'assassinat contre le Président Habyarimana à l'intérieur du Rwanda et devant la menace de plus en plus consistante d'une union sacrée entre l'opposition et la mouvance présidentielle, une situation qui aurait isolé le FPR, les alliés de celui-ci ont dû voler à son secours à travers l'organisation d'un sommet «improvisé» en Tanzanie. Ce sommet ne visait rien d’autre que de piéger le Président rwandais en s'assurant de l’heure exacte de son retour au Rwanda et d'abattre son avion avec des missiles à longue portée. Ces missiles avaient été importés de l’ancienne URSS par l’Ouganda d’où ils ont ensuite été frauduleusement entrés à l’intérieur du Rwanda avec la complicité de la MINUAR et la bénédiction des Etats-Unis et du Royaume-Uni.

 

Trois jours avant le Sommet de Dar es Salaam, une réunion de mise au point quant aux derniers préparatifs de l’assassinat du Président Habyarimana a eu lieu au camp militaire de Mwenge, à quelques kilomètres du centre ville de Dar es Salaam. Au même moment, les éléments du FPR et de la MINUAR chargés d’abattre l’avion présidentiel parachevaient leur entraînement au lance-missile dans le Nord de l’Ouganda, à Naguru. Leurs instructeurs étaient bien entendu des Russes car ces missiles étaient de fabrication soviétique [Preuve n°064]. Les Russes connaissaient donc parfaitement les missiles en question dont ils étaient par ailleurs les vendeurs directs à l’Ouganda. D’après l’enquête du juge Jean-Louis Bruguière*, le Parquet Militaire russe  lui a confirmé que les deux missiles, dont les références ont été relevées par Augustin Munyaneza, «faisaient partie d'une commande de 40 missiles SA 16 IGLA livrés à l'Ouganda dans le cadre d'un marché interétatique ».

 

Parmi les conclusions de la dernière réunion du complot ourdi contre le président rwandais, on peut noter la mise au point des stratégies de manipulation de l’opinion internationale au sujet des auteurs de l’attentat terroriste. Outre les mass médias manipulés pour faire converger les responsabilités de l’attentat sur le camp des extrémistes Hutu, le président Nyerere entre autres, fut désigné par la réunion pour mentir à l’opinion publique. Quant à Museveni et Kagame, ils avaient, au préalable et à travers une propagande d’incitation à la haine et à l'extermination des Tutsi, préparé les esprits au déchaînement de la violence que l’attentat n'allait pas manquer de déclencher.

 

 

7.5    La France prise au piège 

 

Le 10 juillet 2007, le président Paul Kagame a déclaré qu'une nouvelle enquête devait être menée sur l’implication éventuelle de hauts responsables français dans le génocide rwandais de 1994. Le général Kagame mettait les autorités françaises au défi d'étudier les documents qui venaient d’être publiés par Gérard Davet et Piotr Smolar dans le quotidien « Le Monde » du 24 décembre 2006. Ces documents déclassifiés et datés du 26 janvier 1993 au 7 décembre 1995 tendent en effet à montrer que les services du Président François Mitterrand avaient eu connaissance des préparatifs du génocide au cours duquel 800.000 personnes ont été tuées en 100 jours. Rappelant qu'une précédente enquête avait totalement blanchi l'action de la France au Rwanda, Paul Kagame n’a pas manqué d’observer : «Et voici maintenant des faits qui disent, -Non, vous n'êtes pas innocents finalement-, ne pensez-vous pas que ces gens (les enquêteurs) devraient se dire, -peut-être qu'il y a quelque chose que nous ignorions- ? ».

 

La France est ainsi placée continuellement en position de bouc émissaire idéal dans le drame rwandais. Elle avait pourtant déjà retiré ses forces du Rwanda bien avant l'attentat du 06 avril 1994. Mais il lui est toujours reproché ses coupables accointances avec un régime génocidaire! On lui rappelle sans cesse son opération «Turquoise», la seule action, bien que tardive, menée au nom de la Communauté internationale pour tenter de sauver des vies au Rwanda à feu et à sang. On la critique surtout pour n'avoir pas présenté ses excuses comme l'ONU, les Etats-Unis et la Belgique alors que le Royaume-Uni n'en a pas fait davantage. On lui reproche en somme d'avoir été du mauvais côté, celui des vaincus. Mais que savent donc exactement les services français et pourquoi la France tient-elle tant à garder le secret ? Afin probablement de préserver ses relations avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni face auxquels le Rwanda apparaît comme un détail somme toute négligeable.  

 

Toujours est-il qu’on devra désormais se pencher sur les vainqueurs dont les responsabilités pourraient se révéler plus lourdes encore que celles des vaincus. L'ONU aura-t-elle le courage salutaire de rouvrir ses dossiers?

 

8. L'attentat du 06 avril 1994 ouvre la boîte de Pandore

 

A moins d'une enquête sérieuse pour en déterminer les auteurs et les poursuivre en justice, le ''mystère'' de l'attentat du 06 avril 1994 planera toujours sur la crédibilité des Nations Unies et hypothèquera encore pour longtemps les chances d'une réconciliation authentique au Rwanda.

