Rwanda/France - moyens d'enquête renforcés pour le pôle génocide
Paris, 13 juillet 2012 (FH) – Arrivée au Rwanda la semaine dernière pour apaiser les critiques sur la lenteur des procédures françaises liées au génocide de 1994, une mission judiciaire française poursuit ses enquêtes sur le terrain avec des moyens renforcés, dont l'agence Hirondelle a obtenu les détails.
La mission judiciaire arrivée le 2 juillet était composée de douze personnes. Deux juges d'instruction, la magistrate du parquet chargée de ces dossiers, une greffière et, surtout, huit enquêteurs de la section de recherche (SR) de la gendarmerie parisienne. Leur commandant, le colonel Mathieu Frustié, était lui-même sur place pendant la première semaine de cette mission "pour rencontrer, dit-il, ses interlocuteurs de terrain".
Jean-Bosco Sibiyintore, qui dirige la Genocide Fugitive Tracking Unit (GFTU), a salué "la volonté et l'engagement" de la justice française dans les poursuites de Rwandais résidant en France. "C'est la première fois que la France envoie une mission judiciaire de ce niveau et de cette taille", a-t-il déclaré à l'AFP.
Tandis qu'au sein du pôle spécialisé, les juges d'instruction – dont un seul sur les quatre prévus est aujourd'hui à plein temps – comme le parquet - réduit à un magistrat au lieu des deux prévus –, devront, selon nos informations, attendre septembre avant de pouvoir annoncer des effectifs renforcés, le groupe spécialisé de la SR gendarmerie, créé en janvier 2010, a profité de cette visite pour faire une – modeste – démonstration de force.
"Le groupe passe de quatre enquêteurs au format d'une division, à effectif de dix très rapidement, voire de douze", annonce le colonel Frustié, joint par l'agence Hirondelle. "La cible, c'est d'avoir quatre officiers et huit enquêteurs expérimentés", précise-t-il. Une force relative, mais désormais au niveau des autres équipes spécialisées montées il y a plusieurs années en Belgique, aux Pays-Bas, et ailleurs dans le monde.
Outre les dossiers rwandais, au nombre d'une vingtaine devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, les enquêteurs spécialisés sont progressivement saisis d'autres affaires, de torture notamment, au titre de la compétence universelle ou de demandes d'entraide pénale internationale venues soit de pays tiers, soit de la Cour pénale internationale.
Dans les dossiers rwandais, le rythme de leurs missions, d'environ une par mois depuis le réchauffement des relations diplomatiques franco-rwandaises début 2010, "ne va pas s'accentuer", indique le colonel Frustié. "Mais nous allons augmenter le volume d'enquêteurs actifs sur ces missions", que les enquêtes les conduisent au Rwanda ou ailleurs dans le monde.
"Nous sommes déterminés à traiter ces dossiers, on se met en ordre de bataille pour les traiter, et donc nous aurons besoin du soutien des autorités rwandaises sur le terrain, de la part notamment du GFTU", poursuit-il.
Durant les quatre jours de sa visite, le colonel Frustié a pu rencontrer l'auditorat militaire, plusieurs responsables du GFTU, les procureurs locaux avec lesquels les enquêteurs français travaillent – à l'exception de celui de Gisenyi qui était absent. Il a également pu rencontrer le procureur général adjoint, mais pas le procureur général Martin Ngoga – indisponible – qui s'en était pris violemment à la lenteur des procédures françaises en mars dernier.
"On est en train de poser les bases d'une très bonne coopération et du futur format de travail, estime Frustié. Les policiers du GFTU nous sont extrêmement utiles pour ouvrir des portes sur le terrain, les procureurs lorsque l'on a besoin d'auditionner des prisonniers, l'auditorat militaire pour retrouver la piste d'un certain nombre de personnes. J'étais très heureux de cette visite."
"On a été très bien accueillis. Le fait de voir concrètement une grosse mission, ça matérialise le fait que les autorités judiciaires françaises prennent en compte leur problème de fugitifs", résume le colonel. "Mais la priorité aujourd'hui, c'est d'aboutir dans un premier dossier rapidement pour aller aux Assises, sachant bien évidemment que l'on enquête à charge comme à décharge."
Au pôle génocide de Paris, personne n'est actuellement en mesure d'indiquer une échéance pour un premier procès rwandais.
Selon plusieurs sources judiciaires, quatre dossiers rwandais sont toutefois actuellement prioritaires pour la justice française. Les deux déférés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda – le préfet Laurent Bucyibaruta et le père Wenceslas Munyeshyaka –, et ceux des deux suspects placés en détention provisoire – l'ancien agent des renseignements militaires Pascal Simbikangwa et l'ancien maire de Kabarondo (est), Octavien Ngenzi.
Si l'un des dossiers d'instruction en cours venait à être bouclé d'ici la fin de l'année, la complexité e l'organisation d'un procès d'Assises ne permettrait pas la tenue d'un procès, dans le meilleur des cas, avant la toute fin 2013.
FP/ER/GF
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