Rwanda referendum : "Ne pas aller voter, c’est voter en faveur d'une présidence à vie (Thomas Nahimana)
Par Guy Chibalonza, Tribune Franco-Rwandaise (TFR).
Entretien avec l'Abbé Thomas Nahimana, Leader du Parti ISHEMA
TFR : Que pensez-vous du Référendum constitutionnel organisé par le Régime de Kagame en vue de lui permettre de briguer un 3e mandat présidentiel ?
TN : Le problème n’est pas le Référendum en soi qui est un instrument légal et légitime. Ce Référendum devrait être une belle opportunité pour le peuple rwandais d’exprimer sa volonté contre la dictature insensée et en faveur de la démocratie. Force est de reconnaitre que ce que Paul Kagame et sa clique organisent ne peut pas être un vrai Référendum lorsque le peuple appelé aux urnes ne peut pas voter librement mais plutôt est forcé d’avaliser une loi contre-nature qui va instituer une « présidence à vie » pour un individu qui se croit au- dessus de toute loi, fut-elle constitutionnelle. Mais il nous faut faire la part des choses : aucun cadeau n’étant pas attendu de la part de Paul Kagame et sa clique, il revient au peuple et aux Leaders de l’opposition d’organiser la résistance, par tous les moyens, y compris le vote lui-même.
Jadis un Referendum avait banni la monarchie et instauré la République, il y a 54 ans de cela. Aujourd’hui, avec le 2e ce Référendum de l’histoire du Rwanda, Paul Kagame n’est pas en train de briguer un troisième mandat présidentiel mais plutôt plusieurs. L’article 167 de la nouvelle Constitution- qui a plutôt les allures d’une vraie « Charte de la tyrannie »- lui donne la voie libre pour rester au pouvoir au moins jusqu’en 2034 ! Cet homme qui se croit à tort être un roi indispensable et irremplaçable devient ainsi un réel danger public, national et international. C’est au peuple rwandais -avec l’aide de la communauté internationale- de prendre ses responsabilités et de rappeler à l’ordre son « homme fort », avant qu’il ne soit trop tard.
TFR : TFR a été informé d’un incident survenu ce matin à l’ambassade du Rwanda à Paris alors que vous vous apprêtiez à voter.
A. Pouvez-vous nous parler de cet incident ?
TN : En réunion des Partis politiques de la coalition dite de « La Nouvelle Génération », nous avons décidé d’aller nous acquitter de notre devoir civique de voter NON à la révision constitutionnelle. Je me suis donc rendu à Paris ce jeudi 17 décembre 2015 accompagné de quelques membres de notre parti. Arrivé à l’ambassade, 12 Rue Jadin, nous nous sommes entretenus avec les policiers français qui assuraient la sécurité du coin, puis avons sonné à la porte. J’ai décliné mon identité et ai présenté mon passeport rwandais. J’ai en outre signalé que j’étais Leader politique issu de l’opposition rwandaise. L’agent d’ambassade qui ne pouvait pas cacher son trouble n’a pas voulu nous laisser entrer prétextant que nous ne figurions pas sur la liste électorale. Pourtant, il n’avait pas cette liste sous la main. Nous avons souhaité vérifier si nous n’étions pas réellement inscrits sur cette liste. Il a carrément refusé ! Devant cette porte de l’Ambassade, sous les yeux de policiers français médusés, nous avons eu un échange houleux avec ce Monsieur et nous avons pu expérimenter le MEPRIS que les agents de Paul Kagame vouent au peuple rwandais en général et aux membres de l’opposition en particulier. C’est très grave.
Je signale qu’un pareil incident est également survenu dans la matinée à l’ambassade du Rwanda au Pays-Bas où Jean Damascène Ntaganzwa Vice-président du Parti UDFR-Ihamye et ses compagnons se sont vu refuser le droit d’entrer à l’ambassade pour voter. C’est dire que l’opposition rwandaise n’a plus le droit de voter. Si les agents du FPR osent nous traiter de la sorte en France et au Pays-Bas, avec quels mépris et méchanceté traitent-ils le peuple sous leur griffes à l’intérieur du Rwanda ?
B. Pourquoi avoir tenu à participer à ce que vos collègues de l’opposition considèrent comme une mascarade ?
TN : Je crois que nous, membres de l’opposition rwandaise de l’extérieure, devrions changer de mentalité et abandonner la politique de la chaise vide qui ne conduit qu’a l’échec et la désolation.