Quel fut l'impact politique de la mort du Président Habyarimana sur la suite des événements? Quelles furent les circonstances réelles de cette mort? Pourrait-on comprendre la mécanique du génocide de 1994 sans élucider l'attentat du 06 avril 1994? Pourquoi l'ONU tente-t-elle de faire l'impasse sur un événement qu'elle considère pourtant elle-même comme l'élément déclencheur du génocide?

 

Premier Procureur du TPIR (1994-1996), le Sud-africain Richard Goldstone a affirmé en décembre 2006 au quotidien danois Berlingske Tidende que l'attentat commis le 6 avril 1994 contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana rentre bien dans le mandat de ce tribunal. Il réagissait ainsi à la publication en novembre 2006 par le juge français Jean-Louis Bruguière de son rapport qui a désigné l'actuel chef de l'état rwandais Paul Kagame comme le principal responsable de l'attentat et appelé le TPIR à se saisir de l'affaire. Le porte-parole du TPIR, le britannique Everard O'Donnell, a cependant, déclaré peu après que cet attentat n'était pas de la compétence du tribunal.

 

Richard Goldstone s'est pourtant montré précis en affirmant au quotidien danois : «Je ne comprends pas cela. C'est clairement lié au génocide». « Tous comptes faits, cela a été l'élément déclencheur du génocide et il aurait été très, très important d'un point de vue juridique et du point de vue des victimes, de tirer cela au clair », concluait le magistrat sud-africain. Et l'ancien conseiller juridique en chef au TPIR, le professeur danois Frederik Harhoff, de renchérir en répondant au même journal : «Il est clairement écrit dans le mandat du tribunal qu'il est compétent pour connaître des crimes commis au Rwanda par des citoyens rwandais du 1er janvier au 31 décembre 1994». Enfin, Michael Hourigan, l'ancien enquêteur australien du Bureau du Procureur du TPIR qui, lui aussi, avait mené une enquête sur l'attentat et qui s'était vu interdire par le successeur de Richard Goldstone, la canadienne Louise Arbour, va encore plus loin : « La seule fois où le procureur a dit que cela n'était pas dans son mandat, c'est lorsque j'ai impliqué Kagame ». Hourigan estime enfin que c'est comme si l'on prétendait enquêter sur l'attentat du 11 septembre 2001 sur le World Trade Center aux USA sans faire d'investigations sur al-Qaeda.

 

Prédécesseur du Procureur actuel Hassan Jallow, Madame Carla Del Ponte avait affirmé au journal danois Aktuelt en date du 17 avril 2000, que s'il était prouvé que l'attentat du 06 avril 1994 a été perpétré par le Front patriotique rwandais, l'histoire du génocide serait à réécrire. Mais le gouvernement rwandais, à travers un communiqué de son délégué au TPIR Aloys Mutabingwa, a balayé les suppositions de Carla Del Ponte en affirmant que les auteurs de l'attentat du 6 avril 1994 sont un «peloton de militaires français qui travaillait main dans la main avec les propres soldats de Habyarimana».

 

En tout état de cause, pourquoi l’ONU s’est-elle contentée d’investigations tronquées sur un sujet d’une aussi grande importance qu’un génocide? On le comprendra après lecture attentive du présent Mémorandum qui a pour ambition d’exposer brièvement les résultats de nos propres investigations et de demander l’ouverture d’une enquête globale, objective et impartiale sur le génocide rwandais, un génocide qui, pour nous, relève de la responsabilité des Nations Unies. En effet, au moins deux des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU à savoir les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni ont, consciemment ou non, joué un rôle très actif dans la conception, la planification et l'exécution de ce génocide qui est, comme nous le prouvons dans ce document, signé Yoweri Kaguta Museveni, Président de l’Ouganda, Commandant suprême de la National Resistance Army (NRA) devenue UPDF et son allié de toujours Paul Kagame, aujourd'hui Président du Rwanda et Commandant suprême de l’Armée patriotique rwandaise(APR) devenue RDF. La déclaration de l'ancien Secrétaire Général de l'ONU M. Boutros Boutros Ghali selon lequel «le génocide rwandais est à 100% de responsabilité américaine» n'aurait dû laisser personne indifférent. Quand un si haut responsable politique sort ainsi de sa réserve, c'est qu'il y a anguille sous roche.

