Déclaration N°01/2023 – Atteinte au droit à la vie et à la liberté d’expression –John William Ntwali, journaliste indépendant au Rwanda serait mort dans un accident controversé de moto ! Il savait qu’il allait être tué !
Paris le 20 janvier 2023
Version publiée le 24 janvier 2023 par ODHR, - Erratum - correction de la version publiée le 22 janvier 2023 !.
L’ODHR a appris avec tristesse et inquiétude le décès de John William Ntwali le 19 janvier 2023. Il présente ses condoléances à sa famille et les proches. L’ODHR rend hommage à la personne de John Williams Ntwali et à son travail professionnel de journaliste de John William ainsi qu’à son engagement dans la défense et la protection des droits des personnes victimes d’injustice dans le pays.
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John Williams Ntwali était un journaliste professionnel et engagé avec beaucoup d’expériences dans un contexte rwandais répressif. Il a travaillé notamment à Flash FM, à City Radio, au journal igihe.com et au journal The Chronicles comme rédacteur en chef. Il a ensuite créé sa propre chaîne de diffusion Ireme News.com devenu la chaine Pax TV –Ireme News dont il était directeur. Il était journaliste d’investigation et très connu pour ses analyses et son engagement. Il n’avait pas peur d’affronter le terrain difficile du journalisme rwandais à savoir la dénonciation des injustices commis par les proches du pouvoir et les tenants du pouvoir lui-même. Décédé à 43 ans (John Williams Ntwali: Uyu munyamakuru urupfu rwe rwavugishije benshi ni muntu ki? - BBC News Gahuza) (notre traduction : John Williams Ntwali : qui est ce journaliste dont la mort a délié les langues ?), il était marié et père de famille (1 enfant). Certains médias avancent qu’il aurait été militaire sous l’ancien régime mais le journal BBC News Gahuza ci-haut cité indique que sa famille affirme le contraire.
John Williams Ntwali a suivi, rapporté et commenté les procès sensibles des journalistes et youtubeurs (Cyuma Hassan Dieudonné, Nsegimana Théoneste, Karasira Aimable, Mme Yvonne Iryamugwiza) et des détenus politiques dont ceux de Rashid Abdul Hakizimana et du Dr Kayumba Christopher fondateur du journal The Chronicles dans lequel John Williams Ntwali travaillait. Il leur rendait visite en prison pour suivre leur situation et leurs conditions de détention qu’il ne manquait pas de critiquer dans ses reportages sur sa chaîne en ligne Pax TV Ireme News.
Il avait enquêté sur la disparition des enseignants qui auraient enregistré les insultes d’une parlementaire adressées dans sa région natale au journaliste emprisonné Cyuma Hassan Dieudonné Niyonsenga et indiqué à leur famille qu’ils sont emprisonnés dans des lieux que l’autorité ne veut pas communiquer. Il a enquêté et rapporté les doléances de la population de Kangodo (Bannyahe) et Kibiraro expropriée par force sans indemnisation préalable. Il a suivi leur procès de réclamation que la justice a rejeté au détriment de la loi alors qu’il était de bon droit pour les concernés.
Il a suivi et commenté la vente aux enchères des biens de Rwigara Assinapol décédé lui aussi dans un accident controversé et contesté par la famille et les proches.
Des questionnements sur certains points des déclarations de la police et des témoignages rapportés amènent certaines organisations et des personnes qui suivaient son engagement dans la défense des droits de l’homme à demander une enquête impartiale et indépendante sur le décès du journaliste.
Son journal The Chronicles a annoncé qu’il est mort dans la nuit du 17 au 18 janvier à 2H50 du matin à Kimihurura dans un accident impliquant un véhicule qui a percuté une moto sur lequel il se trouvait. Voir Au Rwanda, un journaliste critique du président Kagame meurt dans des « circonstances suspectes » (lemonde.fr). « John Williams Ntwali, 44 ans, rédacteur en chef du journal The Chronicles, a été tué mercredi lorsqu’un véhicule a percuté la moto sur laquelle il se trouvait en tant que passager. « Ntwali est décédé dans un accident le 18 janvier à 2 h 50 du matin à Kimihurura », une ville située à proximité de Kigali, a écrit The Chronicles sur Twitter ». Le journal Igihe.com et d’autres journaux de Kigali indiquent que l’accident a eu lieu au village de Gashiha dans la cellule de Kagina/District de Kicukiro.
