RDC : tournant décisif pour le rétablissement de la sécurité dans l’est du pays
Le satisfecit du Premier Ministre Matata Mponyo
Par Colette Braeckman
Un an après son entrée en fonctions, le Premier Ministre congolais nous a adressé une tribune dans la quelle il exprime sa satisfaction, tant sur le plan économique que diplomatique. Alors que la Brigade africaine d’ intervention se déploie au Nord Kivu, il estime que le Congo a remporté une bataille diplomatique, faisant valoir ses arguments ainsi que la thèse d’une agression étrangère. Le technocrate, qui s’est attelé au redressement de l’économie et ne peut être tenu pour responsable des contrats opaques passés avant son arrivée, aligne aussi des chiffres impressionnants. Le ” soldat Matata” se sait cependant menacé, car dans son exigence de rigueur, il en dérange plus d’un: au cours d’ un entretien précédant la publication de cette tribune, il nous a cependant rappelé qu’il venait d’échapper à une motion de défiance déposée par un député de l’opposition mais qui, en réalité, avait été rédigée par un membre de la majorité présidentielle.
L’ESPOIR EST ENFIN PERMIS
“L’espoir est enfin permis. Après avoir été une nouvelle fois victime d’ingérence en 2012, la République démocratique du Congo a été, en ce début d’année, entendue par la communauté internationale. Les agresseurs d’hier ont été identifiés et dénoncés. Les rebelles du M23, qui ont semé la désolation et la violence dans le Nord-Kivu, sont à présent placés devant leurs responsabilités : déposer les armes et discuter ou s’entêter et disparaître. La raison ou l’impasse. Les pays qui les ont armés et financés en sont également pour leur frais. Le Rwanda a fait l’objet de pressions économiques de la part de pays que Kigali devait considérer comme des partenaires loyaux et fidèles. Mais lorsque les frontières de l’inacceptable sont franchies et que les tentatives de déstabilisation orchestrées depuis un état-major militaire menacent d’embraser toute une région, les meilleurs lobbyistes recrutés à grand frais sont réduits à l’impuissance. La retraite et le repli sont alors inévitables. Les derniers avocats et courtisans stipendiés ont bien tenté de souligner les faiblesses congolaises pour justifier les funestes ambitions de nos voisins, ils ont dû ranger leurs savantes analyses. Sans gloire ni fierté.
La pitoyable reddition de Bosco Ntaganda, en mars dernier, puis son transfert à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, où il est poursuivi pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, marquent la fin d’une époque. Malgré leurs soutiens extérieurs, souvent motivés par d’obscurs intérêts qui relèvent du pillage, ces criminels n’ont plus aucun avenir en RD Congo. Ils sont dans la nasse : se rendre et être jugés, s’obstiner et mourir. Les derniers soubresauts et les ultimes manœuvres du M23 ne sont que les symptômes de « la chronique d’une mort annoncée ». Les félonies au sein de notre armée sponsorisées depuis l’étranger sont vouées à l’échec.
Pourquoi ? L’évidence s’est imposée. La communauté internationale a cessé de chercher exclusivement à Kinshasa les responsables de ces violences qui ensanglantent les Kivus depuis près de vingt ans. Le plaidoyer congolais a été validé. Nous demandions une Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (Monusco) plus robuste pour neutraliser les groupes armés et cesser d’observer sans réagir les souffrances endurées par les populations. Le 28 mars, nous avons obtenu le vote d’une résolution des Nations Unies qui prévoit le déploiement d’une brigade d’intervention rapide composée de 3 000 hommes en provenance d’Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi. Les premiers bataillons sont arrivés à Goma, des drones vont être acheminés et le mandat de cette force est très clair : mener des offensives contre les groupes armés, protéger les civils et surveiller l’embargo sur les armes. Bref, la paix va s’imposer si les belligérants refusent d’admettre que les montagnes du Kivu ne sont plus une base arrière pour mener leurs exactions.
Ce vote à l’unanimité au Conseil de sécurité des Nations unies constitue un tournant décisif pour le rétablissement de la sécurité dans cette région. Il est à mettre à l’actif des autorités congolaises qui sous l’impulsion et le leadership du président, Joseph Kabila, ont réussi à convaincre les capitales occidentales. Mais nous remercions aussi nos partenaires et amis : tout particulièrement la France qui a porté le texte de la résolution, les États-Unis qui l’ont activement soutenu, la Belgique qui a très tôt défendu la cause de la RD Congo et le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon, qui a exprimé sa solidarité avec un pays agressé.