 

A propos de la responsabilité américaine, le chercheur ougandais Mahmood Mamdani[4] de la prestigieuse Columbia University in New York, disait aussi : «What the humanitarian intervention lobby fails to see is that the US did intervene in Rwanda, through a proxy. That proxy was the RPF, backed up by entire units from the Uganda Army. The green light was given to the RPF, whose commanding officer, Paul Kagame, had recently returned from training in the US, just as it was lately given to the Ethiopian army in Somalia. Instead of using its resources and influence to bring about a political solution to the civil war, and then strengthen it, the US signaled to one of the parties that it could pursue victory with impunity. This unilateralism was part of what led to the disaster, and that is the real lesson of Rwanda. Applied to Darfur and Sudan, it is sobering. It means recognizing that Darfur is not yet another Rwanda. Nurturing hopes of an external military intervention among those in the insurgency who aspire to victory and reinforcing the fears of those in the counter-insurgency who see it as a prelude to defeat are precisely the ways to ensure that it becomes a Rwanda. Strengthening those on both sides who stand for a political settlement to the civil war is the only realistic approach. Solidarity, not intervention, is what will bring peace to Darfur».

  

9.  Enquête tronquée sur le génocide rwandais

 

Sous l'étroite surveillance américaine notamment, l'enquête sur le génocide rwandais se limitera à un seul belligérant et donc aux effets dont les causes doivent être recherchées du côté de l'autre belligérant en l'occurrence le FPR, lui-même agissant avec la bénédiction du véritable agresseur à savoir l'Ouganda de Museveni. L'enquête a été détournée pour permettre au FPR d'exécuter impunément l'extermination des Hutu dont la planification ne fait désormais aucun doute. Bien que sous des formes encore plus sournoises, ce génocide continue sous nos yeux et a toutes les chances de se poursuivre encore longtemps tant que le FPR et ses alliés ne seront pas amenés à faire face à leurs lourdes responsabilités. Ce détournement d'enquête se poursuit à travers des procès politiques qui consistent souvent à pousser des accusés à faire des aveux en échange d'une hypothétique libération dans la mesure où celle-ci est loin de leur garantir une sécurité durable. Ceux qui n'ont rien à se reprocher et qui, de ce fait, se refusent à des aveux assistés, continuent de croupir en prison malgré le vide scandaleux de leur dossier ou carrément l'inexistence de celui-ci. Par de telles pratiques, le FPR et ses protecteurs entendent mentir par omission en prétendant que les Hutu avaient soigneusement planifié le génocide des Tutsi. Nous croyons, pour notre part, avoir largement prouvé que le génocide des Tutsi du Rwanda s'inscrit bien dans un plan criminel plus global. Un plan fomenté et co-exécuté par ceux-là mêmes qui, manifestement, tentent toujours de couvrir et/ou de minimiser leurs propres forfaits.

 

9.1 La stratégie de la tension par l'incitation aux violences comme une arme redoutable

 

On le voit assez bien, l'incitation intentionnelle à la haine contre les Tutsi et finalement à leur extermination par les radicaux Hutu obéissait à une stratégie d'exploitation des frustrations des Hutu face au risque de plus en plus réel de la conquête du pouvoir par le FPR (donc par les Tutsi) et par la force des armes. Ce précédent historique a été minutieusement monté par le duo Museveni-Kagame pour extirper à la racine tout risque de démocratisation du Rwanda. En fin de compte et tout comme les Tutsi, les Hutu du Rwanda sans oublier les Twa, du Nord au Sud et  de l’Est à l’Ouest du Rwanda, auront tous été victimes d’une seule et unique tragédie dont ils devraient être considérés comme les rescapés pour autant que les mots ''justice'' et ''honnêteté'' aient encore un sens. C’est par là même que l’article 14 de la constitution rwandaise justifie « un véritable génocide rwandais » commis du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1994. Peu importe l’exécuteur, la planification de ce drame reste essentiellement l’œuvre d’un chef d'Etat bien connu en l'occurrence l'ougandais Yoweri Kaguta Museveni. Dans la préparation des esprits, la fin poursuivie par lui détermine les voies et moyens, c’est-à-dire les stratégies que tout acteur, collectif ou individuel, met en œuvre implicitement et/ou explicitement sur un horizon à court, moyen et long terme. La fin poursuivie par ce dernier dans son agression contre le Rwanda puis dans sa guerre de «libération régionale» qu’il a poursuivie en RDC justifie dès lors les moyens immenses mis en œuvre par lui en vue d'atteindre ses objectifs dont celui ultime de l’érection en Afrique d’un grand empire nilotique en passant au besoin par l'extermination des Hutu et d’autres groupes réputés opposés à son plan au Congo, au Burundi et Tanzanie et au Kenya. Non pas que les extrémistes Hutu qui, méthodiquement et presque dans la fête, se sont livrés à l'extermination des Tutsi et des Hutu modérés entre avril et juillet 1994 soient innocents. Il nous semblait néanmoins indispensable et légitime de clarifier l'impact réel des choix politiques, tactiques et stratégiques du FPR et de ses parrains tant sur le plan du déclenchement du génocide que sur celui de son accomplissement.