Une élection est toujours une opportunité offerte au peuple. Vous pouvez en faire ce que vous voulez : en profiter ou la laisser filer ! Qualifier une élection de « mascarade » sans même s’être donné la peine d’y participer est un signe de plus d’immaturité politique notoire. Bien pire, faute de motivation ou par peur du risque, certains politiciens prennent le raccourci de prêcher le boycott alors même qu’ils n’envisagent aucune voie de sortie ! Cela ne s’appelle pas faire de la politique, c’est de la lâcheté pure et simple qui conduit à un suicide politique en bonne et due forme ! A quoi servirait-il de s’esquinter en jouant en dehors du terrain ? Allez donc marquer vos très beaux buts, très loin en dehors du terrain !!! On ne peut boycotter un processus électoral auquel on ne participe pas activement. L’opposition burundaise en a fait les fraies à plusieurs reprises ! Et il y en a qui ne comprennent toujours pas ! Arrêtons d’abuser de la patience du peuple en racontant n’importe quoi !
Sachons au moins une chose : le droit de vote est un droit très sacré. Rappelons-nous que, au Rwanda comme ailleurs, des hommes et des femmes respectables se sont battus bec et ongles jusqu’à verser leur sang pour acquérir ce droit. Ainsi, quand un régime même criminel comme celui du FPR appelle le peuple aux urnes, ne pas aller voter est un CRIME CIVIQUE ! Nous savons bien que le FPR organise des élections non pas par conviction démocratique mais parce que, pour une fois, il est liée par des obligations internationales. C’est l’unique opportunité dont le peuple dispose pour administrer une bonne fessée au Dictateur ! Appeler le peuple à ne pas aller voter, c’est faciliter la tâche au Dictateur qui ne manque pas d’avoir très peur du changement à chaque échéance électorale. En l’occurrence, ne pas aller voter NON c’est jouer le jeu de Paul Kagame qui attend toujours d’être sauvé par la lâcheté et la couardise des Leaders politiques de l’opposition qui préfèrent fuir le champ de bataille ! En effet, si 20 % de la population se déplace pour voter (pour Kagame), les élections sont validées au détriment des 80 % de lâches qui ont décidé de rester à la maison. Par leur non-engagement, les 80 % de lâches auront réellement validé le STATU QUO ! A qui cela profite-t-il donc ?
C. Quelle action comptez-vous entreprendre pour dénoncer cette violation flagrante de votre droit d’expression ?
TN : Ce qui est sûr c’est que nous ne resterons pas les bras croisés ! Une réunion d’urgence du Bureau politique du Parti ISHEMA se tiendra ce dimanche 20 décembre 2015, à 20h et décidera d’une vraie stratégie d’action pour les jours avenir. Avec les partis de « La Nouvelle Génération », nous serons à mesure d’organiser une réplique appropriée, et nous vous laisserons le soin de l’apprécier en ses effets. Au-delà d’un Référendum truqué, la politique doit continuer.
D. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs votre décision de retourner au Rwanda, le 28 janvier 2016, afin de vous présenter comme candidat à l’élection présidentielle de 2017 contre le Président sortant Paul Kagame ?
TN : Que voulez-vous que j’explique ? Paul Kagame ne partira pas s’il n’est pas évincé ? Or, il n’y a que deux voies pour réussir une telle éviction : la voie des armes et celle des urnes. N’étant pas armés pour le moment, notre coalition de partis de « La Nouvelle Génération » a stratégiquement opté pour la voie des urnes. La voie de la non-violence reste pour nous la meilleure des options. De fait, nous ne sommes pas aveugles, nous n’ignorons pas que cette voie est trop dure au vu des crimes et agissements dont notre adversaire est capable. En revanche, nous ne sommes pas du nombre de ceux qui cherchent le salut dans la fuite, voilà tout.
E. Pensez-vous comme certains que votre candidature sert à légitimer des élections gagnées d’avance par Kagame ?
TN : Seuls les lâches, les amateurs et les propagandistes du FPR peuvent adopter un raccourci aussi mortifère ! Aucun politicien avisé ne peut succomber à une telle erreur de jugement. Ceux qui professent une telle contre-vérité sont mathématiquement du camp de Paul Kagame et ils ont pour mission de tuer dans l’œuf toute tentative d’organisation de l’Opposition. Comment le Dictateur Kagame pourra-t-il déguerpir si personne ne l’évince ? Ne me croyant être ni lâche, ni amateur, ni propagandiste du FPR, je vais donc mon chemin. Seule l’histoire jugera notre action.
Pour de vrai, ceux qui « légitiment des élections gagnées d’avance par Kagame » sont les lâches qui laissent Kagame seul dans le jeu et n’essaient aucunement de lui barrer la route. En cela, je salue avec respect le courage et l’action de Madame Victoire INGABIRE UMUHOZA qui doit être libérée sans délai et sans condition aucune. Et je m’inscris avec fierté dans la continuité de l’engagement citoyen qu’elle a entrepris.
Vive la République,
Que Vive le peuple rwandais.
Abbé Thomas Nahimana
Leader du Parti ISHEMA
Candidat de « La Nouvelle Génération » aux présidentielles rwandaises de 2017