Gilbert Gatore, un jeune auteur rwandais primé à Saint-Malo, est menacé d'expulsion
Primé à Saint-Malo, il est menacé d'expulsion
Gilbert Gatore est sans papiers. Et ce n'est pas un jeu de mot pour cet écrivain arrivé adolescent en France. Sa demande de naturalisation française vient d'être refusée pour la seconde fois. Le trentenaire qui vit et travaille à Paris depuis une quinzaine d'années est expulsable. Du jour au lendemain. Ce Rwandais a été révélé au festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo. En 2002 les jeunes jurés du Prix Ouest-France le désignent meilleur auteur de l'année. Un choix qui émeut ce garçon, à peine plus âgé qu'eux. Etre distingué « par des gens libres et normaux» est sa plus belle récompense. Avec Le passé devant soi il choisit la forme du roman pour dessiner la complexité des bourreaux et des victimes du génocide rwandais de 1994. Un titre et un texte subtils qui laissent deviner le combat intérieur de ce jeune homme qui a fui son pays en guerre. Mais ses origines, son histoire, il ne veut pas les porter comme un étendard.
Un pur produit de la France "
Le jeune réfugié politique ne parlait pas parfaitement français en arrivant dans I'Hexagone. ll s'est hissé jusqu'aux diplômes de Science po et d'HEC avant de débuter sa carrière dans une grande agence de publicité parisienne. Son roman est salué par la critique et par le public.
ll se sent aussi écrivain que français. Une évidence mais qu'il faut toujours justifier.
" Gilbert Gatore honore la littérature française ", rappelle Michel Le Bris, le directeur d'Etonnants Voyageurs. Alain Mabanckou, autre auteur primé à Saint-Malo en 2005 puis par le Renaudot en 2006, est également prêt à se mettre en ordre de bataille pour le défendre. « Cet homme est un pur produit de la France. Si on expulse des personnalités de cette envergure, on décime la branche sur laquelle on est assis. »
Gilbert Gatore a passé tous les tests pour prouver qu'il avait naturellement sa place en France. Son dossier a été rejeté pour un défaut de paiement d'impôt d'environ 3 000 €. Le jeune homme s'est acquitté de cette dette et de ses pénalités.
Photo ci-contre : Alain Mabanckou.
« Des évadés fiscaux comme Michel Polnareff et Johnny Hallyday n'ont jamais posé de problème ", commente Alain Mabanckou, qui se bat contre les préjugés dans son dernier essai Le sanglot de l'homme noir.
Karin CHERLONEIX.
Ouest-France