Certains médias rapportent que John Williams Ntwali a été vu en public physiquement pour la dernière fois le 13 janvier 2023 dans le procès du Professeur Kayumba Christopher. D’autres affirment l’avoir eu au téléphone pour la dernière fois mardi le 17 janvier 2023.
Selon la Voix de l’Amérique Gahuza qui a interviewé son épouse, le représentant de la police Irénée Irere, son frère et un collègue journaliste du nom de Bihibindi Nuhu qui l’a vu pour la dernière fois. Son collègue journaliste qui s’est entretenu avec lui a indiqué qu’il s’est assis avec Ntwali à Nyamirambo au lieu appelé Mirongo ine (40) de 19H30 à 20H30. Dans l’entretien Ntwali aurait souligné qu’il n’avait pas confiance au téléphone et l’a fermé durant l’entretien. Signe qu’il se sentait suivi. Son épouse rapporte à la Voix de l’Amérique le 19 janvier 2023 qu’elle a vu son mari pour la dernière fois le 17 janvier vers 15H00. Elle a indiqué que son dernier contact au téléphone a eu lieu à 20H28 mn au moment où il lui disait qu’il prenait une moto. Elle a essayé de le contacter 10 mn après mais le contact était rompu. Elle a essayé de rappeler sans succès ; le contact était définitivement coupé. Elle n’a revu que son corps à la morgue.
La police affirme que l’accident a eu lieu dans la nuit du 17 au 18 janvier à 2H50 et qu’après l’accident le corps a été envoyé à la morgue de l’hôpital de Police à Kacyiru et qu’il n’était pas identifiable sans pièces d’identité. Qu’il a été identifié le 19 janvier 2023. Les frères du défunt dans l‘entretien avec le journaliste Eric Bagiruwubusa sur la VOA indiquent que la police leur a demandé en date du 19 janvier 2023, de visiter et d’identifier le corps de la victime à la morgue pour constater le décès et qu’ils n’ont pas eu des détails ; et ils ont indiqué qu’ils n’avaient pas la force d’en demander.
Par rapport aux autres renseignements sur sa carrière et son identification, certains journalistes au Rwanda rapportent que John Williams Ntwali fut militaire sous l’ancien régime alors que la famille affirme le contraire. Cela laisse poser des questions lorsqu’on sait le traitement réservé aux militaires de l’armée vaincue en 1994 par le FPR et comment ils ont été traités par l’actuel régime.
Par ailleurs, en rapport avec ses documents d’identification : en tant que journaliste se sachant en danger, John Williams Ntwali ne pouvait circuler sans identité, sans carte professionnelle et sans téléphone surtout que la plupart de ces contacts affirment l’avoir contacté pendant la journée de mardi 17 janvier 2023. Qui a spolié ses pièces d’identité et son téléphone parce que par son téléphone on pouvait aussi l’identifier ? Ce qui pourrait insinuer que cet accident de roulage serait un montage inventé pour brouiller les pistes d’enquête. Pourquoi veut–on absolument qu’il soit militaire de l’ancien régime alors que selon sa famille il est né en 1979 ? Pour dire qu’en 1994, il n’avait que 15 ans.
L’ODHR comme d’autres personnes qui suivaient l’engagement de John Williams Ntwali dans sa défense des sans- voix conteste cette version de la police à cause de ces incohérences et décalages entre dates d’apparition en public et de communication avec certains amis et journalistes et la date de constat et d’identification du corps.
Pour quelles raisons un tel accident d’un journaliste aussi connu que Ntwali n’a pas été rapporté et ait attendu deux jours pour être communiqué à sa famille et rendu public ? Sinon comment la police a identifié sa famille pour l’appeler pour constater le décès et sa soi-disant identification? Entre l’appel à son épouse à 20H28 et le moment d’accident déclaré par la police il y a 6H22’. Qu’est ce a pu se passer entre cet appel et le moment de l’accident? Seules les personnes qui ont pris les pièces d’identification et le téléphone de John Williams Ntwali savent ce qui lui est arrivé et comment il est décédé. De Nyamirambo au lieu-dit « Mirongo ine (40) » où il partageait une boisson avec son collègue journaliste Bihibindi Nuhu à 20H30 au quartier Giporoso (Remera) où il habitait la distance n’est pas longue (Moins de 20 km).
