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Publié par JMV Ndagijimana

 

En plein boom depuis quelques années, le Rwanda tente de rapatrier sa population qui vit en Belgique. Il existe des raisons d'hésiter.

À Kigali, Patrick SÉVERIN

On l'appelle Manzi. Mais ce n'est pas son nom. Son identité, comme celle de la majorité de ceux qui apparaissent dans cette page, il ne veut pas la dévoiler. Il a peur. Peur du retour de manivelle. Peur que, parce qu'il n'est pas d'accord avec toutes les pratiques du gouvernement rwandais, son nom tombe dans la liste de « ceux qui ont des idées douteuses ». « Et encore, moi, je vis à l'étranger, précise-t-il d'emblée. Imaginez un peu l'angoisse de ceux qui sont restés au Rwanda ! »

Manzi est Liégeois. Il est revenu en Afrique pour rendre visite à sa famille. S'installer au Rwanda, il aimerait ça. Mais pas tout de suite. « Je dois d'abord gagner convenablement ma vie en Belgique. C'est devenu cher ici. À moins de revenir blindé d'argent, on ne peut plus rien bâtir à Kigali. Mais si j'avais les moyens, je reviendrais. »

L'argent n'est pourtant pas le seul motif d'hésitation. Malgré le développement éclair de la capitale rwandaise, la vie n'y est pas si douce qu'il peut y paraître. Les vieux démons qu'on tente d'enterrer sont toujours bien présents. « On nous dit que c'est fini, explique Manzi, qu'il n'y a plus d'ethnie, que nous sommes tous des Rwandais égaux mais dans le coeur des gens, dans leur tête, il y a toujours des idées racistes. Les ethnies ont été supprimées des cartes d'identité mais elles existent toujours dans les esprits. »

Un jour ou l'autre,

Cela risque d'exploser Cette réalité, le gouvernement refuse d'en entendre parler. Pour eux, Hutu, Tutsi, Twa, c'est du passé ! Et quiconque remettra ces catégories au centre du débat sera accusé de divisionnisme. L'intention est louable mais son application pose question. Aujourd'hui, tous ceux qui ont la langue un peu trop pendue doivent craindre un billet direct pour la prison.

« Pourtant il y a des choses à dire, explique Manzi, le ressentiment et la haine sont aussi forts qu'avant. La seule différence, c'est que ça ne se voit pas. Au début des années 90, on entendait des messages de haine tous les jours à la radio, aujourd'hui les gens se taisent. Mais la majorité d'entre eux sont fâchés. Tout ce qu'ils retiennent, toute la rancoeur qu'ils gardent pour eux, cela peut exploser un jour. C'est pour cela qu'il faut se méfier des Rwandais. Vous savez, ici, avant les années 90, c'était presque aussi calme qu'aujourd'hui. »

Prendre ses précautions

Qu'elles soient ethniques ou autres, les différences et les discriminations semblent donc toujours bien d'actualité au Rwanda. Et si l'écrin dans lequel on tente de blottir Kigali suffit à convaincre les touristes de passage, aucun Rwandais n'est dupe. « Hier, confirme Manzi, je parlais avec un ami qui m'expliquait que pour cette année d'élections présidentielles, il allait s'exiler quelques mois au Burundi en attendant d'être sûr qu'il n'y aurait pas de violences. Les gens prennent leurs précautions... »


À Kigali, Patrick SÉVERIN  

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