L’étrange diplomatie africaine de Bernard Kouchner - suite -
Affaire Kouchner: riposte du ministre, nouveaux éléments
Où l'on apprend que Bernard Kouchner confirme, involontairement, les informations publiées par Marianne2 hier, ainsi que par Bakchich, en publiant plusieurs documents sur le dossier.
La publication de premiers éléments de l’enquête de Pierre Péan sur les activités de consultant au Gabon de Bernard Kouchner et de deux de ses collaborateurs, Eric Danon et Jacques Beaudoin, a provoqué un début de panique au Quai d’Orsay. Ce dernier notamment se serait, selon le témoignage de certains proches du dossier, beaucoup agité pour prendre connaissance d’une enquête qu’il ne pourra lire qu’une fois publiée, c’est à dire dans plusieurs semaines selon nos informations.
Puis, dans l’après-midi, le Quai d’Orsay contactait l’AFP pour lui demander de publier un communiqué que nous reproduisons ci-dessous dans son intégralité.
COMMUNIQUE DE BERNARD KOUCHNER MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES
« Pour répondre à certaines allégations inexactes diffusées sur un site internet, Bernard Kouchner tient à faire préciser :
« Depuis sa prise de fonction en tant que ministre des Affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner a cessé toute activité au sein des sociétés BK Conseil et BK Consultants. La société BK Conseil a été dissoute le 18 mai 2007. Depuis la nomination du Ministre, BK Consultants n’a plus aucune activité commerciale et ne saurait avoir perçu quelque rémunération que ce soit.
Le ministre dément formellement « avoir fait passer des prestations de conseil et d’audit sous l’égide de trois sociétés ».
Bernard Kouchner n’a jamais appartenu à la société IMEDA dont il était l’un des consultants et n’avait donc aucune raison de se préoccuper du règlement des factures de celle-ci. S’il a pu être amené à évoquer son rapport sur l’Assurance maladie au Gabon avec le président Bongo, c’est uniquement pour s’informer de l’état d’avancement de la mise en œuvre de la loi née de ce rapport.
Le travail de Bernard Kouchner sur ce projet d’Assurance maladie au Gabon était notoirement connu des medias gabonais et a fait l’objet d’une communication publique au cours des états généraux de la Santé à Libreville.
L’activité de Bernard Kouchner, comme Président fondateur du GIP ESTHER était une activité purement bénévole exercée dans le cadre des décisions prises par le conseil d’administration. C’est le GIP ESTHER qui a permis notamment les nombreux jumelages hospitaliers entre pays européens et pays en développement en particulier dans le domaine du sida.
Bernard Kouchner s’enorgueillit d’avoir toujours mené, dans ses diverses fonctions et dans le cadre strict des règles de celles-ci, un combat permanent en faveur de la santé publique en Afrique.
Bernard Kouchner se réserve le droit d’engager des poursuites judiciaires pour prévenir ou sanctionner toutes allégations mensongères à son égard et en a chargé Me Georges Kiejman. »
La page du site IMEDA qui prouve ses liens avec Bernard Kouchner (page aujourd'hui supprimée du site)
Refusant de se transformer en petit télégraphiste du Quai d’Orsay, le journaliste de l’AFP a repris l’essentiel de la contre-argumentation du ministre ainsi que les principaux éléments de l’article de Marianne2. Il est vrai que l’argumentaire de Bernard Kouchner semble pétri de contradictions, et d’imprécisions :
1) Le Ministre évoque deux sociétés qu’il a créées, BK Conseil et BK Consultants, sans indiquer pourquoi la seconde, société en nom personnel, a succédé à la première.
2) Il indique à la fois qu’il n’a jamais « appartenu à la société IMEDA » tout en précisant « qu’il en était l’un des consultants », ce qui, s’agissant d’une société de conseil, est tout de même un lien assez puissant, surtout quand ladite société est créée par deux des proches collaborateurs du ministre.
3) Il indique qu’il n’a jamais été rémunéré au titre de la Présidence d’Esther, octroyée grâce à ses bonnes relations avec Dominique Ambiel et le Premier ministre de l’époque Jean-Pierre Raffarin. Mais Pierre Péan s’était contenté d’évoquer « une fonction officielle » sans indiquer que le ministre avait été payé pour l’exercer.
4) Enfin, Bernard Kouchner reconnaît avoir « pu être amené à évoquer son rapport sur l’Assurance maladie au Gabon avec le président Bongo ». Mais c’était « uniquement pour s’informer de l’état d’avancement de la mise en œuvre de la loi née de ce rapport. » Dans le monde feutré des relations diplomatiques, cela pourrait revenir un peu au même, surtout si, derrière les rencontres officielles, s’agite un proche du ministre pour accélérer le paiement des factures comme le rapportait Pierre Péan.
En fait, le seul important à retenir de la défense du ministre est le choix de l’avocat Georges Kiejmann, l’un des avocats les plus redoutables (et les plus redoutés) du barreau de Paris. Ce seul choix montre à quel point Bernard Kouchner considère le dossier comme crucial.
La mobilisation de ce ténor du barreau était d’autant moins superflue que, quelques heures après la publication du communiqué kouchnérien, Xavier Monnier publiait, sur le site bakchich.info les documents qui valident tous les chiffres cités par Pierre Péan dans Marianne2 lundi. Bakchich apporte un élément complémentaire en reproduisant un écran du site IMEDA (écran aujourd’hui disparu d’Internet) indiquant la nature des prestations (« un audit complet du système gabonais et proposition de réforme » et « l’élaboration d’un nouveau plan national de développement sanitaire ») ainsi que l’auteur du travail, Bernard Kouchner, Président de BK Conseil.