Il convient aussi de souligner le formidable travail effectué par les experts des Nations Unies dirigés par l’Américain Steven Hege. Leur rapport en octobre 2012 a permis aux observateurs de constater les faits et non de se laisser abuser par un déni de réalité. « Le gouvernement rwandais continue de violer l’embargo sur les armes, il fournit directement une aide militaire aux rebelles du M23, facilite le recrutement de combattants pour le compte du Mouvement, incite et facilite la désertion de soldats des forces armées congolaises, fournit au M23 des armes, des munitions et des renseignements, et le conseille sur le plan politique. La chaîne de commandement de facto dont fait partie le général Bosco Ntaganda a à sa tête le général James Kabarebe, ministre rwandais de la Défense », pouvait-on lire dans ce volumineux et rigoureux document qui produisait des témoignages mais aussi des photos d’équipements et d’armements démontrant l’implication rwandaise. Cette recherche de la vérité n’est pas restée sans suite. Que ces experts en soient remerciés.
En visite dans la région il y a quelques jours, l’envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les Grands Lacs, Mary Robinson, a également plaidé pour une mise en œuvre rapide de l’Accord-cadre pour la paix signé en février dernier à Addis-Abeba par onze pays de la région. Le texte interdit toute ingérence, prévoit la neutralisation des groupes armés, ne tolère aucune aide à ces milices et en appelle au respect des souverainetés nationales. Cet accord est l’accompagnement diplomatique et politique du déploiement militaire sur le terrain. Les deux approches sont indissociables. Cet accord doit être appliqué et respecté. Que Mary Robinson soit entendue, par tous et le plus vite possible. Voter une résolution à New-York pour faire bonne figure et ensuite opter pour le dilatoire une fois rentré chez soi est voué à l’échec.
Combien de morts, d’enfants soldats recrutés de force et de femmes violées devons-nous encore recenser ? Combien d’enquêtes indépendantes et concordantes doit-on encore attendre pour que les calculs prédateurs et mesquins cessent ? Pour gagner du temps, et donc protéger des victimes innocentes, il suffit à présent d’appliquer les décisions internationale. C’est une chance historique, à condition que les exigences exprimées au Nord soient équilibrées.
Mauvaise gouvernance, corruption, processus électoraux chaotiques, violation des droits de l’homme, non respect de la liberté de la presse, faiblesse de son armée…, la RD Congo est régulièrement critiquée, pour ne pas dire stigmatisée, par certains procureurs jamais avares de recommandations aux allures de diktat. Qu’en est-il pour notre voisin ? Sa réputation de « bon élève » en matière de développement économique – grandement facilité par l’importance des appuis extérieurs – l’exonère-t-il de toute remontrance ? Ce serait curieux, et dommageable pour la stabilité de la région. Car nous aussi, nous faisons des progrès, remarquables et reconnus, notamment par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Ils sont réels et quantifiables, mais encore fragiles. Après vingt années de déstructuration et de gabegie économiques puis une décennie de guerres et de crises politico-militaires, la RD Congo se relève. Mais elle vient de loin.
Les récents résultats économiques obtenus devraient toutefois convaincre les plus sceptiques que nous sommes sur la bonne voie. Entre 2009 et 2012, le taux de croissance annuel est passé de 2,8 % à 7,1 %, l’inflation a été ramenée de 46 % à 2,7 % (le pays n’a jamais réalisé une telle performance depuis 1976), le franc congolais est resté stable après plusieurs décennies de dégringolade monétaire qui n’a eu de cesse de plomber le pouvoir d’achat des congolais, les investissements publics et privés ont sensiblement augmenté, la collecte de l’impôt a été optimisée et les recettes publiques ont plus que doublé, tandis que la richesse nationale a été multipliée par deux. La prévision de croissance pour 2013 est de 8,3%. C’est la première fois depuis 1973 que la RD Congo va dépasser les 8%. Le gouvernement a également lancé toute une série de programmes financés sur fonds propres et qui dépassent les 300 millions de dollars (agriculture, transport, routes, énergie, santé, éducation…) afin d’améliorer les conditions de vie de la population. Le versement régulier du traitement des fonctionnaires, policiers et militaires a été « bancarisé » pour sécuriser ce transfert d’argent et irriguer les circuits bancaires. Dernier exemple de ce redressement en marche, la production minière dépasse les niveaux historiques des années 1970-1980.
À terme, ce rebond économique – s’il est consolidé et donc encouragé – se traduira mécaniquement par une baisse de la pauvreté et une stabilité politique, profitable à tous. Chacun sait que la course effrénée aux prébendes du pouvoir est exacerbée dans un contexte de grande précarité économique. À contrario, une économie inclusive, la promotion d’un secteur privé, la création d’emplois et de richesses partagées, l’émergence d’une classe moyenne et la remise en marche d’une administration sont les voies de la paix. Encore faut-il que nos voisins fassent le choix de la coopération régionale, qu’ils abandonnent définitivement la pratique du pillage et qu’ils délaissent le recours à la déstabilisation. Encore faut-il aussi que nos partenaires internationaux croient en nous, et qu’ils nous soutiennent durablement dans notre action et nos engagements. Il faut faire vite. Les Congolais ont déjà beaucoup espéré et attendu. Il convient de ne pas les décevoir.”