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La Tribune franco-rwandaise
Actualités, opinions, études, analyses, diplomatie et géopolitique de la Région des Grands lacs.

RDC : LE SECRET DE LA VISITE AU KIVU SE TROUVE SUR L’ÎLE D’IJWI

FRANCE-RWANDA TRIBUNE #RDC

Par Colette Braeckman

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http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2012/02/13/le-secret-de-la-visite-au-kivu-se-trouve-sur-lile-didjui/

Katumba-Mwanke.jpgMais  que diable une délégation composée des  hommes les plus influents du pays (le conseiller Katumba Mwanke, le ministre des Finances, l’ambassadeur itinérant Antoine Ghonda, accompagnés par le gouverneur du Sud Kivu Marcellin Cishambo) allait elle faire sur l’île d’Idjui ? Entre le Rwanda et le Congo, à plus de 2000 kilomètres de la capitale, plantée au milieu du lac, cette grande île de 230.000 km2 est l’un des lieux les plus discrets de la République.

Dimanche après midi, nous accueillant dans le guest house de Katchovu, sur la pointe sud de l’île, le journaliste Eustache Kashinzwe, animateur d’une radio communautaire et Benoït Miruho, membre d’une association paysanne, assuraient que leur île était la « grande oubliée » de la République et qu’ils se battaient pour sensibiliser l’opinion à un risque de famine due à la maladie des bananiers, la principale ressource des 800.000 habitants de cette terre surpeuplée. C’est d’ailleurs pour constater de visu les ravages de cette épidémie, le « wild » du bananier, que nous avions fait trois heures de traversée. Depuis un an, une sorte de feu noircit les feuilles, ronge les troncs, fait pourrir les fruits  dont même les oiseaux se détournent. La terre, empoisonnée par ces bananiers morts, ne porte même plus les courges ou les colocases. « Si rien n’est fait, nous allons mourir de faim » assuraient les paysans, reprochant aux autorités de ne pas prendre la mesure de leur nouveau malheur.

Alors que le responsable local de l’agence nationale de renseignements assurait que, le jour même, une délégation du plus haut niveau était attendue, un appel nous apprit en milieu d’après midi que l’avion qui amenait les personnalités de haut niveau venait de s’écraser. Quelques instants plus tard, un appel du Mwami confirma l’annulation de la visite…

Depuis lors, alors que les blessés ont été transportés en Afrique du Sud par vol spécial (la Belgique aussi avait fait des offres) plusieurs hypothèses circulent à propos de la raison de cette visite, qui avait pris au dépourvu le gouverneur du Sud Kivu lui-même : alors que Marcellin Cishambo assistait à un mariage à Goma, il fut « embarqué » à l’improviste par la délégation dont il ignorait les objectifs. La première des hypothèses serait celle de contacts militaires, extrêmement discrets, avec le Rwanda, qui ne se trouve qu’à quelques encablures d’Idjui.  

A côté d’Idjui se trouve l’île rwandaise d’Iwawa, transformée en base militaire, en centre derééducation pour les enfants de la rue et où sont abritées quelques vedettes rapides de l’armée rwandaise. Quoi de plus facile que franchir l’étroite bande d’eau pour tenir une réunion au sommet sur l’une des deux rives ? Comme par hasard, une agitation inhabituelle avait été remarquée cet après midi là à Iwawa…Entre Rwandais et Congolais, les sujets de discussion ne manquent  pas : alors que les troupes congolaises déployées au Sud Kivu sont presque toutes dirigées par des officiers tutsis proches de Kigali, une nouvelle rébellion est en gestation dans la région.  En outre, il est de notoriété publique que la cassitérite en provenance de Kalehe(Sud Kivu) transite par Idjui avant d’être débarquée à Kibuye au Rwanda. Or Kigali vient de placer en résidence surveillée quatre généraux, accusés de trafics en complicité avec des Congolais… Si cette hypothèse se confirmait, elle expliquerait que ce sont des impératifs de sécurité nationale qui incitèrent le puissant Katumba Mwanke, chargé des contacts préliminaires à la formation d’un gouvernement, d’abandonner pour quelques heures sa tâche de « faiseur de rois ».

