Le procès de Victoire Ingabire: déclarations mensongères du juge et du procureur rwandais
Photo : Mme Victoire Ingabire, incarcerée pour des raisons politiques
Le Quotidien pro-gouvernemental, The New Times, du 17 Mars, 2011 (numéro 14567) a de nouveau fustigé Mme Victoire Ingabire, leader de l’opposition incarcérée et présidente des FDU-INKINGI, d'avoir refusé de se livrer aveuglément à la boucherie politico judiciaire du régime rwandais.
«Nous avons communiqué avec elle par écrit à plusieurs reprises. Nous lui avons donné l'acte d'accusation et tous les fichiers contenant des preuves de poursuites. Nous lui avons demandé de déposer sa défense en Février, mais elle ne s'est pas prononcée jusqu’à ce jour », a déclaré le Juge Johnston Busingye, le Président de la Haute Cour et Vice Président de la Cour Suprême du Rwanda. «Nous lui avons adressé un rappel, mais rien ne s'est produit. Nous lui avons donné le droit de se défendre et nous attendrons jusqu'à ce qu'elle réponde. Elle peut aussi bien nous dire qu'elle ne veut pas de cette offre et nous pourrons poursuivre en fixant la date du procès sans sa défense», a t-il poursuivi.
Jusqu'à preuve du contraire, nous ne pouvons en aucun cas croire que ce Juge de haut rang a délibérément menti au public par le biais d’une presse partisane alors qu’il sait que le dossier de 2080 pages qui a été soumis en toute hâte par le Procureur le 27 Décembre, 2010 pour justifier la détention illégale de Mme Victoire Ingabire est toujours sous enquête, selon le Ministre de la Justice.
L'accès au dossier de la Cour a été très difficile, restrictive et non professionnelle. Le fichier est un amalgame de différentes langues et c'est la responsabilité de la Cour de disponibiliser l'ensemble du dossier dans une langue officielle comprise par le conseil de la défense de l'accusée. Le Rwanda est un État membre du Commonwealth et l'anglais est depuis quelques temps sa langue officielle. Deux membres de l'avocat de la défense sont des citoyens britanniques et n'ont jamais reçu jusqu'à ce jour aucune version officielle du dossier en langue anglaise. Est-ce que le Juge Johnston Busingye se soucie vraiment du fait que la défense comprenne ou pas le dossier à fond? On sait que son travail n'est pas une position politique même s'il a été membre du parti au pouvoir mais aussi, pendant longtemps un membre actif au service de l'appareil exécutif.
A plusieurs reprises, les Services de Renseignement Militaires (DMI) et les membres du Département des Enquêtes Criminelles (CID) ont nié à l'accusé le droit à une discussion privée et de qualité avec l'avocat rwandais jusqu'à ce que l'avocat fasse appel au Procureur Général pour débloquer cette situation au moins trois fois. Plusieurs fois, les avocats étrangers légalement accrédités se sont vus refuser l'accès à leur cliente. Laissé sans autre alternative, un avocat britannique a dû reporter son vol parce que ses visites à la prison centrale de Kigali ont été refusées pendant deux jours consécutifs.
Le même quotidien a cité le procureur général, M. Martin Ngoga, qui disait: «L’accusation était prête pour ce procès depuis le jour où nous avons déposé le dossier de fond à la Haute Cour. Nous avons indiqué, dans le passé, que nous avions fait plusieurs demandes de coopération judiciaire auprès d'un bon nombre de pays européens ; nous avons eu très peu si non une lente coopération de leur part. Cependant, nous avons réussi à recueillir suffisamment de preuves pour prouver sa culpabilité, de l'avis de l'accusation ».
Curieusement, le Ministre de la Justice, l'honorable. M. Tharcisse Karugarama a déclaré à Genève, le 8 Mars 2011, qu'un délai supplémentaire était nécessaire pour l’accusation:
«En ma qualité de Ministre de la Justice, compte tenu de l'indépendance de la justice au Rwanda, je n'ai pas de commentaire sur l'affaire Ingabire parce que le dossier est toujours sous enquête. Le Rwanda a demandé des commissions rogatoires à la Belgique, aux Pays-Bas et aux États-Unis. La justice rwandaise est toujours en attente pour les résultats de ces enquêtes à l'étranger afin d'étayer les accusations. Il faudra certainement du temps. Considérant l'importance de ce procès pour la justice rwandaise et la communauté internationale, les autorités rwandaises ne prendront jamais le risque d'ouvrir le procès avant que l’accusation ne s’assure que le dossier en sa possession est complet», a déclaré le Ministre.
Dans une interview exclusive avec le Rédacteur en Chef du Quotidien The Daily Monitor, Kalinaki Daniel, (publiée en ligne depuis le 22 Mai 2010), le Président Paul Kagame a déclaré: «Nous avons des preuves, qui ont été portées à son [Mme Ingabire] encontre dont notamment environ 10 éléments qu'elle a niés auparavant. Maintenant, elle dit que sept d'entre eux sont effectivement vrais car il s’agit de preuves accablantes qui lui ont été opposées».
Cela révèle une fois de plus les contradictions troublantes et les interférences du gouvernement dans cette affaire. Manifestement, certaines de ces hautes autorités; soit le Président de la Haute Cour et le Vice Président de la Cour Suprême; soit le Procureur Général; soit le Ministre de la Justice ou le Président Paul Kagame ont un agenda caché et mentent au public à dessein.
Ces contradictions et ces mensonges érodent le peu de confiance du public dans le système judiciaire rwandais.
Fait à Kigali le 17 Mars 2011.
FDU-INKINGI
Boniface Twagirimana
Vice Président Intérimaire