Très Saint-Père,

Je suis profondément honoré de vous présenter, une fois encore, en qualité de doyen du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, nos meilleurs vœux de bonne santé et de poursuite fructueuse de votre mission apostolique.

Permettez-moi d’exprimer la joie de vivre ensemble ce moment habituel de rencontre qui remplit nos cœurs d’espérance et qui présente symboliquement au monde les représentants des États rassemblés autour du Saint-Père. L’année au cours de laquelle la pandémie s’est prolongée a vu votre personne se dépenser sans relâche en faveur de la paix, de la construction du dialogue, de la défense de l’environnement et de la protection de nos semblables les plus faibles et sans défense. De toutes les manières, à temps et à contretemps, vous avez inlassablement affirmé qu’on ne se sauve pas seul. Comme vous l’avez indiqué dans l’Encyclique Fratelli tutti(1), la pandémie est sans aucun doute l’épreuve de notre temps dans laquelle personne ne peut s’isoler, ni comme individu ni comme collectivité. Il n’est pas possible de sortir de la crise sanitaire due à la Covid-19 en retrouvant la normalité perdue, avec ses inégalités et ses souffrances, mais en cherchant des solutions nouvelles qui font changer nos styles de vie. Avec Fratelli tutti, vous avez proposé une profonde « révolution » de la fraternité dont nous pouvons tous être des acteurs : les individus comme les États.

Être frères veut dire avoir une maison commune. C’est un message que vous avez aussi explicité dans l’Encyclique Laudato si’, de 2015 (2). Et il y en avait besoin ! Votre message a contribué toutes ces années à préparer un terrain fertile pour un changement d’approche de la politique environnementale, thème dominant de la Conférence des parties de l’ONU, mieux connue sous le nom de COP26, qui s’est tenue à Glasgow au cours de l’année qui vient de s’achever. Conscient que le problème ne peut être résolu que par la collaboration de tous, vous avez lancé et signé au Vatican, le 4 octobre dernier, un Appel conjoint adressé aux participants de la COP26(3), avec de nombreuses autorités religieuses et scientifiques, dans lequel l’adoption d’une éducation à l’écologie intégrale qui favorise un modèle culturel centré sur la fraternité est demandée. Tous frères dans une maison commune ! C’est un message que chacun peut comprendre et qui a une haute valeur morale et politique. Saint-Père, vous demandez un changement de cap urgent en passant de la « culture du rejet » à une « culture du soin de la maison commune », puisque les jeunes « hériteront de la planète que nous choisissons de leur laisser. (…) Le moment est venu de prendre des décisions qui leur donnent un motif d’espérance dans l’avenir » (4).

Saint-Père, je voudrais rappeler ici vos paroles du Message pour le lancement du Pacte éducatif mondial de 2019 : « Chaque changement nécessite un parcours éducatif pour faire mûrir une nouvelle solidarité universelle et une société plus accueillante » (5). La force de ce message de paix retentit chaque année davantage. Devant l’apparition de nouvelles souffrances et l’aggravation de drames anciens, vous n’offrez pas de solutions simplistes à l’horizon limité mais vous nous invitez à édifier une paix durable. Chacun de nous est, et doit, se sentir protagoniste de la construction d’un monde pacifié en concentrant nos actions en trois axes que vous avez identifiés et bien définis : encourager le dialogue entre les générations en réalisant des projets partagés ; promouvoir l’éducation comme facteur de liberté, de responsabilité et de développement ; garantir des conditions de travail qui réalisent la dignité humaine (6).

Saint-Père, votre extraordinaire sensibilité à la souffrance humaine et à l’instabilité sociale est apparue avec force lors de votre voyage au cœur de l’Europe, en Slovaquie. Vous y avez défendu la dignité et le droit au travail avec des paroles que je me permets de partager : « De même que sans pain il n’y a pas de nourriture, sans travail il n’y a pas de dignité » (7). Vous invitez à construire des sociétés justes et solidaires fondées sur le travail afin que « personne ne se sente exclu et se voie forcé de quitter la famille et la terre d’origine en quête d’un plus grand bonheur » (8). Là où ces conditions sont encore à construire, il ne faut pas que le monde se détourne.

