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Publié par Le blog de Jean-Marie Ndagijimana

Le ton se durcit dans l’Est de la République démocratique du Congo à mesure que se précise le déploiement de la brigade d’intervention chargée de neutraliser les groupes armés en application de la Résolution 2098 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Le principal groupe armé, le M23, soutenu par le Rwanda et l’Ouganda (malgré les démentis) a prévenu qu’il affronterait les troupes de l’ONU s’il était attaqué, ce à quoi le général de brigade sud-africain Xolani Mabanga a rétorqué : « Nous ne sommes pas intimidés ». Quelques jours plus tôt, le M23 avait mis en garde contre les « conséquences humanitaires » des affrontements annoncés. De son côté, la Société civile du Nord-Kivu a signalé l’arrivée de plusieurs bataillons en provenance du Rwanda dans les localités sous contrôle du M23. 

Depuis, les relations entre le M23 et la MONUSCO sont extrêmement tendues comme en témoigne le blocage, dans la semaine, d’un convoi onusien soupçonné de transporter du matériel de guerre pour la future brigade d’intervention. Le convoi n’a pu être libéré qu’à l’arrivée d’une patrouille de casques bleus lourdement armés et prêts à en découdre.

On est donc au bord d’un affrontement direct entre casques bleus de l’ONU et le M23 dont l’essentiel des troupes est constitué de combattants venus du Rwanda, équipés, entraînés et encadrés par l’armée nationale rwandaise, selon plusieurs rapports internationaux (voir rapport n° S/2012/843 des experts de l’ONU).

Le précédent coréen

Ce ne serait pas la première fois qu’un Etat engage ses soldats dans les combats contre une force sous mandat de l’ONU. Le cas le plus grave s’est produit en 1950-51 lorsque la Chine (pourtant membre permanent du Conseil de sécurité), s’était impliquée dans la guerre de Corée contre les troupes sous mandat de l’ONU. La déroute qui s’en suivi obligea les forces sous mandat de l’ONU à rester « cantonnées » à hauteur du 38ème parallèle, devenu, depuis, la frontière des deux Corées, ce qui consacra la partition du pays.

Un scénario comparable au Congo n’est pas à exclure. Si le M23, renforcé par les troupes rwandaises, parvient à mettre en déroute la brigade de l’ONU, la balkanisation du Congo deviendrait un fait. En effet, le Congo de Joseph Kabila n’a pas la capacité militaire de reprendre les territoires passés sous contrôle de combattants rwandais, encore moins si ces territoires sont arrachés aux mains des forces de l’ONU.

Il est même possible que Kigali soit en train de miser sur la déroute en perspective de la brigade onusienne. On voit mal quel exploit produiraient 3.069 soldats dans une crise militaire où les 134.500 soldats que compte l’armée nationale congolaise et les 17 mille casques bleus de l’ONU n’ont rien pu faire.

Que risque le Rwanda en combattant la force de l’ONU ?

Difficile de se prononcer, mais, a priori, pas grand-chose. Depuis le génocide de 1994, le Rwanda bénéficie d’un régime particulier, entre la compassion des grandes puissances (Etats-Unis, Royaume-Uni, Union européenne) et l’impunité de fait. Le régime de Paul Kagamé s’appuie sur un solide réseau de lobbies, certainement en échange de minerais précieux pillés dans l’Est du Congo et dont les multinationales de l’électronique (téléphones portables) ont énormément besoin (le coltan). Pas un seul agent rwandais n’a été poursuivi pour les crimes commis au Congo (massacre des réfugiés hutus, massacre des civils congolais, pillage des ressources minières du Congo,…). La communauté internationale ne va pas au-delà de vagues condamnations, juste pour la forme.

Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que des combattants soutenus par Kigali s’en prendraient aux forces de l’ONU. En novembre 2008, lorsque la milice CNDP lance une attaque sur la route de Goma, elle détruit deux blindés de l’ONU. Plusieurs casques bleus sont blessés, ce qui constitue un crime de guerre aux termes de l’article 8[1] du Statut de Rome créant la Cour Pénale Internationale. Mais ni les membres du CNDP ni leurs parrains rwandais n’ont jamais été inquiétés pour cet incident. Le général Laurent Nkunda est aujourd’hui confortablement protégé à Kigali. 

Plus récemment, le 06 juillet 2012, lorsque le M23 s’emparait de la localité de Bunagana, un casque bleu indien avait été tué dans les combats. Un autre crime de guerre resté, depuis, impuni.

Objectif de Kigali et Kampala : discréditer la force de l’ONU et garder la mainmise sur l’Est du Congo

Pour des raisons évidentes, le Rwanda n’a pas intérêt à ce que Kinshasa, reprenne le contrôle des territoires actuellement sous l’autorité du M23. Le manque à gagner pourrait être fatal pour l’économie rwandaise trop dépendante des aides des grandes puissances et du pillage du Congo. Le rétablissement de l’autorité de Kinshasa sur l’ensemble du territoire national signerait la fin du pillage et le début d’un cycle de vache maigre pour l’élite politico-militaire de Kigali.

Forces et faiblesses de la brigade

Les pays devant composer la future force d’intervention dans l’Est du Congo sont sûrement préparés mais rien ne garantit l’accomplissement de leur mission si Kigali et Kampala décident d’aider activement le M23, ce qui serait en cours. L’Afrique du Sud, qui devrait constituer l’ossature de la brigade onusienne, sort d’une expérience traumatisante en Centrafrique où son armée, qui devait protéger le régime du Président Bozizé a dû renoncer après avoir subi de lourdes pertes face aux rebelles de la Séléka qui se sont, depuis, emparés du pouvoir à Bangui. Le Pays de Nelson Mandela peine d’ailleurs à s’affirmer comme une puissance militaire crédible sur le Continent Noir. Pretoria a dû abdiquer en Libye face à l’OTAN décidée à en finir avec Kadhafi. En Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud n’a rien pu faire pour épargner une fin humiliante à Laurent Gbagbo.

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Les autres pays devant fournir des troupes sont le Malawi et la Tanzanie. Le Malawi n’est pas une puissance militaire réputée tandis que la Tanzanie est un pays trop proche des régimes de Kampala et de Kigali pour engager les combats contre le M23. En effet, c’est avec l’aide de l’armée tanzanienne que l’actuel Président ougandais, Yoweri Museveni, parrain du M23, a pris le pouvoir à Kampala en 1986. Le Président rwandais Paul Kagamé faisait partie des maquisards mobilisés par le « chef rebelle Museveni », soutenu par l’armée tanzanienne pour prendre le pouvoir à Kampala.

La Tanzanie ne sera donc, a priori, d’aucune utilité dans cette force, compte tenu de sa proximité avec les régimes parrainant le M23.

Déroute et balkanisation

Cette brigade est donc, a priori, une force qui n’inspire pas tellement de dissuasion, un défaut qui risquerait de motiver le M23 et ses parrains à tenter une résistance audacieuse. Si, au bout d’un certain temps, les « Rambos » onusiens (pour reprendre l’expression de Ban Ki-Moon) n’arrivent pas à surmonter l’obstacle, il en sera fini de la crédibilité des casques bleus et sûrement du Congo comme Etat dans ses frontières actuelles, les territoires sous contrôle du M23 ne pouvant être repris par l’armée de Joseph Kabila.

Boniface MUSAVULI



[1] Art. 8.2.b.iii « …on entend par « crimes de guerre » :… Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission … de maintien de la paix (…) »

 

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<br /> Je ne comprends pas ce qu'il faut reteniri comme vérité: est-ce que le Rwanda et l'Ouganda aident sincèrement Kinshassa à recouvrer ses droits sur le Kivu par les Accords de Kampala, ou plutot<br /> ces 2 pays aident le M23?<br />