 

 

9.2 Un sacrifice prémédité

 

Le sacrifice des Tutsi de l'intérieur a été prémédité et conçu pour justifier le choix d’une solution militaire inévitable  et dissimuler le rejet d’une solution politique négociée et le traité de paix. Pour Kagame et ses supporters, la révolution sociale de 1959 qui a aboli la monarchie pour instaurer la république a coïncidé  avec le génocide des Tutsi. C’est dans ce contexte que l’on pourrait expliquer la haine réputée « séculaire » entre les Hutu et les Tutsi, une haine sans cesse alimentée, attisée et surtout instrumentalisée par des politiciens en panne d’arguments. En déclenchant la guerre, Kagame et les siens entendaient-ils aussi se venger contre ces Hutu supposés les avoir condamnés à l’exil ?

 

S’agissant des Tutsi de l’intérieur plus précisément, Kagame et certains de ses proches collaborateurs les ont de tout temps qualifiés de  « traîtres » en les accusant de complicité avec le régime hutu qu’ils n’avaient pas fui. S'il est légitime de douter de l’intention de Kagame de « libérer » ces Tutsi de l’intérieur, il est clair par contre qu’en les mettant habilement en scène dans le contexte de rivalités politiques et ethniques assez complexes, Kagame a eu beau jeu de se présenter comme un sauveur. On a affaire ici à une stratégie politique et militaire particulièrement cynique. Il est sans doute difficile de l’admettre, mais tant les Tutsi que les Hutu de l’intérieur ont été manipulés avec succès par le FPR. Le FPR, faut-il le préciser, a d’abord manipulé le gros des réfugiés Tutsi dont trente ans d’exil avaient considérablement réduit la marge de manœuvre.

 

Il reste que, dans une certaine mesure, Kagame lui-même n’aura été qu’un pion au service d’intérêts géopolitiques et géostratégiques qui le dépassent très largement et l’intègrent dans une stratégie globale des puissances qui s’affrontent mutuellement pour contrôler les ressources de l’Afrique par Tutsi/Nilotiques et Hutu/Bantous interposés. Cela ressemble étrangement au conflit quasi éternel entre Arabes et  Israéliens, un conflit sous contrôle des Etats-Unis qui, sous le prétexte de protéger Israël, n'en défend pas moins ses immenses intérêts géostratégiques dans la région du proche Orient. Force est de constater en outre que ce projet d’une « guerre de libération régionale » n’a jamais été porté à la connaissance de l’opinion publique. Aux réfugiés Tutsi on a fait miroiter le retour tant attendu au bercail tandis qu’aux opposants au régime Habyarimana on a facilement vendu un discours très démocratique en phase avec leurs aspirations du moment.

  

9.3 S’il doit y avoir un prix à payer, les Tutsi de l'intérieur n’ont qu’à le payer!

 

L'incitation à l’extermination des Tutsi avait pour fonction principale de dissimuler puis de justifier celle des Hutu initialement voulue et planifiée en Ouganda par Museveni et Kagame, les deux principaux responsables de l’invasion armée du Rwanda. C'est à ce niveau que la Constitution rwandaise fait preuve de pertinence lorsqu'elle stipule en des termes clairs et précis que le génocide rwandais a duré du 01/10/1990 au 31/12/1994. Reste à vérifier si le FPR est prêt à aller jusqu'au bout de cette logique dont il pourrait n'avoir pas réalisé toutes les implications.

 

Toujours est-il que d’une seule pierre, Museveni et Kagame ont fait deux coups. En incitant les radicaux Hutu à éliminer tous les opposants Tutsi et Hutu susceptibles de gêner leurs plans et en les poussant à exterminer les Tutsi en tant que communauté ethnique, le duo Museveni-Kagame s’assurait un bon prétexte pour massacrer impunément les Hutu et sans susciter la moindre indignation de la part d'une Communauté internationale totalement empêtrée dans ses propres contradictions. Cette incitation du FPR à l'extermination des Tutsi et des Hutu modérés de l'opposition constitue non seulement une fraude en vue de garantir son impunité par rapport aux crimes de masse perpétrés contre les Hutu, mais elle fut aussi un moyen de contourner tout traité de paix, d’extirper à la racine toute opposition tant Tutsi que Hutu. C'était donc une manière efficace d’étouffer dans l’œuf tout espoir de démocratisation au Rwanda. La démocratisation était jugée dangereuse par le FPR et ses alliés qui y voyaient un sérieux obstacle à la poursuite de la guerre au Congo-Kinshasa. On comprend dès lors que l’incitation à l’extermination des Tutsi par les Hutu n’ait pas été dépourvue de toute arrière-pensée.

 

Le FPR voulait pousser les Hutu radicaux, frustrés et préparés à créer un précédent historique de notoriété publique. Le FPR cherchait désespérément une justification à  l’extermination programmée des Hutu et il a cru s’en tirer en mettant ses propres massacres sur le compte de la vengeance car  considérés à l'époque comme des crimes passionnels et non prémédités alors que c’était le cas. Ici aussi, le président Kagame fera preuve de sincérité en avouant dans son discours du 07 avril 2007 prononcé à Murambi à l’occasion de la 13ème commémoration du génocide : « Mon unique regret est de n’avoir pu exterminer tous ces millions de gens qui nous ont échappé en 1994 » !