Saint-Père, votre appel en faveur de l’intégration des migrants, lancé durant votre « pèlerinage aux sources de la fraternité et de l’humanité » à Chypre et en Grèce, était fort : « La mer, qui embrasse de nombreux peuples, nous rappelle, par ses ports ouverts, que les sources de la coexistence résident dans l’accueil réciproque » (9). Votre Sainteté, à Chypre, vous avez exhorté la communauté internationale afin qu’elle fuie la tentation d’ériger des « murs de la peur » et vous avez souhaité que l’île, carrefour des civilisations, puisse devenir « un chantier de paix » (10). J’ai été un témoin direct de votre Voyage apostolique à Chypre, majoritairement orthodoxe, et j’ai pu constater comment votre présence, non seulement suscite l’enthousiasme, mais unit et donne l’espérance. En Grèce, vous avez focalisé l’attention sur l’importance de l’accueil parce que lorsqu’il s’agit de migrants, de réfugiés ou de personnes déplacées, des vies humaines sont en jeu, et vous avez souligné que « lorsque les pauvres sont rejetés, c’est la paix qui est rejetée » (11).

La paix et le dialogue ont été au centre de votre voyage historique en Irak où, dans le sillage de l’Encyclique Fratelli tutti, vous avez mis l’accent sur le concept et la pratique de la fraternité, en poursuivant contextuellement le parcours tracé par la Déclaration sur la Fraternité humaine signée à Abu Dhabi. Saint-Père, à l’occasion de la rencontre avec les autorités au Palais présidentiel de Bagdad en mars dernier, vous avez rappelé qu’« une société qui porte l’empreinte de l’unité fraternelle est une société dont les membres vivent dans la solidarité », mais vous avez aussi lancé un appel à la communauté internationale pour qu’ « elle ne retire pas la main tendue de l’amitié et de l’engagement constructif » pour le maintien de la paix (12).

Saint-Père, permettez-moi de reconnaître votre engagement en faveur de la valorisation des femmes et de la reconnaissance du rôle actif de la femme dans la société et dans la construction de l’histoire de l’humanité. Je fais miennes vos paroles : « Nous devons nous battre, lutter, pour la dignité des femmes. Ce sont elles qui font avancer l’histoire » (13).

Nous avons vu en vous, Saint-Père, un courage évangélique qui nous inspire. Devant le Colisée, le 7 octobre 2021, lors de la cérémonie interreligieuse organisée par la Communauté de Sant’Egidio, presque en regardant le monde à venir, vous avez dit : « Voilà le vrai courage, le courage de la compassion, qui fait aller au-delà d’une vie tranquille, au-delà du cela ne me regarde pas et du cela ne m’appartient pas. Afin de ne pas laisser la vie des peuples se réduire à un jeu entre puissants. Non, la vie des peuples n’est pas un jeu, elle est une chose sérieuse et concerne tout le monde » (14). Ce sont des paroles qui inspirent votre ministère, mais aussi notre action de diplomates et de famille diplomatique. Nous voulons tous partager votre courage, en témoignant que la vie des peuples est une chose sérieuse qui nous regarde tous.

Saint-Père, je vous prie d’accepter les vœux les plus fervents de bonne année et de bonne santé. Je tiens à vous remercier au nom de la famille diplomatique près le Saint-Siège que je représente en tant que doyen, pour la force que vous nous avez transmise durant l’année qui vient de s’écouler.

Merci, Saint-Père, pour votre œuvre infatigable, espérance pour de nombreux peuples, pour beaucoup d’hommes et de femmes.

____________________________________

(*) Titre de La DC.

(1) Pape François, Lettre encyclique Fratelli tutti sur la fraternité et l’amitié sociale, 3 octobre 2020.

(2) Pape François, Lettre encyclique Laudato si’sur la sauvegarde de la maison commune, 24 mai 2015 ; DC 2015, n. 2519, p. 5-71.

(3) Appel conjoint du pape François et des religieux et scientifiques du monde entier aux participants de la COP26, 4 octobre 2021.

(4) Pape François, Message à M. Alok Sharma, président de la COP26, 29 octobre 2021.

(5) Pape François, Message pour le lancement du Pacte éducatif mondial, 12 septembre 2019.

(6) cf. Pape François, Message pour la 55e Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2022.

(7) Pape François, Rencontre avec les autorités, la société civile et le Corps diplomatique, Palais présidentiel, Bratislava, 13 septembre 2021.

(8) Ibid.

(9) Pape François, Message Vidéo à la veille du Voyage apostolique à Chypre et en Grèce, 27 novembre 2021.

(10) Pape François, Rencontre avec les autorités, la société civile et le Corps diplomatique, Palais présidentiel, Nicosie, 2 décembre 2021.

(11) Pape François, Visite aux réfugiés, Mytilène, Grèce, 5 décembre 2021.

(12) Pape François, Discours devant les autorités irakiennes, Bagdad, 5 mars 2021.

(13) Pape François, Conférence de presse, Voyage apostolique en Irak, 8 mars 2021.

(14) Pape François, Discours au terme de la Rencontre de prière pour la paix, organisée par la communauté de Sant’Egidio, Colisée, Rome, le 7 octobre 2021.