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Publié par JMV Ndagijimana

Bernard Kouchner donne des gages au Rwanda

Le ministre des affaires étrangères s'appuie sur les liens noués en 1994 pour faciliter le rétablissement des relations diplomatiques, rompues par KigaliEntre la France et le Rwanda, démarches diplomatiques et actes judiciaires continuent de s’entrecroiser. Alors que Paris travaille activement à un rapprochement avec le Rwanda, la procédure Bruguière, à l’origine de la rupture des relations diplomatiques en novembre 2006, reste en vigueur, tandis que le cas de deux Rwandais vivant en France, accusés de génocide, tourne à l’imbroglio. Arrêtés le 20 juillet dernier par la justice française en exécution de mandats d’arrêt du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le P.Wenceslas Munyeshyaka et Laurent Bucyibaruta, ex-préfet de Gikongoro, ont été libérés le 1er août, une nouvelle fois arrêtés le 6 septembre, puis de nouveau libérés le 19 du même mois.

À cette procédure que le gouvernement rwandais suit avec attention, s’en ajoute une autre qui, elle, le contrarie : celle bouclée par le juge Jean-Louis Bruguière. Le Rwanda a rompu ses relations diplomatiques avec la France en novembre 2006, deux jours après que le magistrat antiterroriste eut lancé des mandats d’arrêt contre neuf proches du président Paul Kagamé et recommandé que ce dernier soit poursuivi par le TPIR. Le juge les suspecte d’avoir planifié l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, qui signa le déclenchement du génocide.

La démarche française en direction du Rwanda a été marquée notamment par une « mission exploratoire » de diplomates à Kigali à la mi-septembre, suivie d’une rencontre entre Bernard Kouchner et son homologue Charles Murigande la semaine dernière à New York. Mardi, le ministre a précisé que le message avait été passé aux autorités rwandaises que « la justice internationale est souveraine et indépendante » et que la France n’y « pouvait rien ». Toutefois, a-t-il ajouté à propos de l’instruction du juge Bruguière, « les preuves n’abondent ni dans un sens ni dans l’autre » et « elles sont très discutables ».

"Où était Bernard Kouchner ?"

Au micro d’Europe 1 avant-hier, Bernard Kouchner s’est montré véhément dans la défense de ses options sur le Rwanda, arguant de sa connaissance d’un pays où il s’est rendu à trois reprises durant et juste après le génocide. Il a souligné l’importance d’une « réconciliation avec un pays massacré, alors qu’on a compté dans cette histoire », sans être « évidemment les responsables du massacre ». Celui qui était en 1994 député européen a donné sa version de ses relations avec Paul Kagamé, actuel président, qui était alors le commandant de l’Armée patriotique rwandaise, créée en Ouganda par des exilés tutsis.

Bernard Kouchner affirme avoir, « à l’appel de Paul Kagamé » qu’il avait rencontré pour lui « vendre dans la brousse » l’opération française Turquoise, « fait sortir les enfants des orphelinats » et sauvé les Tutsis réfugiés à l’hôtel des Mille Collines. « Ça a fait un fameux film, mais ça ne s’est pas passé comme ça, a affirmé Bernard Kouchner à propos de ce dernier épisode. C’est nous qui les avons fait sortir. »

Ses affirmations stupéfient le directeur de l’hôtel à l’époque du génocide, connu comme le sauveur des 1 268 personnes réfugiées dans ce rare îlot préservé des génocidaires (lire La Croix du 2 mai). « Où était Bernard Kouchner ? S’interroge Paul Rusesabagina, contacté au téléphone par La Croix. En tout cas, il n’est jamais venu au “Mille Collines”. Il prétend avoir fait le contraire de ce qu’il aurait dû faire. Est-ce donc Kagamé qui décidait qui devait mourir ou survivre et le lui disait ? » Pour lui, outre la protection accordée par certains officiers hutus, c’est bien la prise de Kigali par le FPR qui permit aux personnes traquées d’avoir la vie sauve. « Il a vraiment été là, et il n’invente pas », répond-on dans l’entourage du ministre.

L'intransigeance des génocidaires

Concernant les orphelins, Bernard Kouchner a lui-même relaté à l’époque qu’il avait été sur le point de sauver un groupe d’enfants tutsis en mai 1994, mais que cette évacuation avait échoué devant l’intransigeance des génocidaires. Dans ses mémoires, le général canadien Roméo Dallaire, commandant de la mission de l’ONU, décrit un Bernard Kouchner «à la tête de sa pléthore de journalistes», cherchant à sauver l’image du gouvernement français, allié du régime hutu. « Je n’aimais déjà pas l’idée de faire sortir du pays des enfants rwandais, mais se servir de ce geste pour montrer une meilleure image des extrémistes me donnait la nausée », écrira-t-il. Aujourd’hui, Bernard Kouchner se présente comme « un des rares Français » en qui Paul Kagamé ait confiance. Il parle d’« erreurs politiques, d’analyse politique » commises en France à l’époque, mais se voit comme le possible réconciliateur entre les deux pays.

Laurent d’ERSU

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