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Publié par La Tribune Franco-Rwandaise

Par André Barthélemy* et Théobald Rutihunza**, réagissant à un article de Jean-François Dupaquier

Dans le numéro de juin 2013 d'Hommes et Libertés, Jean-François Dupaquier signe un article intitulé «  Face au génocide, l'exception française ». 

Jean-François Dupaquier s'indigne de ce que la France n'ait jamais jugé l'un des Rwandais suspectés d'actes de torture, de crime de guerre ou d'acte de génocide. Nous partageons cette indignation. La léthargie de la justice française à cet égard est scandaleuse et même, comme le suggère l’auteur, suspecte.

Les personnes qui sont depuis de nombreuses années l'objet d'allégations de crime de génocide ou d'actes de torture doivent être traduites sans délai devant le tribunal compétent si le procureur estime que les accusations sont suffisamment étayées. La présomption d'innocence dont elles bénéficient ne doit évidemment pas les protéger des poursuites judiciaires. Il n’est pas admissible que près de 20 ans après le génocide elles  n'aient pas même été inquiétées.

Heureusement, nous avons maintenant de fortes raisons d'espérer qu'ils auront bientôt à répondre de leurs actes et qu'ils subiront, si leur culpabilité est avérée, le juste châtiment de leurs crimes. La création du pôle « Génocide et crimes contre l'Humanité »au Tribunal de Grande Instance de Paris en 2011 et la rapide nomination de ses magistrats semble témoigner de la volonté française d'en finir avec l'impunité dont ils ont jusqu'alors bénéficié.

Malgré cette avancée majeure, Jean-François Dupaquier dénonce « l'exception française ». Notre refus d'extrader des suspects vers le Rwanda, qui les réclame, serait une exception en Europe. Il est vrai que la surprenante décision du TPIR d'extrader vers le Rwanda Jean-Bosco Uwinkindi a incité plusieurs Etats à suivre cet exemple venu de haut. Pour autant l'extradition est-elle justifiée ?

Pour justifier le refus, deux arguments sont avancés que Mr Dupaquier rappelle. 

L'argument de la non -rétroactivité de la loi rwandaise fixant les peines applicables aux crimes relevant des conventions internationales contre le génocide ne peut pas être sérieusement retenu en la circonstance : s'agissant de crimes majeurs, depuis Nuremberg, la Communauté internationale, et la France, sont maintes fois passé outre. Citons Barbie, Touvier, Milosevic...et le TPIR !

En revanche le second argument avancé par la justice française pour refuser d'extrader est légitime.

Certes il est vrai que le Rwanda a tout exprès modifié son système judiciaire, allant jusqu'à supprimer la peine de mort. Pourtant s'il a ainsi « modernisé »et mis aux normes internationales son outil judiciaire et pénitentiaire, il ne garantit toujours pas , dans les faits, le droit à un procès équitable.

Militants des droits de l’Homme, nous sommes entraînés à distinguer les normes juridiques d'une part et leur effectivité d'autre part. Rien n'indique que le gouvernement rwandais ait renoncé effectivement aux condamnations arbitraires, au recours aux faux témoignages, à la limitation des droits de la défense. Pour illustrer le savoir-faire du Rwanda, Jean-François Dupaquier cite les tribunaux Gacaca qui, en effet, ont jugé près de  un million et demi de personnes ...c'est à dire presque tous les Hutus encore vivants et résidant toujours au Rwanda qui étaient adultes en 1994!Ces tribunaux, où l'accusé n'avait pas droit à la défense, ont très fréquemment prononcé des condamnations sans preuve et fixé des peines d'une extrême sévérité. Les militants des droits de l'Homme ont été particulièrement visés. Ainsi François Xavier Byuma , l'un des co-fondateurs de la LIPRODHOR ( Ligue des droits de l'Homme) a été condamné à 18 ans de prison sans qu'aucune des accusations portées contre lui ait reçu le moindre commencement de preuve.

Pour prouver que le Rwanda garantit le droit à un procès équitable, Mr Dupaquier ne peut citer que...l'avocat de l'Etat rwandais ! N'est-ce pas reconnaître qu'aucun des juristes européens qui font autorité ne partage cette opinion ?

Oui, la France doit procéder immédiatement à l'arrestation des présumés génocidaires qui se trouvent sur son sol et les juger sans tarder davantage.

Non, elle ne doit pas les extrader vers le Rwanda qui n'offre pas la garantie d'un procès équitable.

 

*André Barthélemy                                                      

Président d'honneur                                              

Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme             

 

**Théobald  Rutihunza

Fondateur et ex Président de la LIPRODHOR

Président du RIPRODHOR

*****

Réponse de Jean-François Dupaquier

Dupaquier pour l'extradition

 

Autre article

http://www.la-croix.com/Actualite/France/La-justice-francaise-a-toute-legitimite-pour-juger-les-genocidaires-Rwandais-2014-03-14-1120465#.UyNuhw2laEE.mailto

 

 

 

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