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Publié par JMV Ndagijimana

Par CF & Guy De Boeck/Le Potentiel

Un débat mérite d’être ouvert sur la conduite à préconiser autour du scandaleux dossier des crimes de guerre commis en RDC. L’alternative de traduire les criminels mis en cause devant une CPI ou un TPI mérite d’être examinée en profondeur pour éviter le subtil jeu de dissimulation des véritables auteurs internes et externes des dits crimes

Il ne devrait pas y avoir de crimes impunis, même si en pratique l’on est fort loin du compte. Il n’y a donc rien de plus légitime que le désir fréquemment exprimé par les Congolais, de voir juger les responsables de crimes de guerre commis dans l’Est du Congo. Ils méritent d’autant plus d’être soutenus qu’ils réclament non la vengeance, mais la justice. Compte tenu de l’horreur des atrocités commises, on aurait pu s’attendre à des sentiments moins sympathiques.

Depuis la visite au Congo de Mme Hillary Clinton, ces espoirs ont pris un regain de vigueur et il est beaucoup question d’un Tribunal Pénal International pour le Congo (TPIC), encore à créer.


Simultanément, des procès sont en cours devant la CPI, à charge de Congolais responsables de certains crimes de guerre. D’autre part, un tribunal international a condamné l’Ouganda pour son agression contre le Congo. Bien qu’il s’agisse là d’un tribunal qui juge non les individus, mais les états, il faut tout de même tenir compte de ce que l’agression ougandaise constituait la « toile de fonds » de certains des crimes actuellement jugés à La Haye, l’Ouganda ayant entre autres tenté d’instrumentaliser l’hostilité entre Hema et Lendu à son profit. Enfin, n’oublions pas que si JP Bemba est actuellement détenu et poursuivi pour des faits commis en Centrafrique, il aura sans doute par la suite à faire face à des accusations de la même CPI, concernant des faits commis au Congo et dont certains font, eux aussi, partie des atrocités de l’Ituri, donc de ce même dossier ougando-congolais.

Il ne faut pas surestimer l’émotion de Clinton

 

Dans l’hypothèse d’un TPIC, on pourrait se trouver devant une situation embrouillée ; Certains faits commis dans l’Ituri, dont ils a déjà été jugé qu’ils étaient – au niveau des états - attribuables à l’Ouganda, actuellement en instance de jugement devant la CPI, à charge de Lubanga et autres, pourraient aussi faire l’objet d’actions devant ce TPIC ! Cela ferait un assez joli « potopoto », et qui y gagnerait ? Sûrement pas la Justice !

 

Je ne veux nullement accuser Hillary Clinton d’avoir joué la comédie et versé sur les souffrances qu’elle a vues des « larmes de crocodile ». Il est au contraire tout à fait vraisemblable qu’elle a été réellement émue et choquée. Entre savoir et voir, il y a toujours un hiatus et l’on ne peut qu’être secoué lorsque l’on voit, touche et sent ce que l’on savait, par ailleurs, depuis longtemps.

La question qui se pose n’est donc pas de savoir si l’émotion de Mme Clinton était réelle ou simulée. Elle est de savoir quelles conséquences politiques pratiques cette émotion pourrait avoir. Et là, on semble bien être loin du compte !

 

Pas mal de Congolais ont sursauté, désagréablement, quand elle a fait une déclaration que d’aucuns ont qualifiée « d’invitation à l’amnésie » oublier le passé et se tourner vers l’avenir, etc. On devrait peut-être se demande si elle ne traduisait pas, par cette déclaration, sa propre attitude et, précisément, sa propre émotion : « Tout cela est vraiment affreux et je préfère oublier mes propres responsabilités et celles de mon pays dans tout cela ». Cela ne manifeste en rien une velléité quelconque de change quoi que ce soit à la ligne suivie par la politique américaine. Cela montre simplement la volonté d’en oublier très vite les images trop pénibles.
En d’autres mots, c’est l’histoire du monsieur qui disait « La vue de la misère dans laquelle vivent les gens d’à côté était vraiment insupportable. J’ai donc fait construire un mur pour ne plus la voir… »

Pourquoi un Tpic ?