Une autre hypothèse porte sur le fait que, via cette délégation, le président aurait voulu remercier l’un des Bami d’Idjui, qui, présidant l’association des chefs coutumiers du Sud Kivu, l’avait fortement aidé dans sa campagne électorale.

Mais en ville, nul ne croit en d’aussi innocentes intentions, et la présence dans la délégation du Ministre des Finances Matata Mponyo, le grand argentier du pays, autorise d’autres suppositions. Sur Idjui en effet, la délégation devait être accueillie par Bertrand Bisengimana, qui possède au nord de l’île un vaste domaine qui avait été offert à son père par le président Mobutu lors de la zaïrianisation. Dans ce domaine qui s’ouvre sur le lac se trouve l’ancienne propriété des princes de Ligne, un lieu lorgné par les promoteurs qui rêvent de le transformer en complexe immobilier de luxe, même si Bisengimana a toujours déclaré à des proches que jamais il ne vendrait ce bâtiment en ruines mais emblématique. Sachant que via son conseiller Katumba Mwanke le chef de l’Etat n’hésite pas à investir dans  les  plus beaux sites du pays, la visite de la délégation avait peut-être, aussi,  l’allure d’une prospection…Hospitalisé à Kigali, ce n’est pas demain que Bertrand Bisengimana s’expliquera sur les raisons de l’invitation adressée à des hôtes aussi prestigieux…

Au début de la semaine, la délégation devait aussi s’entretenir avec la société canadienne Banro, qui exploite l’or du gisement de Twangiza et va bientôt produire son premier lingot et elle devait examiner une nouvelle fois les conséquences de la paralysie du secteur minier, due à la mise en œuvre d’une loi américaine. A Bukavu en effet, on estime que la province perd 30 millions par mois en recettes fiscales et que l’embargo de fait sur les produits miniers risque de repousser vers les mouvements armés de nombreux jeunes qui aujourd’hui se trouvent parmi les 200.000 « creuseurs » de la province. 

La conviction de la rue est, quant à elle, beaucoup plus radicale: parlant de Katumba Mwanke et refusant de reconnaître les services rendus  au pays par l’ « éminence grise » un étudiant résumait le sentiment général en disant  « c’est la main de Dieu qui a enlevé celui que le président n’arrivait pas à faire partir… »

   

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Petit, mince, le regard sérieux, Augustin Katumba Mwanke, député de Pweto, Katanga, ne ressemblait pas à l’homme le plus puissant du Congo. D’ailleurs, il ne fréquentait pas les ambassades et boudait les réceptions. Ce bûcheur, qui avait  établi ses bureaux dans la « concession Eternit » à Kinshasa, préférait les dossiers et les contacts discrets. Cependant c’est chez lui que défilaient tous ceux  qui souhaitaient une promotion, proposaient un contrat, suggéraient des arangements politiques. C’est lui qui communiquait les grâces et les disgrâces de la « cour » présidentielle, c’est lui qui, avec Evariste Boshab, président de l’Assemblée nationale, élaborait les grandes lignes politiques de la majorité.

Cet homme qui tissait sa toile dans l’ombre était unanimement détesté par les Occidentaux. Réclamant sa tête, en vain, ils  lui reprochaient les dessous de table, les contrats opaques avec des sociétés basées aux Ïles Vierges et autres paradis fiscaux, et surtout les accords économiques avec les pays émergents. Il était de notoriété publique que Katumba, qui avait commencé sa carrière dans une banque en Afrique du Sud, tournait le dos à la vieille Europe. Il lui préférait les Chinois qui l’aidaient à reconstruire le pays, les Brésiliens, les Sud Coréens sans oublier les Sud Africains, toujours prêts à considérer le Congo comme leur nouvelle frontière. Invisible, mais censé ne jamais être loin du chef de l’Etat, il avait établi le contact avec le jeune président alors que, du temps de Laurent Désiré Kabila, il était gouverneur du Katanga. Après la cuisante défaite de Pweto face aux Rwandais, en 2000, c’est Katumba qui  avait accueilli Joseph Kabila, alors commandant de l’armée de terre et que son père voulait sanctionner. Son emprise sur le « Raïs », nom swahili du président, était elle due à la reconnaissance, à la force de travail, à une vieille complicité ? Même ceux qui n’aimaient pas cet homme de l’ombre reconnaissent  que sa disparition prive le président d’un redoutable stratège.