 

Le général Dallaire[5], Commandant des Forces de la MINUAR, avouera lui-même dans son livre J’ai serré la main du diable ce qui suit : « Quand j’ai demandé à Kagame d’aller directement à Kigali pour arrêter les massacres des Tutsi, il m’a répondu que s’il y avait un prix à payer, ce serait à ces Tutsi de le payer! ».

 

Il est intéressant d'observer que jusqu’à ce jour le Général Kagame ne regrette point le sacrifice de sa propre communauté ethnique. Cohérent jusqu'au bout et comme il l'avait déjà avoué à Romeo Dallaire, Paul Kagame semble toujours convaincu de l'utilité d'un tel sacrifice. Ne s'est-il pas clairement prononcé contre toute intervention internationale qui aurait pu, si pas arrêter l’extermination des Tutsi et des Hutu dits modérés, en aurait du moins limité l’ampleur? Froide et cynique, la stratégie de Kagame aura plutôt consisté à concentrer ses efforts sur «l'essentiel»! Pousser,-en les aidant parfois-, les Hutu radicaux à exterminer les Tutsi et les Hutu modérés pour en tirer un bénéfice politique optimal susceptible de lui permettre d’écraser définitivement les forces de l'ancien régime.

 

 

9.4 On ne fait pas d'omelette sans casser les œufs

 

La stratégie du «sacrifice utile» a dans tous les cas fonctionné à merveille. Elle a fait l’objet de nombreuses discussions au cours de multiples réunions de propagande comme l’indiquent des documents en notre possession : « La guerre est tactique. Il faut réaliser l’importance de la propagande. Les points suivants doivent être utilisés : la propagande des droits de l’homme au sujet des massacres parmi les grandes figures des Hutu distingués et à poigne est un processus tactique vers la gagne des donnateurs occidentaux. Dans les régions de Ruhengeri, Gisenyi, une mobilisation des forces anti-tutsi est en train de se répandre fortement sur de vastes étendues. Les officiels américains en charge du dossier sont informés de ces inquiétudes mais il risque d’être trop tard pour agir parce que nous avons donné le panneau aux extrémistes Hutu (et ceux-ci y sont tombés). La mobilisation est fortement motivée tout comme la forte participation. Le gouvernement ougandais est censé informer les autorités britanniques à Kampala de ces développements. Tumwine est chargé du dossier. Le plus important de tout est une mobilisation pour sauver les victimes privilégiées. »

 

Une copie pour information de cette note (CODE 4563/UJ/RW/RPA/F567JL) a été envoyée au Consulat britannique de Kampala, Entebbe State House. Note CODE 4563/UJ/RW/RPA/F567JL» [Preuve n°065].  Parmi ces Tutsis « privilégiés », il y avait le préfet de Butare comme ce document (JEAN BAPTISTE HABYARIMANA MEET 567/RES/RPF/A) en témoigne : «La seule région forte dans le pays avec un préfet Tutsi est Butare. Il y a un besoin urgent pour l’affermir et  le protéger. Propositions : Le gouvernement tanzanien doit être contacté pour avoir un accès à travers le Burundi puis vers Butare pour secours humanitaire qui sera très probable si le  besoin se fait sentir. Le Major John Matonya de la Tanzanie sera à Kampala pour en débattre. Les officiels suivants doivent y participer: Lt. Col Mutabazi, Amama Mbabazi, P. Akunda. Lieu de la réunion: Masaka.Voir CODE 569/JL. CODE 560/JL APPLICABLE. Copie pour information au Haut Consul de la Tanzanie à Kampala, à la Maison blanche de Nakasero, RPA/F DELEGATION, PPU EBBE) »[Preuve n°066].

 

Le caractère prémédité de la stratégie de la tension privilégiée par le chef du FPR ne fait aucun doute si on se réfère au document (BIG TACTIC REF-/560/JL/09) qui fournit quelques détails quant aux tactiques adoptées par la rébellion :

«La grande tactique. Les organisations extrémistes sont inquiétantes au Rwanda. Mais elles nous fournissent une chance d’exploiter leurs avantages. Interahamwe et Impuzamugambi. Celles-ci sont des groupes dangereux mais leur nom sera utilisé pour nos propres bénéfices comme stipulé dans le plan 78. Le test (d’hystérie collective) sera mis en œuvre en forçant les officiels collaborateurs à dénoncer les accords d’Arusha sur la radio nationale à Kigali. Col Bagosora et Agathe Uwilingiyimana. Les précités agiront en aval pour canaliser l’information incendiaire (code 560/JL). Remarque : Surveiller le Major Bernard Ntuyahaga. Il est opposé à ce deal » [Preuve n°067].

