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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

Par Colette Braeckman

Scotchée à son ordinateur, parcourant tous les sites où il est question du Rwanda, Antoinette, une jeune étudiante en informatique, soupire : « nous avons trop d’adversaires, la position de la Tanzanie m’inquiète et désormais, même les Etats Unis nous critiquent… »
Colette BraeckmanPhoto Colette Braeckman

Même si, officiellement, la situation dans le Nord Kivu est un « non sujet » aux yeux des officiels rwandais et si la presse ne l’évoque qu’au compte gouttes, il est évident qu’au sein de la population, l’inquiétude grandit, nourrie par des faits concrets : dans un camp proche de Butare, des réfugiés tutsis congolais affluent, des rumeurs et des témoignages font état de recrutement d’opposants hutus au sein de l’armée congolaise (voir notre reportage en page 8) et le week end dernier, en même temps que des obus tombaient sur Goma, les abords de la ville rwandaise de Gisenyi ont été touchés, sans qu’il y ait de victimes.
Alors que tous les camps en présence se renvoient la responsabilité des tirs qui ont fait neuf morts, des dizaines de blessés et infligé de lourds dégâts matériels à Goma et que tous dénonçent la manipulation et la provocation, un communiqué particulièrement sévère du Département d’Etat a clairement pris position : il dénonce les actions du M23, les attaques contre la force des Nations unies et précise que, « selon des rapports onusiens crédibles, ce serait le M23 lui-même qui aurait tiré en direction du territoire rwandais. » S’inquiétant de la montée des tensions ethniques au Nord Kivu, le communiqué américain met en garde contre toute escalade militaire et surtout il réitère un appel au Rwanda afin qu’il s’abstienne de tout soutien au M23 et respecte l’intégrité territoriale du Congo.
Venant à la suite des déclarations du secrétaire d’Etat John Kerry et d’une passe d’armes au Conseil de sécurité où le Rwanda a réussi de justesse à bloquer, samedi soir, une résolution très critique, le communiqué du Département d’Etat a aggravé le malaise diffus que l’on ressent à Kigali où l’opinion, peu informée des dessous de la guerre au Congo et d’éventuels débats internes, éprouve un sentiment d’encerclement.
En effet, il y a des semaines que le ton monte entre les autorités rwandaises et tanzaniennes, depuis que le président Jakaya Kikwete a osé suggérer au président Kagame d’entamer lui aussi des négociations avec ses opposants armés, en l’occurrence les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, toujours considérées comme « génocidaires ». Depuis lors, les Rwandais ne sont pas loin de considérer que leurs voisins tanzaniens soutiennent les groupes armés hutus, la rumeur assure que le président Kikwete aurait épousé une cousine de feu le président Habyarimana et l’expulsion de quelque 2000 Rwandais (et Burundais) se trouvant en séjour illégal en Tanzanie a donné un tour concret aux soupçons et aux tensions diplomatiques…
Alors qu’il ne s’agissait au départ que d’une simple mutinerie d’officiers tutsis qui refusaient d’être mutés à l’intérieur du Congo et qui exigeaient une amélioration de leurs soldes et de leurs grades, les revendications du M23 sont montées en puissance et sont aujourd’hui d’ordre politique. Mais surtout, la crise s’est internationalisée. Elle divise l’Afrique, où la Tanzanie, l’Afrique du Sud et le Malawi ont envoyé 3000 hommes au Nord Kivu, dans le cadre de la Brigade africaine d’intervention tandis que le Rwanda a resserré ses liens avec le Kenya et l’Ouganda. Alors que la situation dans l’Est du Congo fut longtemps décrite comme une crise oubliée, elle mobilise désormais les grandes puissances : début septembre, trois envoyés spéciaux pour les Grands lacs (l’Américain Feingold, l’Européen (et Belge) Koen Vervaeke et le représentante du secrétaire général de l’ONU, Mary Robinson) feront un voyage conjoint dans la région. Même la Belgique maintient la pression : si Kigali voue Didier Reynders aux gémonies après les fermes propos qu’il a tenus au Congo, le ministre de la Coopération Jean-Pascal Labille est attendu la semaine prochaine…
Tout se passe comme si cette intense activité diplomatique avait aussi pour objectif de prévenir d’éventuels dérapages, où Goma, cette ville poussiéreuse et surpeuplée, serait devenue l’épicentre de plusieurs conflits, entre Kinshasa et le M23, entre le Rwanda et ses voisins, entre la section politique de l’Onu et le département maintien de la paix et, last but not least, entre les membres du Conseil de sécurité eux mêmes…

 


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