Alain Juppé n'a pas l'intention de serrer la main de Paul Kagame
©AFP / 02 mai 2011
PARIS - La France a fait part au Rwanda de son courroux après des propos critiques de Paul Kagamé à l'égard du chef de la diplomatie française, Alain Juppé, dont la présence n'est pas la bienvenue au Rwanda, selon le président rwandais, a indiqué lundi le Quai d'Orsay.
La question d'une visite du ministre d'État au Rwanda n'est pas d'actualité, a répondu sèchement le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero, à une question sur les propos de Paul Kagamé lors d'un point-presse.
"Ca tombe bien parce que je n'avais pas l'intention d'y aller ni de lui serrer la main", a déclaré de son côté Alain Juppé, en réponse à une question en fin de conférence de presse lundi après-midi à Bordeaux (ouest).
Dans un entretien publié lundi par l'hebdomadaire Jeune Afrique, Paul Kagamé a indiqué qu'Alain Juppé ne serait pas le bienvenu au Rwanda. Il a aussi maintenu une déclaration d'avril dans laquelle il avait estimé que les Rwandais avaient été insultés par la position du responsable français qui occupait, lors du génocide de 1994, les mêmes fonctions de chef de la diplomatie qu'actuellement.
Dans son entretien, le chef d'Etat rwandais juge toutefois que le ministre français n'est pas un obstacle à une future visite en France. La France ne se résume pas à Alain Juppé, a-t-il notamment dit.
Les propos que vous rapportez vont à l'encontre d'une relation bilatérale constructive, a souligné lundi Bernard Valero. Ce message a été transmis aux autorités rwandaises, a-t-il précisé.
Les relations entre Paris et Kigali, rompues entre 2006 et 2009, s'étaient apaisées en 2008 après l'évocation par l'ancien chef de la diplomatie française Bernard Kouchner d'une faute politique de la France lors du génocide. Alain Juppé avait alors très vivement répliqué, dénonçant des amalgames de la repentance.
La normalisation avait été scellée en février 2010 lors d'une visite de Nicolas Sarkozy, qui avait reconnu une forme d'aveuglement de Paris pour n'avoir pas vu la dimension génocidaire du régime rwandais qu'il soutenait alors. Kigali, qui avait à plusieurs reprises accusé Paris de complicité avec les génocidaires, avait cessé toute invective.
Entre avril et juin 1994, plus de 800.000 Rwandais, essentiellement issus de la minorité tutsi, ont été massacrés par des milices extrémistes hutu et les ex-Forces armées rwandaises, selon l'ONU. L'attentat, le 6 avril 1994, contre l'avion du président hutu Juvenal Habyarimana, est considéré comme le signal déclencheur du génocide.
Les justices française et rwandaise, qui enquêtent séparément sur ce crime, se sont longtemps opposées: la première soupçonne un commando du Front patriotique rwandais (FPR de Paul Kagamé, qui était alors une rébellion) d'avoir abattu l'avion, tandis que la seconde en accuse des extrémistes hutu qui auraient jugé Habyarimana trop modéré.
L'émission par la justice française de mandats d'arrêts contre neuf proches de M. Kagamé en 2006 avait entraîné la rupture avec Paris.
En avril 2010, pour la première fois depuis 2004, la France a été représentée par un membre de son gouvernement à la commémoration du génocide. Il s'agissait d'Alain Joyandet, alors secrétaire d'Etat à la Coopération.
(©AFP / 02 mai 2011 18h35)