 

 

9.5 Le précieux témoignage de Ruzibiza Abdul confirmé

 

Un autre document évoque l’existence à l’intérieur du Rwanda d’un escadron sous la supervision de Ruzibiza Abdul, les accords d’Arusha et l’installation d’un contingent FPR dans la capitale:«ARUSHA-OVERVIEW-REF.3546/UKJ/RW. Aperçu sur les accords d’Arusha (REF.3546/UKJ/RW). La réunion a convenu de débattre des doutes au sujet des manœuvres politiques en cours à Arusha. Les gens à Kigali n’ont aucune intention de formuler et d’imposer un processus. Il faut utiliser une stratégie irrésistible. Les officiels de l’intelligence bien entraînés avec un savoir-faire et des compétences appropriées savent comment se saisir eux-mêmes de l’initiative pour enclencher et exécuter le processus. L’escadron sous la supervision de RUZIBIZA ABDUL s’est bien établi dans Kigali et toute opération mise en œuvre s’appuie sur les instructions lorsque le besoin se fait sentir. Il y a un désaccord sur l'emplacement des locaux du parlement de transition à Kigali. A Arusha, la délégation a travaillé sur ce sujet. Nous espèrons que le problème sera résolu dans deux semaines. Copie pour information adressée à la délégation du FPR d’Arusha et au Bureau du président du PL (code 235/GL) » [Preuve n°068].

 

Il faut rappeler que Kagame n’a pas hésité à qualifier les révélations de Ruzibiza de pures affabulations et des manipulations émanant des français et non de son ex-chef de l’escadron dont il n’a pas le courage d'assumer la responsabilité.

 

Dans son livre «Rwanda, Histoire secrète, le lieutenant Abdul Ruzibiza a déjà confirmé que le général Kagame et ses commandants sont co-responsables du drame rwandais. Il a affirmé que sous le commandement de Kagame, l’Armée patriotique rwandaise (APR) a massacré les gens de toutes les ethnies avec pour objectif de semer l’anarchie et faciliter sa prise du pouvoir, même au prix de l’extermination de tout un peuple. C’est en acteur de terrain que Ruzibiza a narré le processus de la guerre tout en ignorant apparemment les desseins occultes de celle-ci et certains de ses acteurs clés. L’ex-officier de l’APR n’a visiblement pas eu accès aux documents que nous avons pu nous procurer et qui corroborent largement son livre témoignage. Notre enquête pourra, nous l’espérons, mettre fin à la polémique soulevée par le livre de Ruzibiza ou d’autres témoignages qui mettent en cause le FPR pour son rôle très important et pourtant si minimisé dans le génocide rwandais.

 

Ruzibiza Abdul a eu raison d’estimer que le Général Kagame aurait pu, s’il l’avait voulu, limiter l’ampleur des massacres car il en avait les moyens. Il faut dire que son attitude froide et cynique n’était pas du goût de tout le monde y compris parmi ses proches collaborateurs comme on peut le constater à travers le document suivant qui évoque la chute de Kigali : «IMM MEETKGL 56/DF. La réunion a pour but de vous révéler que les plans de la chute certaine de Kigali viennent d’être finalisés mais la date pour prendre le pouvoir à Kigali a été avancée de plus près en raison du génocide qui se passe à l’instant même. Si nous n’agissons pas vite, nos frères seront finis. Le moment de faire tomber Kigali est prévu avant le 06 juillet 1994. Ceci a fait l’objet d’une discussion entre le président Museveni et le Haut Commandement du FPR (RPA). On ouvrira une brèche aux forces qui résistent pour s’échapper afin d’éviter de lourds combats qui causeraient plus de morts. Les bataillons qui sont en train de bloquer les fugitifs vers le Zaïre devraient être autorisés à ouvrir le passage pour que les Interahamwe s’échappent. Ceci évitera une confrontation directe et des morts supplémentaires. La date fixée peut être plus proche mais pas repoussée plus loin. Le FPR (RPA) n’a aucune objection mais UPDF WEST se tient en alerte pour renforcer. Copie pour information adressée à UPDF WEST, 4RTH DIV, PPU, RPA TOP »[Preuve n°069].

 

 

9.6 Génocide au service des intérêts les plus sordides

 

Enfin, la volonté du régime FPR et ses alliés d’instrumentaliser le génocide apparaît clairement dans le document suivant (LONDON MEET REF RW/786/LN) : «Nous planifions de dominer la conférence débat du grand génocide en perspective du 27 juillet 1997 à Londres. Ceci augmentera nos chances de faire craquer de fond en comble les officiels de l’ex-régime Hutu en occident. Les pays suivants participeront : Belgique, Canada, Finlande, Burundi, France, Ouganda, Irlande, Grande Bretagne, Tanzanie, Allemagne. Plan : Nous devons transmettre toute information utile à nos amis avant la date de la conférence et bien avant que la France ne transmette la propagande. Le plus important de tout sur l’agenda, c’est que nous disposons d’une commission chargée d’opérer ces manœuvres. Copie pour information à la Maison blanche de Nakasero et à l’ambassade du Rwanda à Londres » [Preuve n°070].

