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Publié par JMV Ndagijimana

LA CROIX du 26 Octobre


Initialement programmé pour une fermeture fin 2008, le Tribunal pénal international chargé de juger les organisateurs du génocide de 1994 se voit livrer de nouveaux accusés

Lundi 5 octobre, à Kampala, capitale de l’Ouganda. Idelphonse Nizeyimana, ancien officier de renseignement rwandais, surnommé le « boucher de Butare », était arrêté. Dès le lendemain, cet homme accusé d’avoir organisé des massacres au cours du génocide des Tutsis en 1994 était transféré à Arusha (Tanzanie) auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Deux semaines plus tôt, Grégoire Nadhimana, ancien maire de Kivumu (ouest du Rwanda) avait connu le même sort. Arrêté en août en République démocratique du Congo, il devra répondre de l’accusation de génocide et de crimes contre l’humanité. Il est notamment poursuivi pour avoir contribué au massacre de plus d’un millier de Tutsis, ensevelis en avril 1994 sous les briques de l’église de Nyange, détruite au bulldozer.

 

Ces arrestations n’ont rendu que plus impensable une fermeture rapide du tribunal. Quatorze procès impliquant 27 accusés sont toujours en cours, trois sont en attente de jugement. Sans oublier que onze accusés restent en fuite, dont l’argentier présumé du génocide de 1994, l’homme d’affaires Félicien Kabuga. Alors que le TPIR devait achever le 31 décembre prochain ses procès de première instance, le Conseil de sécurité a prolongé d’un an son mandat, pour la deuxième année consécutive. Certains jugent sévèrement son bilan, en quinze ans d’existence : 47 jugements prononcés, pour un coût de plus de 750 millions d’euros.

Une « justice de vainqueurs » ?

Fondé en novembre 1994, le TPIR est chargé de « juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire », se concentrant sur les « organisateurs » des massacres. À ce jour, toutes les personnes condamnées sont hutues. Bien qu’ils aient fait l’objet d’investigations poussées de la part des enquêteurs du TPIR, les massacres commis par le Front patriotique rwandais (FPR), l’ex-rébellion tutsie au pouvoir depuis 1994, n’ont jamais eu de suite judiciaire à Arusha. Ce qui suscite une accusation logique : celle de rendre une « justice de vainqueurs ».

Procureur du TPIR de 1999 à 2003, Carla Del Ponte raconte, dans ses mémoires, parus la semaine dernière (1), comment sa volonté de poursuivre les crimes ordonnés par « les hommes qui formaient désormais l’élite politique et militaire du pays » lui valut de perdre son poste de procureur, sur l’insistance de la Grande-Bretagne et des États-Unis, alliés du régime de Kigali. « En dépit de tous les efforts de l’équipe de l’accusation, le TPIR ne sera sans doute pas en mesure de rompre le cycle d’impunité qui fait le malheur de ce pays et a coûté tant de maux à son peuple », conclut, pessimiste, la magistrate suisse.


L’autre grand enjeu actuel concernant le TPIR est celui du transfert des dossiers de certains accusés vers la justice rwandaise. En 2008, refusant un tel transfert, la cour d’Arusha avait dressé un réquisitoire contre le système judiciaire rwandais, disant notamment craindre « une pression directe ou indirecte sur les juges pour qu’ils rendent des jugements dans la ligne des souhaits du gouvernement rwandais ». Ce refus du TPIR, approuvé par les principales ONG de défense des droits de l’homme, a jusqu’à ce jour servi de base au refus de nombreux pays d’extrader vers le Rwanda des accusés de génocide résidant sur leur territoire.

Laurent D’ERSU


(1) La Traque, les Criminels de guerre et moi, traduit de l’anglais par Isabelle Taudière, éd. Héloïse d’Ormesson, 649 p., 25 €

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