LE DOSSIER DE MADAME AGATHE HABYARIMANA EST VIDE
Jeudi 4 mars 2010 4 04 /03 /2010 07:02
Extradition d'Agathe Habyarimana: "le dossier est vide", selon son avocat
(L'Express 03/03/2010)
PARIS - L'arrestation mardi d'Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais assassiné en 1994, sur la demande de Kigali en vue de son extradition, s'appuie sur un dossier "vide", les accusations de génocide à son encontre n'étant pas étayées, a affirmé mercredi son avocat.
"Le dossier est vide, il n'y a rien dedans. Il n'y a pas un rapport, pas un compte-rendu, pas un témoignage, rien", a déclaré Me Philippe Meilhac à l'AFP.
Brièvement interpellée mardi, Mme Habyarimana a été présentée au parquet général de la cour d'appel de Paris en vertu d'une demande d'arrestation provisoire du Rwanda en vue de son extradition.
Le mandat d'arrêt international à son encontre vise les chefs de génocide, de complicité de génocide, d'association de malfaiteurs en vue de la commission d'un génocide et de crime contre l'humanité. Kigali doit maintenant présenter une demande formelle d'extradition.
"Quand on présente une demande de ce type-là, ou on l'étaie dès le début ou alors c'est un coup politique", juge l'avocat.
Les faits qui lui sont reprochés par Kigali s'étendent du 1er octobre 1990, date du début de l'offensive de la rébellion du FPR contre le régime Habyarimana, au 9 avril 1994, date de l'évacuation d'Agathe Habyarimana vers la France. Pour l'avocat, "on ratisse le plus large possible mais il n'y a aucun détail: où, quand, comment".
Mme Habyarimana est fréquemment présentée comme une membre éminente de l'"akazu", le premier cercle du pouvoir hutu qui a planifié et mis en oeuvre le génocide.
"On dans la même situation depuis des années, on l'affuble d'une étiquette de génocidaire et personne n'étaie rien du tout", explique Me Meilhac, déplorant la situation "ambiguë" face à l'enquête pour génocide la visant en France depuis deux ans mais dans le cadre de laquelle elle n'a jamais été entendue.
"Le rôle d'Agathe a toujours été associé à celui de son frère Protais. Or celui-ci a été acquitté par le TPIR", plaide-t-il.
Surnommé "Monsieur Z", Protais Zigiranyirazo était présenté par l'accusation du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) comme la principale figure du cercle présidentiel ayant planifié le génocide. Condamné en première instance, il a été acquitté en novembre en appel.
Par AFP, publié le 03/03/2010 à 15:00 - mis à jour le 03/03/2010 à 14:57
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Par AFP, publié le 03/03/2010
PARIS - Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais assassiné en 1994 qui a été arrêtée mardi matin près de Paris en vertu d'un mandat d'arrêt international émis par Kigali, a été remise en liberté et placée sous contrôle judiciaire, a annoncé le parquet général de Paris.
Mme Habyarimana doit dorénavant être présentée "dans un délai de dix jours ouvrables" devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris qui donnera ou non son aval à la demande d'extradition formulée par Kigali.
"Mme Habyarimana ne va pas consentir à être extradée", a affirmé à l'AFP son avocat Me Philippe Meilhac.
Léon Habyarimana, l'un de ses fils, a déclaré mardi faire "confiance à la justice de la France". "Nous faisons confiance à la justice d'un pays démocratique. Tant que la politique ne s'en mêle pas, et qu'on laisse le dossier suivre son cours", a-t-il affirmé.
Concernant une éventuelle extradition d'Agathe Habyarimana vers le Rwanda, son fils a précisé: "On ne s'exile pas par plaisir. On a assassiné son mari".
Cinq jours après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda, Agathe Habyarimana, veuve du président rwandais assassiné en 1994, a été arrêtée mardi près de Paris à la demande de Kigali pour son rôle présumé dans le génocide, avant d'être libérée sous contrôle judiciaire. Elle avait été interpellée peu avant 08H00 (07H00 GMT) à son domicile à Courcouronnes (sud de Paris), sur la base d'un mandat d'arrêt international émis par les autorités rwandaises pour génocide.
Kigali l'accuse d'avoir participé à la planification et à l'organisation du génocide. Elle est souvent présentée comme une membre de l'"akazu", le premier cercle du pouvoir hutu, ce qu'elle nie. L'attentat contre l'avion transportant son époux le 6 avril 1994 est considéré comme l'élément déclencheur du génocide, qui fit selon l'Onu environ 800.000 morts, essentiellement des Tutsi.
A Kigali, le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama, s'est réjoui de cette arrestation et a exhorté la France à renvoyer la veuve de l?ex-président devant la justice rwandaise, en dépit de l?absence d?un traité d?extradition entre Paris et Kigali.
Elle "fait partie des principaux planificateurs du génocide (...), il est important qu?elle soit traduite en justice et réponde aux questions qui lui seront posées par les instances judiciaires", a-t-il déclaré.
De son côté, Me Meilhac a estimé que l'arrestation de sa cliente était liée à la visite de réconciliation de Nicolas Sarkozy à Kigali, la première d'un président français depuis le génocide, cinq jours auparavant. "On ne peut pas ne pas faire le lien. La demande d'extradition de Kigali date de novembre et a été à l'évidence réactivée au retour" de Nicolas Sarkozy, a déclaré l'avocat.
A Kigali, le président français et son homologue rwandais Paul Kagame ont scellé la réconciliation entre les deux pays après trois ans de rupture des relations diplomatiques.
Au cours de cette visite, le président français a affirmé sa volonté que "tous les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis (...), où qu'ils se trouvent", tout en rappelant être tenu par "l'indépendance de la justice".
Réfugiée à l'ambassade de France au début des massacres, Agathe Habyarimana avait été évacuée vers Paris par des militaires français lors de l'opération Amaryllis (8-14 avril 1994). Après avoir résidé au Gabon, au Zaïre et au Kenya, elle s'est installée en France en 1998.
En octobre 2009, le Conseil d'Etat, plus haute instance administrative française, a refusé la demande d'asile qu'elle avait présentée cinq ans auparavant, estimant qu'il y avait des "raisons sérieuses de penser" qu'elle pouvait être impliquée "en tant qu'instigatrice ou complice" dans le "crime de génocide".
Mme Habyarimana est par ailleurs l'objet d'une enquête à Paris, ouverte en 2008 à la suite d'une plainte pour complicité de génocide. Elle n'a à ce stade pas été entendue dans ce dossier.
La justice française s'est opposée à trois reprises à l'extradition vers le Rwanda de personnes soupçonnées d'avoir pris part au génocide. La Cour de cassation, la plus haute autorité judiciaire française, a jugé que les juridictions rwandaises ne satisfaisaient pas aux normes internationales et n'étaient pas à même de garantir un "procès équitable".