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Publié par JMVN

AURORE LARTIGUE

La Croix 25/01/2011, Page 10

Dans son rapport annuel, l’ONG américaine pointe la complaisance de l’ONU et de l’Union européenne face aux pays répressifs

«Les déclarations routinières en faveur du dialogue et de la coopération avec des gouvernements répressifs servent trop souvent d’excuses pour justifier l’inaction face aux atteintes aux droits humains », a déclaré Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Rights Watch (HRW), à l’occasion de la publication de son rapport annuel, qu’il présentait hier à Bruxelles. Dans son introduction à ce document de plus de 600 pages, le dirigeant de l’ONG américaine reproche aux États, à l’ONU et à l’Union européenne de se montrer trop « timides » et de faire parfois preuve de « lâcheté » envers les régimes répressifs. Il les accuse notamment de privilégier « une diplomatie de dialogue et de coopération » plutôt que « d’exercer des pressions publiques ». Pour Kenneth Roth, seules de telles «pressions permettent de diminuer le risque de l’oppression car elles signalent clairement que les exactions ne peuvent se poursuivre sans engendrer un coût pour leurs auteurs ». Selon HRW, le dialogue et la coopération sont importants, mais, en l’absence d’une réelle volonté politique de la part d’un gouvernement de respecter les droits humains, ils ne sauraient en rien se substituer à de réelles pressions.

« Cette pratique gouvernementale n’est pas nouvelle », commente Jean-Marie Fardeau, le directeur en France de HRW : « Ces derniers temps, cette façon de faire a été théorisée. Elle est plus que jamais en vogue aux Nations unies. On a dit que sanctionner n’était pas une bonne chose, que cela ne marchait pas. Mais cela devient préoccupant, car on se prive de moyens. ». Le Sri Lanka illustre « une version extrême de cette stratégie», rappelle Jean-Marie Fardeau. Au lieu de condamner les atrocités commises contre les civils, «une majorité de membres du Conseil a rejeté les objections d’une minorité et voté pour féliciter le Sri Lanka pour sa victoire militaire, sans que mention soit faite des atrocités perpétrées par son gouvernement », dénonce-t-il, déplorant que l’on préconise « la coopération plutôt que la condamnation ».

L’UE aussi semble « beaucoup apprécier cette stratégie », ajoute Kenneth Roth : « Catherine Ashton, la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique sécuritaire, ne cesse de préconiser une « diplomatie discrète » en toutes circonstances. » Cette discrétion explique pourquoi le directeur d’HRW a choisi Bruxelles pour présenter son rapport. Il a notamment cité l’attitude de Catherine Ashton sur la Birmanie, soulignant qu’elle avait « refusé d’avaliser la création d’une commission d’enquête, pour la raison fallacieuse qu’elle serait inefficace sans la coopération de la junte birmane. »

Entre autres complaisances de l’Europe, le rapport dénonce aussi «l’approche obséquieuse» à l’égard du Turkménistan et de l’Ouzbékistan. L’Union européenne a levé progressivement les sanctions imposées à ce dernier pays depuis le massacre de centaines de personnes en 2005, à Andijan, « et ce, souligne Kenneth Roth, bien qu’aucune mesure n’ait été prise pour permettre une enquête indépendante». Ironie de l’actualité, le président de la petite dictature d’Asie centrale, Islam Karimov, effectuait justement hier sa première visite officielle à Bruxelles.

Mais l’ONU et l’Europe ne sont pas les seuls visés. L’ONG américaine n’épargne pas les États-Unis qui se sont abstenus d’intervenir « avec énergie auprès par exemple de la Chine, de l’Inde et de l’Indonésie » quand il aurait fallu le faire. Kenneth Roth n’hésite pas à s’étonner sur le fait que Barack Obama se retrouve ainsi « parfois privé de sa fameuse éloquence ». C’est envers la Chine, conclut-il, que « la lâcheté se manifeste de manière quasi universelle ».

Même si elle ne figure pas dans le rapport 2010, HRW ne pouvait pas manquer de critiquer l’attitude controversée de la France en Tunisie. « Pendant des années, explique Jean-Marie Fardeau, directeur France de HRW, on nous a dit : ne vous inquiétez pas, on est au courant de la situation en Tunisie. La stabilité du régime est le meilleur rempart contre l’islamisme. Cette attitude de la France est l’archétype de la diplomatie silencieuse. »

L’ONG américaine n’épargne pas les États-Unis qui se sont abstenus d’intervenir « avec énergie auprès, par exemple, de la Chine, de l’Inde et de l’Indonésie ».

SUR WWW.LA-CROIX.COM Retrouvez le rapport complet

http://journal-en-ligne.la-croix.com/ee/lacr/_main_/2011/01/25/010/?article=3

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