''Monsieur Kagame, réfléchissez !''
Photo Famille Ingabire Umuhoza
Publié le : 25 octobre 2010 - Par Sophie van Leeuwen (Photo : Sophie van Leeuwen)
''C’est facile à faire'', dit Rémy, le fils aîné (18 ans), tandis qu’il verse du poisson et des frites surgelés dans la friture. ''Parfois je fais aussi des pâtes'' !
Depuis que sa mère n’est plus là, Rémy fait plus souvent la cuisine. Il suit actuellement une formation dans la restauration.
Après le repas, Rémy et son petit frère Rist (8 ans) se mettent devant l’ordinateur : football et autres jeux. Le calme est revenu dans la salle de séjour. Lin Muyizere, leur père, soupire : ''Autrefois, quand Victoire était encore là, il y avait toujours du monde qui venait nous rendre visite.''
Dans une cellule
La femme de Lin, Victoire Ingabire, chef du parti d’opposition rwandais UDF, a brigué la présidentielle l’été dernier au Rwanda. En janvier 2010, elle est retournée dans son pays natal pour se préparer à l’élection présidentielle. Au lieu de pouvoir se présenter, Victoire Ingabire est placée en garde à vue. Et depuis le 14 octobre dernier elle se trouve dans une cellule au bureau de police de Kigali.
Entre-temps Paul Kagame (FPR) a été réélu président. Quant à Victoire Ingabire, elle est accusée de former une organisation terroriste. Un moyen de l’évincer, dit sa famille. Elle risque une lourde peine de prison.
Son mari, qui vit à Zevenhuizen, dans l’ouest des Pays-Bas, essaie de comprendre. Mais Lin se sent impuissant. ''Tous les jours, on apprend qu’elle ne va pas bien. Cela détermine notre vie. Victoire ne mange pas bien. Elle a peur d’être empoisonnée. Elle est affaiblie et mange mal.''
Lin téléphonait trois fois par jour à sa femme : le matin, l'après-midi et le soir. Elle allait relativement bien, dit-il. Actuellement, il appelle quotidiennement son avocat. Lui-même reçoit sans cesse des coups de fil d'amis et de connaissances désireux d'avoir des nouvelles de Victoire Ingabire. Depuis qu'elle se trouve dans une cellule du bureau de polcie de Kigali, Lin ne peut plus la joindre directement. ''Elle me manque terriblement, dit-il. Je voudrais savoir comment elle se porte réellement.''
Aide financière
Raissa, 21 ans, sa fille, qui vit ailleurs, est en visite. Elle ressemble à sa mère. Raissa a rendu visite à l’ambassadeur du Rwanda. ''Je veux parler à ma mère, mais on ne m’a encore rien dit. Ils ne peuvent quand même pas la laisser mourir de faim. Je veux un procès humain !''
Elle espère ardemment que le nouveau gouvernement néerlandais pourra faire quelque chose. ''Pourquoi est-ce que les Pays-Bas soutiendraient un pays où la démocratie n’est pas possible ? Les Pays-Bas doivent contraindre le Rwanda à introduire la démocratie en mettant un terme à l’aide financière. Ou en menaçant de le faire. Le Rwanda a besoin d’aide. Sans argent, le Rwanda a un problème.''
Question à Kagame
Lin a un message à adresser au président rwandais : ''J’aimerais dire au président Paul Kagame que Victoire n’est pas retournée au Rwanda pour faire la guerre ou pour être l’ennemie de Kagame. Tout le monde veut la liberté, pas seulement Victoire. Tout le monde veut ça en Afrique, non ?''
Raissa aimerait demander au président rwandais de réfléchir à la situation : ''Ma mère veut la réconciliation. Elle veut donner la liberté aux gens dans leur propre pays. Si Kagame est vraiment un dirigeant juste, il devrait quand même soutenir cela, non ? Si Kagame réfléchit à cela, la situation peut changer. Je pense. Du moins je l'espère…''