 

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Bukavu,

Des neuf rescapés du crash de l’avion Katanga Express, qui s’est brisé en trois dans un ravin de vingt mètres au-delà de la piste de Kavumu (Bukavu) le gouverneur du Sud Kivu, Marcellin Cishambo, est le seul à pouvoir encore s’exprimer. Autour de lui, dans la petite salle des urgences de l’hôpital général de Bukavu, les autres blessés, la tête ceinte de bandages, semblent beaucoup plus mal en point, inconscients, les yeux fermés. Il y a là, entre autres, le Ministre des Finances, Matata Mponyo, Antoine Ghonda, le conseiller diplomatique du chef de l’Etat, Bertrand Bisengimana, fils de l’ancien directeur de cabinet du président Mobutu. Cet  homme d’affaires local devait accompagner la délégation de onze personnes qui, au départ de Bukavu, se préparait à se rendre en bateau  sur l’île d’Idjui où  la famille Bisengimana, lors de la zaïrianisation, avait hérité d’une spectaculaire propriété, construite naguère par le prince de Ligne.

Sous perfusion, adossé à son oreiller, Marcellin Cishambo a les deux genoux plâtrés et souffre de fractures tibiales qui demanderont au moins trois mois d’immobilisation. Lorsqu’il nous relate l’accident, il ignore encore qu’Augustin Katumba Mwanke, le plus puissant des conseillers du président, est mort sur le coup, le crâne brisé. La dernière image que Cishambo a gardé, c’est que le député katangais, assis derrière lui, a fait un vol plané jusqu’à l’avant de l’appareil, n’ayant vraisemblablement pas attaché sa ceinture de sécurité. «Lorsque j’ai vu que le jet entamait l’atterrissage beaucoup trop tard, dit Cishambo, « et qu’il allait sortir de la piste, j’ai crié « attachez vous »  et je me suis préparé au choc. Effectivement, l’appareil a plongé dans un ravin. Comme le plein de carburant venait d’être fait à Goma, j’ai eu peur de finir dans un avion en flammes, mais Dieu n’a pas voulu de moi… »

Rassemblés par petits groupes dans l’entrée de l’hôpital chichement éclairé, les témoins sont encore sous le choc. Le vice gouverneur du Sud Kivu, Jean-Claude Kibala, se souvient : « alors que nous attendions dans le salon d’honneur,  nous avons vu que l’avion, en face de nous, ne s’était pas encore posé. Nous avons hurlé « remontez », mais le crash était inévitable. Les pilotes, deux Sud Africains, engagés par le gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, ne connaissaient pas cette piste où ils se posaient pour la première fois. Ils sont morts tous les deux.  Depuis Lubumbashi, Moïse Katumbi, qui avait prêté son appareil personnel pour cette mission, a voulu se précipiter à Bukavu, mais nous le lui avons interdit, de nuit on ne peut pas se poser ici… »

« Sur le petit aéroport de Kavumu, la scène était dantesque », raconte Jean-Pierre Ndusha, un collaborateur du gouverneur « il a fallu découper à la scie l’avant de l’avion  pour extraire les corps des pilotes. L’un était mort, l’autre a succombé peu après. Et pour extraire les passagers, nous avons du briser les hublots avec des pierres, jusqu’à ce que la Monusco arrive avec des scies électriques et de haches… »

Accablés, tous les témoins concluent que cet accident est du à une erreur humaine, les pilotes ayant mal pris la mesure de la courte piste de Kavumu, coincée entre le lac et les collines. Dès qu’ils pourront être transportés, les blessés devraient être amenés en Afrique du Sud. A part le projet de déplacement sur l’île d’Idjui, nul n’a pu nous dire la raison qui avait amené plusieurs personnalités de premier plan à se déplacer en voyage privé à Bukavu à la veille de l’installation de l’Assemblée nationale le 16 février et alors que la crise politique est loin d’être terminée.

 

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