 

10. La guerre du Rwanda beaucoup plus complexe que prévu

 

Selon les plans de Kagame et Museveni, le déclenchement de la guerre définitive était subordonné à l’assassinat du Président Habyarimana. Cet assassinat qui allait agir comme une force « détonateur » de l’effondrement de l’ordre public n’aura pu être accompli que dans la soirée du 06/04/1994, près de cinq ans après sa planification initiale. Contrairement à la guerre provisoire, Museveni avait assigné à la guerre définitive le double objectif de porter le FPR au pouvoir par la force, exterminer systématiquement les Hutu qualifiés d’ennemis régionaux et d’obstacle majeur à l'extension de la guerre de libération régionale dans le Congo-Kinshasa.

 

Suite à l’enlisement inattendu de la guerre, l'extermination systématique des Hutu sera précédée par celle des Tutsi et des Hutu ''modérés'' de l’opposition. Ce qui permettait au FPR de justifier ses propres crimes de masse à l’encontre essentiellement des Hutu globalement ciblés comme étant responsables de l’extermination des Tutsi de l'intérieur. Afin de soigner son image, le FPR s’autoproclame alors comme le « sauveur » et le « libérateur » de ces derniers. Le génocide dans toutes ses dimensions donnait en tout cas au FPR l’opportunité de s’offrir un pouvoir sans partage, ce qui aurait été inconcevable en cas d'application des accords de paix d'Arusha. Les planificateurs du FPR en étaient d’ailleurs eux-mêmes conscients : « La seule option que nous avons est de continuer notre combat. Nous devons désorganiser les élections par l’escalade du conflit. Nous n’avons aucune chance de gagner démocratiquement au Rwanda ».

 

Pour le FPR en effet, qu’elle vienne des Tutsis ou des Hutu, toute opposition réelle ou potentielle devait être anéantie. En conséquence, Museveni en sa qualité de Président de l'Ouganda et Kagame en tant que Commandant en chef des forces du FPR doivent répondre de la planification et de l’exécution du génocide rwandais dont ils constituent les principaux cerveaux.

 

 

10.1 Quelques caractéristiques du génocide rwandais dans sa version globale

 

Pris dans sa version globale car le régime FPR lui-même considère qu'il s'est étendu sur une période de quatre ans (1990-1994) feignant d'oublier qu'il se sera prolongé sur le territoire congolais, le génocide rwandais remplit tous les critères inhérents à un génocide. Bien que réduit aux seuls Tutsi sans doute pour des raisons politiques, le génocide rwandais a affecté toutes les composantes ethniques du Rwanda et plus directement les Hutu qui, aux yeux des planificateurs de l'invasion du Rwanda, devaient en être la cible principale car très tôt désignés comme «ennemis régionaux» à éliminer pour faciliter la «guerre de libération régionale».

 

Voilà pourquoi sur de nombreux aspects et bien que reconnu par les Nations Unies, le génocide des Tutsi reste mitigé, certains le jugeant même réfutable et d'autres instrumentalisé. En réalité, toutes les trois ethnies composant la nation rwandaise ont été victimes et rescapées d’un plan d'extermination minutieusement élaboré en Ouganda par le tandem Kagame-Museveni. Tout en établissant la responsabilité du régime décapité et agressé par l’Ouganda dans le génocide de 1994, l’enquête de l’ONU aurait dû clarifier le rôle joué par l'agresseur (Ouganda via FPR). C'est la raison pour laquelle les enquêtes onusiennes sur le drame rwandais sont jugées peu crédibles car souvent partisanes et toujours partielles et partiales. Ces enquêtes sont en effet principalement axées sur des faits accessoires souvent générés par des faits essentiels et de notoriété publique mais ignorés pour des raisons jusqu'à ce jour inexpliquées. Par-delà la manipulation politique des faits avérés, force est de constater que le génocide des Tutsi et le génocide rwandais restent indissociables dans la mesure où ils s'inscrivent clairement dans un plan d'ensemble relatif à l'invasion tragique du Rwanda, invasion planifiée et exécutée par Museveni et Kagame avec l’entente et la complicité des Etats-Unis d'Amérique et du Royaume-Uni. L'ONU ne saurait être crédible sans avoir le courage politique de remettre le dossier Rwanda sur la table en vue notamment de qualifier clairement les massacres perpétrés contre les Hutu au Rwanda et en RDC par les forces du FPR et ses alliés de 1990 à 1997 et d'adopter des mesures appropriées.   

  

10.2 Où sont donc passées les preuves de la planification du génocide des Tutsi?

 

Il serait sans doute plus aisé de démontrer, preuves écrites à l'appui, la planification du génocide rwandais. Mais, toujours sous la pression des vainqueurs de la guerre du Rwanda, pression relayée par de puissants alliés et complices, l'ONU met en avant le génocide des seuls Tutsi dont il se révèle néanmoins jusqu'aujourd'hui incapable de prouver le caractère prémédité et planifié. Il existe pourtant des faits de notoriété publique et absolument irréfutables qui accusent le planificateur initial de l'embrasement du Rwanda. L'ONU s'est gardée, jusqu'à ce jour, d'apporter la moindre trace écrite mettant en cause le véritable planificateur de l'invasion armée de 1990. Il n'est pas étonnant que, dans de telles conditions, certains observateurs considèrent l'ONU comme étant juge et partie dans cette affaire de la plus haute importance.