 

Avec ou sans émotion de la pat de Hillary, il faut se poser la question : « Qu’est-ce qu’un TPI apporterait au Congo ? », et même plus précisément « Qu’apporterait-il qu’on ne puisse attendre de ce qui existe déjà, et notamment de la CPI ? ». Et peut-être devrait-on sa demander aussi « Qu’est-ce que les autres parties en cause – USA, Rwanda, Ouganda, etc. - pourraient attendre de l’un ou de l’autre ? »

Lorsqu’on prend connaissance des arguments mis en avant en faveur de la création d’un TPIC, on constate bientôt qu’il s’agit d’une liste de reproches que l’on peut formuler à l’égard de la CPI, accompagnée de l’affirmation qu’un TPIC n’aurait pas ces défauts-là. Et, il ne faut pas avoir peur de le reconnaître, la CPI a de nombreuses faiblesses et défauts qui tiennent au fait qu’elle est un prototype. C’est la première fois que l’on essaye de faire fonctionner une justice internationale permanente. Renoncer à l’idée parce que le prototype n’a pas tourné rond dès le premier essai revient à renoncer à toute espèce de progrès !

Certaines de ces objections se basent sur le fait que la compétence de la CPI ne s’étend qu’aux pays signataires du Statut de Rome. Cela n’est pas exact. La CPI peut parfaitement poursuivre et même arrêter des ressortissants de pays non-signataires, à condition d’y être autorisée par le Conseil de Sécurité de l’ONU. Certes, il est probable qu’un vote favorable à une elle mesure, qui frapperait un allié très proche d’un des pays disposant du droit de veto se heurterait précisément à ce veto. L’exemple auquel on pense immédiatement est celui de la mise en cause de hautes personnalités rwandaises, peut-être de Kagame lui-même, qui serait sans doute arrêtée par un veto américain. Il est clair que c’est là un problème réel ! Mais il ne découle en rien de la CPI ! C’est une conséquence de la manière dont le vote a été organisé aux Nations Unies, et de l’usage excessif et sans pudeur que les USA font de leur prépondérance. Que la loi du plus fort règne sans partage à l’ONU est certes un problème, mais il est bien plus ancien que la CPI !

Un TPI est toujours créé par une décision internationale qui définit sa mission et la délimite.
C’est à dire que le tribunal est chargé de connaître des crimes de guerre ou contre l’humanité commis sur un certain territoire entre une date X et une date Y, qui en marquent le début et la fin. Ce mandat est toujours restrictif, c’est-à-dire qu’à un mètre hors de la zone géographique, ou une minute après la fin du fatidique dernier jour, le tribunal est contraint de se déclarer incompétent. Et l’on peut compter sur les avocats pour user de toutes les possibilités que cela peut offrir. C’est leur métier.

Or, à quand faut-il faire remonter le début officiel des crimes de guerre ? C’est une question à laquelle il n’est pas simple de répondre historiquement et qui, dans le cas d’un TPIC, pourrait modifier du tout au tout sa compétence et ses débats. Si l’on choisit 1998, on met hors d’atteinte les personnes impliquées dans un certain nombre de massacres qui ont accompagné la « guerre de libération » de 1996/97.

Si l’on prend 1996, on ne tient pas compte de la situation créée dès 1994 par l’afflux de réfugiés rwandais – certains en armes – les coups de main du RFPR contre leurs camps, la responsabilité de Mobutu dans cet imbroglio… Ce ne sont là que des exemples. Jusqu’ici, le document le plus ancien que l’on puisse citer comme faisant état de conflits entre « banyarwanda » et « congolais pure laine » est un décret colonial date de 1923 !

Il existe donc, à la création d’un TPI de multiples possibilités, surtout si l’on tient compte de la prépondérance américaine à l’ONU et de son pouvoir de bloquer les décisions qui lui déplaisent, de s’assurer que le glaive de la justice ne s’abattra pas sur ses amis. Sans préjudices des manœuvres et pressions ultérieures pour orienter les poursuites, comme le TPIR d’Arusha l’a tristement illustré. (Voir à ce sujet, p. ex. « La justice internationale prise au piège » de Charles Onana).

En se montrant favorable à l’idée d’un TPIC, Hillary Clinton n’a nullement cédé à une émotion. Elle a couvert d’un voile mensonger de pitié un calcul froid et cynique : mettre en avant la solution qui, sous les apparences de la justice, permettrait d’assurer au mieux l’impunité de son ami et allié : Paul Kagame.


(DN/Milor/GW/Yes)

CF & Guy De Boeck/Le Potentiel

 

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