Kigali aux côtés des FARDC pour détruire les Nande, neutraliser la MONUSCO, attaquer l’Ouganda et le Burundi
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
"Kigali aux côtés des FARDC pour détruire les Nande, neutraliser la MONUSCO, attaquer l’Ouganda et le Burundi, et neutraliser le RNC de Kayumba
Si au Sud-Kivu, Kagame prend progressivement le dessus sur le RNC de Kayumba qui est pratiquement neutralisé, sa guerre larvée contre le Burundi risque de prendre d’autres proportions en 2020.
Les massacres contre les populations Nande du Nord-Kivu ne seraient, selon moi, pas motivés par une certaine idéologie religieuse islamiste d’autant que les cibles visées ne concernent pas directement les symboles de l’Etat. Ce qui est clair, c’est que les Nande représentent l’ethnie majoritaire au Nord-Kivu, qui a toujours dominé l’économie de la région en s’opposant notamment à l’hégémonie régionale des populations rwandophones. Les Nande, qui contrôlent l’essentiel des leviers économiques, dérangent sans doute certains leaders de la région, dont l’ancien président Joseph Kabila qui est détesté par les Nande depuis son divorce politique avec Antipas Mbusa Nyamwisi en 2011. En soutenant massivement Martin Fayulu aux élections de 2018, les Nande ont amplifié leur aversion à Kabila et sanctionné son dauphin Emmanuel Shadary. C’est ainsi que les massacres de Beni représentent, selon notre conviction, sur base de nos analyses, un moyen pour Kabila et pour Kagame, dans une conjonction d’intérêts politiques et géopolitiques respectifs, de soutenir un faux groupe armé extrémiste. L’objectif est de soustraire le contrôle économique et politique de la région aux Nande en y semant le désordre par le biais des « présumés ADF » qu’ils ont créés et que les deux présidents entretiennent par leurs hommes de main locaux. Les attaques répétées contre les convois des marchandises et les assassinats répétés des commerçants nande sur les routes Butembo-Beni-Kasindi-Ouganda, Butembo-Beni-Bunia (Ituri) et Butembo-Goma visent clairement à étouffer économiquement les deux principales zones de prospérité économique nande (Beni, Butembo et Oicha), ce qui, à terme, faciliterait leur soumission aux ambitions hégémoniques du Rwanda de Kagame.
La présence camouflée rwandaise vise également à utiliser les maï-maï intégrés dans l’armée pour attaquer l’Ouganda sous label ADF et attaquer les positions de la MONUSCO, comme lors des attaques contre les casques bleus tanzaniens en 2015 et décembre 2017[21] au cas où le Conseil de sécurité de l’ONU déciderait d’impliquer activement la brigade d’intervention pour mettre fin aux activités des groupes armés.
Dans cet imbloglio sécuritaire, le grand perdant est le président Tshisekedi. Le chef de l’Etat congolais qui se refuse de se faire une analyse objective de la situation afin de prendre des mesures efficaces attendues par l’ensemble de la population congolaise pour pacifier cette zone. Au contraire, il préfère poursuivre le même schéma stratégique adopté par son prédécesseur dont les prises de position diplomatiques ont été jugées accommodantes envers le Rwanda. Kagame a une fixation hégémonique géopolitique pathologique sur l’Est de la RDC qui lui sert de cave minière pour exporter à moindre coûts (suppression des barrières douanières) les produits tirés de la contrebande minière en RDC et rentabiliser davantage ses profits économiques[22]. Le Rwanda lorgne sur la RDC, par l’exploitation de rapports déséquilibrés entre d’une part, l’Etat fort qu’est le Rwanda et d’autre part, l’État ruiné qu’est la RDC. Cela fait partie d’une stratégie rwandaise pour consolider ses intérêts stratégiques en RDC. Car l’exploitation des richesses minières à l’Est de la RDC est cruciale pour l’équilibre budgétaire de l’État rwandais, ainsi que pour l’enrichissement personnel de son élite politico-militaire[23]. Lors de toutes les guerres directes ou par procuration menées par le Rwanda en RDC à partir de 1996-1997, plusieurs auteurs ont démontré, au-delà des motivations sécuritaires, que leur mobile primordial était géoéconomique[24], [25].
L’autre motivation géostratégique du Rwanda est de réinvestir l’espace oriental de la RDC où son influence ne cessait de diminuer. En réalité, la perte d’influence du Rwanda en RDC a commencé progressivement en 1998. C’est depuis cette année que le Rwanda, par l’entremise des rébellions qu’il a soutenues en RDC perd du terrain. En effet, avec l’AFDL, le Rwanda contrôlait toute la RDC. James Kabarebe, l’actuel Conseiller militaire de Kagame et ancien ministre de la Défense du Rwanda, fut d’ailleurs chef d’état-major général des forces armées congolaises, les FAC. La création du RCD a permis au Rwanda d’occuper les deux Kivu, le Maniema, une partie de la Province Orientale et du Katanga, soit un tiers du territoire congolais. On peut constater que cet espace a rétréci. Entre 2006 et 2009, le CNDP s’est contenté de Rutshuru et de Masisi. Par ailleurs, avant d’être chassé de la RDC, le M23 n’a régné que sur la moitié du territoire que le CNDP contrôlait. Depuis la défaite du M23, le Rwanda a vu son influence militaire territoriale, malgré des éléments infiltrés dans l’armée et dont plusieurs sont morts ou ont vieilli, se réduire drastiquement. Ainsi, les massacres de Beni et les opérations en cours sont des moyens pour renforcer la présence militaire rwandaise et investir les territoires riches en terres arables et en ressources minières.
Ce sont ces motivations que semblent probablement ignorer le président Tshisekedi ou auxquelles il collabore en double reconnaissance à son alliance politique avec Kabila et au soutien régional de taille lui apporté par Kagame lors de son élection très contestée."
Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC
Références