 

Alors que l'ONU ne fonde ses investigations que sur des témoignages plus ou moins discutables sur l'extermination des Tutsi, elle semble ignorer les preuves écrites irréfutables que nous tenons à apporter en vue d'établir la préméditation, la planification, l’exécution et le mobile du génocide rwandais et non plus uniquement celui des Tutsi.

 

Dans sa déclaration à l’issue d’une réunion avec des officiels de Fort Bragg, Kathi Austin, spécialiste en matière de transfert des armes vers l’Afrique dans l’organisation Human Rights Watch, a décrit la formation militaire dispensée aux éléments du  FPR par des experts militaires américains comme un entraînement par les tueurs qui forment les tueurs en ces termes : «Kern to brief a contingent of human Rights activists led by Kathi Austin a Human Rights Watch specialist on Arms transfer in Africa after  meeting officials at Fort Bragg. Kathi Austin statements so alerting and to face Pentagon Committee on Security: she describes the training special programme for RPF as “killers…training Killers”. Cette déclaration a fait l’objet d’une discussion obligée au sein du pentagone de Bill Clinton» [Preuve n°071].

 

Il convient de rappeler au Président Paul Kagame par rapport à son récent défi à la France de rouvrir l'enquête sur son rôle dans le génocide rwandais, qu’il n’y a pas que les Français à avoir été blanchis par des enquêtes partielles et partiales. Les super tueurs ayant entraîné des tueurs ne sont pas à signaler dans le seul camp francophone car le camp anglophone a aussi des comptes à rendre. Non pas qu’il faille absoudre la France de toute responsabilité, mais elle pourrait, à la limite, avoir été victime de ses maladresses alors que les Anglo-Saxons ont réussi à couvrir leurs forfaits en imposant parfois l'inversion des rôles au profit de leurs protégés.

 

Toutefois, il n'est point dans nos intentions d'innocenter les responsables politiques et militaires rwandais de l'ancien régime qui seraient impliqués dans l'extermination des Tutsi et des Hutu modérés en 1994. Ils ont eux aussi opéré des choix, pris des décisions et posé des actes dont ils doivent répondre. Mais force est de constater qu'à la lumière des seuls faits relevés tout au long de nos investigations,-la liste est loin d'être exhaustive-, les Présidents Museveni et Kagame sont indubitablement coresponsables de cette extermination et devraient en répondre au même titre que leurs « ennemis ». Laissons dès lors le juge apprécier, en toute indépendance et en toute souveraineté, le niveau de responsabilité de chacun des deux belligérants ainsi que de celui de leurs alliés et amis notamment membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et dont des ressortissants siègent au TPIR en tant que juges ou au sous d’autres fonctions.

 

De son côté, l'ONU ne pourra faire l'économie d'une enquête globale, objective et impartiale quant aux circonstances réelles ayant entouré la tragédie rwandaise. Celle-ci est aujourd'hui réduite au génocide des Tutsi qui est de facto le seul reconnu par les Nations Unies malgré des révélations de plus en plus évidentes quant à la véracité d'un génocide autrement plus large et plus étendu aussi bien dans le temps que dans l'espace. Il convient d'insister sur l’importance de l'aveu du Gouvernement FPR selon lequel le génocide a été perpétré du 01/10/1990 au 31/12/1994. Est-il si anodin, s'agissant du FPR, que la date du déclenchement de son offensive coïncide avec le début du génocide? De là à affirmer que le génocide rwandais a été planifié en Ouganda à partir du 1er janvier 1989, il n'y avait qu'un pas que nous nous sommes permis de franchir au terme d'investigations objectives et suffisamment documentées.

 



[1] Nommé Ministre des Affaires Etrangères en 1993 par le Président Habyarimana.

[2] Membre fondateur du parti d'opposition MDR rénové issu de l'ouverture démocratique de 1991 au Rwanda, Boniface Ngulinzira est devenu ministre des Affaires Etrangères en 1992, et est à ce titre l'un des grands artisans des Accords de Paix d'Arusha.

[3] En raison d’un programme d’ajustement structurel, Habyarimana avait été sommé de réduire les effectifs de son armée pour en faire une armée professionnelle. En outre, il ne pouvait plus recruter car limité dans ses dépenses par le Ministère des Finances alors aux mains de l’opposition qui n’était pas favorable à l’option de la guerre. Afin de renforcer son armée, il ne pouvait compter que sur le rappel des réservistes. Un autre moyen à sa disposition était la défense civile par le biais des fameuses milices « Interahamwe ».

[4] Lire «The Politics of Naming : Genocide, Civil War, Insurgency», London Review of Book, March 09, 2007

 

[5] Il serait absolument cynique et très offensant pour la mémoire des victimes et pour la dignité des rescapés de considérer le général Dallaire comme un héros dans le drame rwandais.

Les négociations de paix ou le temps des pompiers-pyromanes
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