RDC-Rwanda : Analyse du professeur-député Nyabirungu mwene Songa
Kinshasa, 29/01/2009 / Politique
Le retournement spectaculaire de la situation dans la partie Est du pays avec le brusque et rapide arrêt des hostilités auquel on ne s’attendait plus surprend tellement qu’il exige de grandes capacités de compréhension et d’adaptation avec courage à cette évolution.
La situation qui prévaut actuellement au Kivu est au cœur de nos préoccupations. Je sais que nos populations de l’Est, suite aux agressions et traumatismes répétés imposés par le Rwanda depuis 1996, ne peuvent pas avoir confiance en ce pays, ni, en conséquence, être rassurées par l’entrée et le séjour de ses troupes sur le sol congolais du Kivu.
Cependant, nous ne pouvons pas non plus perdre de vue que le Rwanda d’aujourd’hui est notre voisin de toujours et pour toujours tant que ce monde restera. Il faut dès lors considérer que nos relations sont d’abord structurelles, en ce sens que personne ne fera et ne réussira à anéantir notre voisinage. Celui-ci résistera et survivra aux circonstances et ne prendra fin qu’avec la fin des temps.
Quant à la qualité de cette relation, elle dépend des responsables qui, par leur volonté politique et leurs actions concrètes, peuvent créer des conditions et des circonstances qui la rendent bonne ou mauvaise.
Aujourd’hui, ce sont les responsables de deux pays qui peuvent créer les conditions et les circonstances favorables à de bonnes relations entre la RDC et le Rwanda, comme naguère, ils travaillèrent pour les mauvaises. En ce qui concerne la RDC, il s’agit des animateurs des institutions démocratiquement élues, en tête desquels le chef de l’Etat, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, le Premier ministre, les députés et les sénateurs.
Ainsi, nous sommes et devons rester nombreux à travailler pour que nos deux pays aient de bonnes relations et vivent en paix.
Il est certain qu’au Rwanda, il existe des va-t-en-guerre qui ont toujours rendu difficiles les bonnes relations entre nos deux Etats, mais on ne peut nier aussi qu’il existe des hommes de bonne volonté, et dont l’heure est peut-être arrivée. A moins que des circonstances nouvelles, internes et externes, n’imposent la paix.
Or, en termes des circonstances nouvelles et externes, on ne saurait totalement exclure l’avènement à la Maison Blanche, de Barack H. Obama, dont l’amour et la recherche de la paix dans le monde ne font l’ombre d’aucun doute.
La RDC et surtout le Rwanda et ses dirigeants ne sauraient dire qu’après Obama égale avant Obama. Et je relève que la nouvelle Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, devant la Commission des Affaires étrangères du Sénat, a cité la RDC parmi ses préoccupations, de même que le Département d’Etat exprime, dans un communiqué, sa joie de voir Nkunda arrêté, « lui qui fut à l’origine de tant de désordre en RDC ». Il s’agit là des deux signes qu’on pourrait interpréter comme signifiant que pour la nouvelle administration, il n’y a pas de « pax americana » sans la paix au Congo, et que tous les dirigeants de la sous-région ont déjà reçu ou recevront un message dans ce sens.
De même, nous ne pouvons exclure qu’au regard d’une part des mandats d’arrêt délivrés par la France, l’Espagne et l’Allemagne, de l’arrestation de Rose Kabuye en Allemagne et de sa détention en France, et d’autre part, des aides financières coupées par la Suède et la Hollande et menacées de l’être par d’autres Etats, Kigali a enfin compris que l’Histoire n’est jamais linéaire et que la roue de la fortune ne tourne jamais au même rythme, ni toujours dans la même direction. Elle peut même s’arrêter.
Enfin, l’effet produit par le dernier Rapport des Nations unies sur l’implication directe du Rwanda dans le soutien à Nkunda et le pillage de nos richesses, nous permet de conclure que ce pays a perdu la bataille médiatique et que, sans changement de comportement vis-à-vis du Grand Voisin, l’érosion de son image sur la scène internationale allait correspondre à sa descente aux enfers.
Aussi, devrions-nous considérer que l’entrée et le séjour des troupes rwandaises au Congo rentrent réellement dans le cadre de la recherche d’une paix durable, et leur présence inutilement ou abusivement prolongée serait la cause d’une autre guerre que rejettent à la fois nos peuples respectifs et nos maîtres communs, et dont le vainqueur ne serait pas nécessairement celui qu’on croit.
S’agissant d’une entreprise humaine, la coalition militaire rwando-congolaise peut connaître le succès, comme elle peut comporter des bavures et faire craindre des dérives, notamment sur le plan de la sécurité des populations civiles et de la protection de nos ressources naturelles. Il revient alors aux responsables de procéder constamment et régulièrement aux évaluations et aux corrections nécessaires. En attendant, l’arrestation et la détention annoncées du général félon au Rwanda, préalables à une probable inculpation par la CPI, vont dans le bon sens.
Qui a peur de l’avenir ne peut changer le monde, et qui s’accommode d’un présent fait de conflit, de pauvreté et de désespoir ne se rend pas utile à un pays qui a vocation à la grandeur. Tout doit donc être essayé pour retrouver la paix, et le Chef de l’Etat a raison de prendre des initiatives qui, au premier regard dérangent, mais qui, en fin de compte, relèvent du courage nécessaire pour changer l’ordre actuel des choses.
Voilà pourquoi, nous pouvons mettre de côté nos craintes par ailleurs historiquement compréhensibles, et nous engager dans « l’audace de l’espérance » selon la belle expression de l’homme le plus célébré du moment. L’histoire nous donne un bon exemple : nos préventions, nos méfiances et nos haines vis-à-vis du Rwanda sont sans commune mesure avec celles qui marquèrent les relations franco-allemandes pendant près d’un siècle, jusqu’à la seconde guerre mondiale, avec ses 20 millions de morts.
Mais, par la volonté politique d’un homme de chaque côté, Charles de Gaulle et Adenauer, le couple franco-allemand s’attela à la réconciliation, à l’amitié, à la coopération et à la consolidation de la paix. Aujourd’hui, il est le moteur de l’Union européenne et de la Défense commune.
Yes We can. Peut-être que le bon moment est venu pour que cette génération et les générations futures jouissent des fruits de la paix et érigent sur et au cœur de cette terre d’Afrique, un Pays plus beau qu’avant.
Que Dieu nous vienne en aide.
Honorable Professeur Nyabirungu mwene Songa