La détention de l’opposante Victoire Ingabire est une preuve supplémentaire du caractère répressif du régime rwandais
20/10/2010
Leader d’un parti interdit, l’opposante Victoire Ingabire est accusée de « terrorisme ».
Pour ses partisans, la détention de l’opposante Victoire Ingabire est une preuve supplémentaire du caractère répressif du régime rwandais. Aux yeux du pouvoir, c’est un coup de maître appelé à faire taire les sceptiques.
Arrêtée jeudi 14 octobre, la présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), un parti d’opposition non autorisé, était déjà sous contrôle judiciaire depuis avril dernier. Après l’avoir accusée de divers crimes, notamment des attentats à la grenade, le pouvoir s’appuie sur le témoignage d’un ancien membre des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe à dominante hutue basé dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Chaos
Selon cet homme, Victoire Ingabire aurait contribué à la création d’un groupe armé chargé de semer le chaos au Rwanda, de concert avec l’autre ennemi juré du régime, Paul Rusesabagina, ancien directeur de l’hôtel Mille Collines de Kigali, qui inspira le film Hôtel Rwanda. Mais l’opposition fait remarquer que la maison de l’opposante était cernée par la police depuis déjà plusieurs jours quand l’accusateur providentiel a fait son apparition.
Ayant elle-même perdu un frère dans le génocide de 1994, assassiné par les miliciens hutus Interahamwe, mais aussi d’autres membres de sa famille, tués par le Front patriotique rwandais (FPR) aujourd’hui au pouvoir, Victoire Ingabire n'a pas hésité à provoquer le régime.
Reconnaître les hutus victimes
Dès son retour après seize ans d’exil, visitant le mémorial du génocide de Kigali, celle qui entendait être candidate à la présidentielle demandait la reconnaissance des « Hutus qui furent victimes de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, qui ne sont pas évoqués ni honorés ici ». Plus tard, elle se recueillera sur la tombe de Dominique Mbonyumutwa, premier président (hutu) du Rwanda indépendant, honni par le FPR.
Empêchée d’être candidate à la présidentielle du 6 août dernier – élection remportée par le président Paul Kagame avec 93 % des voix –, Victoire Ingabire se savait menacée, au même titre que d’autres opposants récemment emprisonnés ou assassinés. Âgée de 42 ans, mère de trois enfants, elle aurait fait l’objet de mauvais traitements depuis son arrestation, selon son parti.
« Si elle doit être inculpée, ce devrait être sur la base de preuves solides, et non comme une punition pour ses critiques envers le gouvernement », a déclaré l’ONG Human Rights Watch.
Laurent d’ERSU