François Bayrou : « Si Alain Juppé perd la primaire, j’exercerai ma liberté »
26/02/2016
François Bayrou, président du Mouvement démocrate, était hier l’invité de l’émission « Face aux chrétiens », présentée par Frédéric Mounier et coproduite par KTO. Il répondait aux questions de Véronique de La Maisonneuve (RCF), Louis Daufresne (Radio Notre-Dame) et Laurent de Boissieu (La Croix).
François Bayrou. / Gaizka Iroz/AFP
La crise idéologique à gauche peut-elle déboucher sur une recomposition politique ?
François Bayrou : Cette fracture de la gauche est une donnée majeure. Ce qui s’achève, c’est le cycle ouvert en 1971 par la prise du pouvoir de François Mitterrand au sein du PS, fondé sur l’union de la gauche avec le PCF. Il faudra longtemps à la gauche pour se reconstruire, ce qui va faire naître un nouveau paysage politique. La France aura besoin d’une force politique forte et indépendante qui, au centre de la vie politique, permettra de reconstruire différemment les majorités. La rupture de la gauche, l’existence du FN et du Front de gauche font que le pluralisme va devoir s’imposer. Or, la vie politique dans un paysage pluraliste possède des règles différentes de la vie politique où deux partis monopolisent le pouvoir. Alain Juppé est aujourd’hui le mieux placé de ceux qui veulent qu’on sorte de ce système.
C’est pourtant contre Alain Juppé que vous aviez refusé de participer, en 2002, à la création de l’UMP…
F. B. : L’erreur fondamentale de l’UMP a été de prétendre qu’il y aurait un parti unique de la droite et du centre, ce qui a empêché qu’il y ait une expression de droite et une expression du centre. Le FN a prospéré sur l’absence de droite. Tandis que l’absence de centre a été une formidable chance pour le PS. J’ai eu raison, même seul contre tous, de refuser ce prétendu parti unique. Alain Juppé se présente aujourd’hui comme plus indépendant des appareils partisans. Surtout, il a fait un choix fondamental et que je considère comme crucial : il veut former une équipe gouvernementale qui ne soit pas enfermée dans les frontières partisanes, qui ne soit pas limitée à un parti. Je serai là pour l’aider.
Vous verriez-vous premier ministre d’Alain Juppé ?
F. B. : Non, parce que je considère que le premier ministre d’un président nouvellement élu doit appartenir au parti majoritaire à l’Assemblée nationale.
Irez-vous voter à la primaire de la droite ?
F. B. : À titre personnel je ne voterai pas à la primaire, car cela voudrait dire respecter le choix qui en sort. Je veux garder ma liberté car il y a un choix que je suis prêt à soutenir et des choix que je ne suis pas prêt à soutenir.
Ce qui signifie qu’en cas de défaite d’Alain Juppé vous serez à nouveau candidat ?
F. B. : Nous en parlerons le moment venu, mais soyez assuré que je garderai ma liberté et que je l’exercerai.
Dans la primaire, que va coûter à Nicolas Sarkozy sa mise en examen sur son compte de campagne ?
F. B. : Moins qu’on ne croit, sauf développements ultérieurs. Le trucage des comptes de campagne pose des questions démocratiques fondamentales. Si c’est prouvé, cela voudrait dire que l’élection présidentielle ne s’est pas jouée à égalité de chances. En France, contrairement aux États-Unis, nous avons voté des lois pour empêcher une mainmise de l’argent. Ne pas respecter ces lois, c’est ruiner cette idée de notre vie démocratique.
L’alternative n’est-elle pas davantage incarnée par l’extrême droite que par le centre ou la droite ?
F. B. :Les propositions du Front national, comme l’affirmation qu’il suffit de sortir de l’Union européenne pour régler les problèmes, sont mortelles pour la France. Je refuse que la question de l’identité soit monopolisée par l’extrême droite car les peuples ont besoin d’identité. Je récuse l’idée que Marine Le Pen soit le seul défenseur de l’identité française parce qu’il existe une manière plus rayonnante de vivre l’identité française que de la bâtir sur un rejet.