Ejo : recueil de nouvelles de Beata Umubyeyi Mairesse, métisse belgo-rwandaise rescapée du génocide
PRÉSENTATION DE L'OUVRAGE
EJO DE BEATA UMUBYEYI MAIRESSE
Ejo, seulement trois lettres pour dire notre origine et notre avenir. Un seul petit mot en kinyarwanda, la langue nationale du Rwanda, pour reconquérir la vie, retrouver les mots d’avant et inventer ceux d’après le génocide des Tutsi. Ejo, comme un exilir de paroles croisées, vivantes, vibrantes, ambiancées, de femmes très attachantes en quête d’elles-mêmes, comme nous le sommes de nous-mêmes – la terrible parenthèse du pire en moins. Et une jeune auteure franco-rwandaise Beata Umubyeyi Mairesse, exceptionnelle conteuse qui, en dix nouvelles, réinvente l’avenir d’un pays meurtri. Une écriture sans concession, à bras ouverts, alerte, pleine d’humour, de tendresse et de courage. Embarquement assuré vers l’autre. Le seul voyage qui vaille d’être vécu.
AVANT PROPOS DE L’AUTEURE :
« J’ai appris le français avec les Belges et l’anglais avec les Canadiens. Ce qui m’a plus tard donné l’impression d’écrire et de parler avec des langues de seconde main. En kinyarwanda, seconde-main se dit sekeni et vient de l’anglais second-hand. Le kinyarwanda est ma langue maternelle, celle avec laquelle j’ai commencé à nommer le monde, dans laquelle on m’a attribué un nom – Umubyeyi. Le français est arrivé très vite après, à la maternelle de l’école internationale (belge) de Butare. Quelques années plus tard, dans cette même école, c’est une dame aux traits asiatiques, venue de Vancouver, je crois, qui m’apprendrait mes premiers mots d’anglais.
Lors d’un récent séjour au Rwanda, j’ai réalisé que nous étions ainsi quelques-un(e)s de ma génération à jongler aisément et constamment avec l’anglais, le kinyarwanda et le français, utilisant une langue ou l’autre à-propos, comme un costume que l’on adapte à l’interlocuteur ou l’interlocutrice en face de soi.
Toute mon enfance, j’ai été habillée de fripes achetées au marché de Butare. J’aime bien les affaires d’occasion. On n’a pas peur de les abîmer, elles ont déjà affronté la réalité. Certes, elles sont moins flamboyantes, mais tellement plus fiables. Moins exigeantes aussi. J’avais, à quinze ans – à la veille du génocide – un vêtement d’occasion auquel je tenais particulièrement car il était réversible. Un de ces gilets sans manches que l’on portait alors sur un T-shirt ou une chemise. Noir d’un côté, rouge de l’autre. Une peau métisse génère un tas de représentations. Blanche en Afrique, noire en Europe. Souvent, c’est en parlant aux gens dans leur propre langue, sans le moindre accent, que j’ai réussi à me libérer de la caricature. Porter sa peau comme on porte un vêtement réversible. Pour sauver cette peau, pendant le génocide, j’ai prétendu que je ne parlais pas du tout le kinyarwanda. Renier ma langue maternelle. Être blanche pour leur faire oublier que j’étais aussi noire, Tutsi.
Dans la plupart des langues, hier et demain sont désignés par des mots différents. En kinyarwanda, qui est pourtant une langue très riche et raffinée, c’est un même mot qui exprime les deux temporalités : ejo. C’est dans les méandres du récit, dans la conjugaison des regrets, que l’on devine le temps désigné.
Et aujourd’hui ? Ce n’est pas simple.
Rescapée, transfuge social et « racial »; j’ai tenté, dans ces quelques textes de fiction, de peindre cet ejo complexe, à travers des histoires de femmes qui disent leur passé simple, leur conditionnel présent et leur futur, certainement imparfait. Des textes qui illustrent combien hier épuise, hante et bouleverse la vie des survivant(e)s du génocide des Tutsi du Rwanda.
Ceci n’est pas un recueil de nouvelles du génocide. Il y est question de l’avant, l’ejo-hier, ces années d’espoir et d’inquiétude mêlées, mais il s’agit surtout ici des jours d’après, l’ejo-demain de la survivance. »
Lundi 11 mai :
http://www.franceculture.fr/emission-au-singulier-beata-umubyeyi-mairesse-15-le-musee-ethnographique-de-butare-au-rwanda-2015-05
Aujourd’hui, elle évoque un lieu : le musée ethnographique de Butare ou « musée national du Rwanda / Ingoro y’Umurage w’u Rwanda ». Elle avait dix ans quand il s’est ouvert dans la ville de son enfance, à Butare. Entouré d’un très joli jardin, ce musée raconte l’histoire et la culture de son pays, qu’elle a quitté à quinze ans, en 1994…
Mardi 12 mai :
http://www.franceculture.fr/emission-au-singulier-beata-umubyeyi-mairesse-25-liquidation-de-imre-kertesz-2015-05-12
Aujourd’hui, elle évoque un livre relié à un lieu : le texte Liquidation de Imre Kertesz (éd. Actes Sud, Traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba, 1990, réed. 2004), puis son adaptation théâtrale, font écho à une visite qu’elle a faite en 2005, dans le camp d’Auschwitz. Elle trouve dans ce livre les mots qui disent le même malaise qu’elle a ressenti dans ce lieu : en tant que survivante d’un autre génocide, elle pensait y vivre quelque chose de particulier, mais s’était trouvée en décalage avec le tourisme mémoriel qui y régnait…
Mercredi 13 mai :
http://www.franceculture.fr/emission-au-singulier-beata-umubyeyi-mairesse-35-the-black-power-mixtape-2015-05-13
Beata parle d’un film documentaire : The black power mixtape de Göran Hugo Olsson (2011). Réalisé à partir d’images des archives de la télévision suédoise, tournées entre 1967 et 1975, ce film raconte autrement et subjectivement les Black Panthers. Il mêle musique, reportages et interviews de différents artistes, activistes ou musiciens qui sont des piliers de la culture afro-américaine.
Jeudi 14 mai :
http://www.franceculture.fr/emission-au-singulier-beata-umubyeyi-mairesse-45-one-day-i-will-write-about-this-place-de-binyavanga
Beata évoque un livre, lu la nuit : Un livre : One day I will write about this place de l’écrivain et journaliste kenyan Binyavanga Wainaina (éd. Granta Books, 2011 – non traduit en Français).
Vendredi 15 mai :
http://www.franceculture.fr/emission-au-singulier-beata-umubyeyi-mairesse-55-%C2%ABendangered-species%C2%BB-de-dianne-reeves-2015-05-15
Beata évoque une chanson : «Endangered Species» de la chanteuse Jazz Dianne Reeves (album Art and Survival, EMI, 1994)