Par ailleurs, comme indiqué plus haut, son journal The Chronicles situe cet accident à Kimihurura. L’on sait que Kimihurura est situé dans le District de Gasabo alors que les autres journaux indiquent un endroit situé dans le district de Kicukiro. Apparemment quelque chose ne marche pas dans les données sur cet accident. Beaucoup de questions apparemment restent posées sans réponses..
Ce cas est une répétition des autres qui ont été contestés par les proches et les amis notamment celui de l’accident de roulage mortel de Rwigara Assinapol contesté par sa famille et les proches. D’autres ont été simulés en suicide ou en disparitions forcées et le Rwanda a toujours refusé des enquêtes transparentes et impartiales pour poursuivre les auteurs de tels actes de violations du droit à la vie. Il s’agit des cas de Kizito Mihigo, mort en détention, de l’avocat Donat Mutunzi, mort en détention, du médecin Gasakure Emmanuel, mort en détention, de Boniface Twagirimana, disparu en détention, de Bahati Innocent, sans trace malgré les déclarations des autorités qu’il a fui en Ouganda, d’Illuminée Iragena, disparue sur la route de son travail, du colonel Cyiza Augustin et du parlementaire médecin Hitimana Léonard, tous deux disparus dans la même période de temps et de beaucoup d’autres.
John Williams Ntwali savait aussi qu’il devait être tué mais cela ne l’a pas empêché de mener son travail de journaliste de manière professionnelle. Il était régulièrement harcelé et menacé par les fanatiques du régime. Il a exprimé à maintes reprises le manque de liberté d’opinion et d’expression au Rwanda. Il l’a dit surtout par rapport aux dossiers des personnes cités plus haut notamment dans les cas d’arrestations des youtubeurs dont Mme Yvonne Idamange et Karasira Aimable, dans les cas de harcèlement et d’arrestations des journalistes notamment Cyuma Hassan Dieudonné Niyonsenga et Theoneste Nsengimana et dans les cas des personnes subissant des injustices diverses en toute impunité.
Il avait exprimé ces inquiétudes dans les médias officiels notamment dans son interview avec le journal le Monde cfr« Au Rwanda, les journalistes youtubeurs font face à des menaces incessantes » (lemonde.fr) où il indique « Nous sommes parfois accusés de faire le lit de l’opposition ou même d’être des « forces négatives »…Le troisième grand défi, ce sont les menaces et les insultes incessantes. Elles ne viennent pas directement des autorités, mais plutôt de trolls ou de faux comptes sur les réseaux sociaux. Ils peuvent lancer une campagne contre une personne et porter atteinte à son image à tel point que l’opinion publique va commencer à penser qu’elle est dangereuse pour la société. Il devient alors facile de l’arrêter ».
Il l’avait exprimé aussi dans les médias sociaux notamment sur twitter en répondant aux trolls du régime où il soulignait qu’il se savait sur la liste des personnes qui devaient être tuées. Ci-après un échange entre Ntwali et un certain Ndoli Gitare identifié comme le sobriquet de l'ambassadeur rwandais Olivier Nduhungirehe:
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Ndoli Gitare, 15/11/2021 : "Pourquoi te trahirais-je alors que je ne partage pas ton combat? Les choses sont simples: si tu évites de propager tes rumeurs destinées à faire détester le pouvoir par le peuple et que tu évites de nier le génocide, comme Etienne Gatanazi qui est revenu dans le droit chemin, tu n'auras plus de problème avec la justice".
NTWALI John Williams 16/11/2021 répondant à Ndoli Gitare : "Monsieur l'ambassadeur, ne vous fatiguez pas. Je n'ai pas le pouvoir de me soustraire de la liste de ceux qui doivent être tués. Ce pouvoir est de la seule compétence de celui qui a mis mon nom sur la liste des candidats à la mort. Lorsque mon nom aura été effacé, il sera remplacé par celui d'un autre, car la liste est longue ; elle n'en finit pas de se renouveler"
L’ODHR demande au gouvernement rwandais d’autoriser une enquête transparente et impartiale sur les circonstances du décès du Journaliste John Williams Ntwali. Il demande aussi la protection de la famille de John Williams Ntwali et d’autres personnes en danger listées par ses trolls dans les médias.
L’ODHR demande au gouvernement rwandais de poursuivre ces trolls /auteurs de ces actes de harcèlement dans les médias dans la stricte légalité et dans le respect du principe d’égalité devant la loi rwandaise et les conventions protégeant les libertés individuels et droits fondamentaux dont le droit à la vie et la liberté d’opinion ratifiées par l’Etat Rwandais.
ODHR
Coordination